PROCÈS - Huit personnes, dont six policiers de la brigade anti-criminalité du 18e arrondissement de Paris, comparaissent à partir du mercredi 4 février devant la 16e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Ils sont notamment soupçonnés d'avoir racketté des dealers du quartier de la Goutte d'Or et bidonné des procès-verbaux.
Des stups, de l'argent, des procès-verbaux falsifiés, des fausses interpellations. Tels sont les ingrédients qui ont permis, selon l'accusation, à des fonctionnaires de police d'avoir la belle vie… jusqu'à leur interpellation. À partir du mercredi 3 février et jusqu'au 12 février, huit personnes, dont six policiers de la brigade anticriminalité (BAC) du 18e arrondissement de Paris, sont jugés pour ces faits, ou une partie d'entre eux.
Né en octobre 1973 et considéré comme le principal protagoniste, Karim M. alias "Bylka" (Kabyle en verlan) a été interpellé le 11 juin 2019 avant d'être placé en détention provisoire à l'issue de sa garde à vue dans la nuit du 13 au 14 juin 2019. Pendant plus d'une semaine, cet ancien policier "bien noté" par sa hiérarchie, arrivé en 2003 dans le quartier de la Goutte d'Or et père de trois enfants, doit comparaitre pour "corruption passive commise par personne dépositaire de l'autorité publique", pour "transport, détention, acquisition, offre ou cession de stupéfiants", "faux en écriture publique", "vol" et "détournement d'un fichier de données à caractère personnel".
À ses côtés comparaissent cinq autres agents de police, presque tous accusés de "faux en écriture publique" et, pour certains, de trafic de stupéfiants ou encore de "violences par personne dépositaire de l'autorité publique". Ces derniers sont notamment tombés grâce aux écoutes mises en place. Deux autres hommes, considérés comme des informateurs, sont aussi renvoyés devant le tribunal pour trafic et détention de stupéfiants. L'un d'eux devra aussi répondre de "corruption active".
"Pâte de dattes" et "assurance à payer"
C'est en 2018 que Karim M. a été balancé par un collègue, Abdellah L., comme l'avait révélé le site Les Jours des mois après les faits. Le procureur de la République de Paris avait confié à l'IGPN une enquête sur les agissements des fonctionnaires de la
BAC du 18e arrondissement de Paris après avoir été alerté des faits par la commissaire du quartier. Celle-ci avait rapporté au magistrat les propos de ce gardien de la paix accusant Karim M. et d'autres baqueux de "corruption et de vol de stupéfiants".
Abdellah L. indiquait ainsi à sa cheffe que Bylka et ses collègues avait subtilisé des stupéfiants à des individus lors d'un contrôle et "remplacé la came par de la pâte de dattes". Au cours de son audition par la police de polices, Abellah L. déclarait ainsi : "Ça fait 13 ou 14 ans que tout le monde sait que Karim M. prend des enveloppes auprès des dealers de la Goutte d'Or. Les dealers le disent, les commerçants aussi. Karim M. fait de belles affaires de stupéfiants sur la Goutte d'Or, mais ces affaires ne sont pas dues au hasard, il les fait grâce à des informations que lui donnent des informateurs". Et de continuer en indiquant que ces informateurs sont en réalité "des voyous qui tiennent ces rues". "Karim M. va bosser pour eux, pour interpeller dans les rues d'en face, pour interpeller la concurrence de ces gars". Le policier précise que les dealers "sacrifient parfois un de leur guetteur" pour permettre à Bylka de procéder à des interpellations.
Dès décembre 2017, la commissaire du 18e avait été interpellée dans la rue par des "délinquants" au sujet des effectifs de la BAC. Ainsi l'un d'eux lui avait lancé cet hiver-là : "Eh chef, il y a des ripoux dans ta BAC". Deux mois plus tard, en février 2018, un autre lors d'un contrôle lui avait glissé à l'oreille : "Commissaire vaudrait mieux t'occuper de ta BAC, il y en a un qui va se faire buter".
Au racket de stupéfiants, d'argent, d'accessoires de luxe type Rolex, s'ajoute la possibilité de monnayer une protection proposée, selon l'accusation, par Bylka. Plusieurs fois, Karim M. aurait ainsi dit aux dealers de "payer l'assurance" pour être tranquilles.
"Il attend de pouvoir s'expliquer".
Joint par LCI à quelques jours du procès, Patrick Maisonneuve, l'avocat de Karim M., assure que son client "a bien l'intention" de prendre la parole au cours de ce procès. "Il attend de pouvoir s'expliquer dans le cadre d'une audience publique et non pas dans le secret des cabinets d'instruction où, manifestement, il n'a pas été écouté. Il attend vraiment le débat public, les confrontations avec les autres personnes qui seront là".
Car Karim M. ne reconnaît pas du tout l'intégralité des faits qui lui sont aujourd'hui reprochés et pour lesquels il encourt jusqu'à dix ans d'emprisonnement. "Il conteste formellement deux choses : d'abord, la complicité de trafic de stupéfiants, et le fait d'avoir touché les moindres sommes d'argent provenant de trafiquants ou de voyous en général, en contrepartie d'une protection policière", détaille ainsi son avocat.
Les investigations ont montré que Karim M. possédait neuf téléphones, ne payait rien par carte et n'a retiré aucune espèce pendant quatre ans. Gérant de fait de deux hôtels et d'un bar, il se rendait souvent en Algérie, où il possède des biens immobiliers. "Il reconnaît avoir eu une activité commerciale à côté, avec ses parents, sa femme, mais c'est tout" rapporte Me Maisonneuve.
La hiérarchie et les indics
Concernant le recours aux informateurs de ces flics, considérés pour la plupart par l'accusation comme des "ripoux", en théorie, la brigade anticriminalité n'y a pas droit parce qu'il ne s'agit pas de la police judiciaire mais de sécurité publique. Le paradoxe, note l'avocat de Karim M., Me Maisonneuve, "c'est qu'on leur demande de remplir des objectifs". Soit environ "une trentaine de personnes tous les mois à présenter à des tribunaux sur les trafics de stups, au moins au procureur." Et pour remplir cet objectif, "il faut que vous ayez des indics" : "Si vous n'avez pas d'indics, vous ne faites pas de chiffres", insiste-t-il. Ainsi, "la hiérarchie était parfaitement informée qu'ils avaient recours à des informateurs. Cela ne concerne pas seulement cette BAC, d'ailleurs. De façon générale il y a une basse hypocrisie par rapport à cela. Karim M. s'expliquera là-dessus. Il va expliquer en quoi il informait sa hiérarchie, à quelle date, quel commissaire…". Bylka va-t-il mettre en cause sa hiérarchie à ce procès? "Oui, en tout cas, il va dire qu'elle était clairement au courant", confirme son avocat.
Outre l'aspect des "petites mains face aux chefs", ce procès s'ouvre dans un contexte bien particulier où certaines méthodes des policiers sont contestées par une partie de la population. Me Maisonneuve a le "sentiment que l'accusation veut faire une sorte d'exemple" avec ce procès. "Le parquet est très déterminé sur cette histoire et lui, Karim M alias Bylka est une cible. Le contexte n'est pas indifférent à ce qu'il va se passer au tribunal judiciaire de Paris à partir de mercredi. La mise en cause des services de police actuellement ? Il y a des polémiques dans tous les sens… On ne peut pas dire que l'on tombe au meilleur moment", concède la robe noire.
Le procès doit se tenir jusqu'au 12 février.
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