À l'occasion de son premier interrogatoire sur les faits, Rédoine Faïd a expliqué ce lundi devant la cour d'assises de Paris comment il avait préparé son évasion de la prison de Réau, le 1er juillet 2018.Il a assuré qu'il avait pu compter sur une équipe dont la majorité n'est pas sur le banc des accusés, et qu'il ne voulait pas de blessé.
C'est devant une salle comble, où le public est une fois encore venu en nombre l'écouter, que Rédoine Faïd a donné ce lundi, pour la première fois, des détails précis sur son évasion de la prison de Réau le 1er juillet 2018. Dans une déclaration spontanée faite à la cour d'assises de Paris, le braqueur multirécidiviste et roi de la belle, justifie d'abord son acte et son désir de fuir par ses conditions de détention à l'isolement où il a été placé une première fois après son évasion en 2013 de la maison d'arrêt de Lille-Sequedin.
"Moi, un jour, je me suis retrouvé dans cette cellule. C'était quoi l'issue ? C'est une question de survie. Vous vous dites : "Pourquoi je ne me barrerais pas ? C'est la mort ici. Le suicide vous guette, la folie aussi. L'évasion, c'est une séduction, une solution mauvaise mais qui fait rentrer un espoir dans ton environnement. Elle t'empêche de te tuer, de devenir fou" explique l'accusé debout dans le box, crâne rasé, et sweat-shirt vert foncé.
"L'idée, c'était de partir sans faire de dégât. Moi, je ne suis pas Robin des Bois" poursuit-il. Il soutient qu'il y avait plusieurs moyens de partir de Réau et reconnaît même que, jusqu'au "17 mai" 2018, l'évasion devait se faire avec des explosifs mais qu'avec "les parloirs, les familles et les surveillants", c'était trop risqué." "Moi, je suis un braqueur, mais j'ai mes limites. Il y a des zones où je ne veux pas aller. Je ne suis pas prêt à tout", lance l'accusé, assurant qui ne voulait pas qu'une goutte de sang ne soit versée.
"Un super mec expert en hélico" et "un gars sûr"
Celui pour qui "l'évasion" comme "la liberté" est une "séduction", développe ensuite l'élaboration de son plan. "Pour m'évader de prison, moi je copie les autres. Je vais pas dire mes maîtres mais je visionne un peu toutes les évasions qu'il y a eu avant moi : Jacques Mesrine à la Santé, Pascal Payet et la disqueuse, Jacques Mariani, paix à son âme ","l'hélicoptère" de Michel Vaujour. (...) Je fusionne un peu tous ces modes opératoires et j'apporte ma touche personnelle" révèle-t-il.
Le matériel, il l'a, comme les amis de longues dates sur qui il peut compter. Dans son équipe, "un super mec expert en hélico" notamment" et un "gars sûr", qu'il décrit aussi comme "l'ami d'enfance", "le cerveau", "l'ami de 30 ans", qui donnera le jour des faits "le green light, le feu vert au commando". Des noms ? Pas question. "Je les balancerai pas", prévient l'accusé.
Le roi de la belle demande également de l'aide à son grand frère Rachid, assis dans le box à ses côtés et qui a reconnu avoir pris un pilote en otage pour aller le chercher. "Spécialiste du bâtiment", celui-ci a l'expertise nécessaire pour manier la disqueuse qui servira à découper les portes de la prison pour arriver jusqu'à lui au parloir. Les autres aujourd'hui accusés ? Ils n'ont rien à voir avec son évasion soutient l'accusé qui répète aussi que son frère Brahim, avec qui il était au parloir au moment de l'évasion, ne savait rien de son projet. "Il est 200 % clean", insiste Rédoine Faïd.
Enfin, le futur évadé a détecté quelque chose d'assez incroyable dans la prison de Réau. "Il y a une faille qui a été repérée. Une faille irrationnelle. Il n'y a pas de filin. Je ne sais pas pourquoi, ils n'en ont pas mis. J'ai eu du mal à y croire. Ça a mis du temps à rentrer dans ma tête. Deuxième atout : le bâtiment du parloir est juste à l'entrée. Il fallait juste vérifier que l'hélicoptère puisse entrer et se poser. Vous l'avez vu, c'est la moitié d'un terrain de foot, il y a archi la place de rentrer" se souvient l'homme de 51 ans devant la cour.
Fin de l'interrogatoire mardi matin
Le reste, malgré quelques aléas, semble finalement avoir été assez simple pour Rédoine Faïd. L'évasion à l'aide de fumigènes, d'un hélicoptère dont le pilote avait été pris en otage, d'une disqueuse thermique, d'une arme de poing et d'une kalachnikov aura duré moins de dix minutes sans qu'aucun coup de feu ne soit tiré et sans qu'il n'y ait aucun blessé.
Après trois mois de cavale qu'il a très sommairement détaillé ce lundi, Rédoine Faïd a été interpellé le 3 octobre dans un appartement de Creil dans l'Oise où il avait grandi. Son interrogatoire doit se poursuivre mardi matin.