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Les tirs des policiers ont-ils augmenté de 50% après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur la légitime défense ?

Publié le 7 juin 2022 à 18h31

Source : JT 20h Semaine

Des internautes affirment ce mardi que l'usage des armes à feu par les policiers a augmenté de 50%.
Selon eux, cela serait lié à l'élargissement de la légitime défense en 2017.
Depuis cette année-là, les occurrences enregistrées représentent une hausse de 32%.

En pleine campagne pour les législatives, l'affaire a rapidement pris un tour politique. Après que trois agents ont ouvert le feu le samedi 4 juin sur un véhicule qui refusait d'obtempérer, tuant l'une des passagères, l'usage de l'arme à feu par la police s'est immiscé dans le débat. Au slogan "la police tue", lancé par Jean-Luc Mélenchon, Bernard Cazeneuve a ainsi rétorqué : "La police nous protège". Un tweet partagé ce lundi par l'ancien chef de gouvernement de gauche qui a provoqué l'ire de certains internautes. Ils affirment qu'une loi passée sous François Hollande a provoqué l'aggravation des violences policières.

L'argument des internautes : l'interview donnée le matin-même par Fabien Jobard. Le directeur de recherche au CNRS a en effet accusé début 2017 d'avoir provoqué "la confusion" dans les textes sur la légitime défense. "Cette loi est venue mettre de la confusion dans des textes clairs", a-t-il lancé au micro de Franceinfo. Avant de développer son raisonnement : "Le calcul du policier peut éventuellement être : s'il y a un refus d'obtempérer, alors la personne, qui vient de passer le barrage, qui vient de me dépasser, qui ne me pose plus un danger immédiat, peut porter atteinte à l'intégrité physique d'autrui, donc je tire". Résultat, cette loi qu'il juge "problématique" a provoqué la hausse du nombre de tirs par les policiers, qui "ont crû de 50%", selon le chercheur. Nous avons vérifié ce chiffre.

32% de tirs en plus depuis 2017

Pour rappel, la loi du 28 février 2017 "relative à la sécurité publique", est venue introduire la notion d'intention dans l'usage de la légitime défense. Désormais, les forces de l'ordre peuvent notamment ouvrir le feu sur un véhicule "dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui"

Rapidement, l'effet de cette loi semble s'être fait sentir. Dans une note interne révélée par TF1 dès le mois d'octobre 2017, l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) évoquait "une hausse significative de l'usage de l'arme à feu". Selon les informations diffusées par notre antenne à l'époque (vidéo ci-dessous), au premier semestre 2017, "192 tirs" avaient été déclarés par la police, ce qui représentait une hausse de 39%. Dans un cas sur deux, l'arme avait été utilisée pour tirer sur un véhicule en mouvement.

Les policiers utilisent beaucoup plus souvent qu'avant leurs armes à feuSource : JT 20h Semaine

Un phénomène qui s'est accentué sur l'ensemble de l'année 2017. Le rapport de la police des polices publié en août 2018 sur l'année précédente relevait en effet une forte hausse de l'usage des armes à feu. Avec 394 occurrences enregistrées en 2017 contre 255 l'année d'avant, cela représente une explosion de 54% des tirs à l'arme à feu. Chiffre diffusé ce mardi matin par Fabien Jobard. Ceci dit, cette flambée s'est quelque peu éteinte avec le temps. Tandis qu'il y a en moyenne 337 déclarations pour l'usage de l'arme individuelle depuis l'entrée en vigueur de la loi (hors période de confinement), il y en avait 256 sur les trois années précédant la loi. Soit une hausse de 32% entre les deux périodes.

Évolution entre 2012 et 2020 des déclarations à l'IGPN d'usage de l'arme individuelle
Évolution entre 2012 et 2020 des déclarations à l'IGPN d'usage de l'arme individuelle - IGPN

Cela signifie-t-il pour autant que ce phénomène est lié à l'élargissement des règles de la légitime défense ? Difficile de le savoir. Interrogé à l'époque, Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint d'Alliance – le syndicat qui avait poussé pour cette loi sur la légitime défense – expliquait cette flambée par le "contexte de menace terroriste" de l'époque, avec des "policiers devenus des cibles". L'IGPN justifiait, elle aussi, cette augmentation par la hausse des "violence envers les forces de l'ordre".

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Felicia SIDERIS

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