Refus d'obtempérer à Paris : que sait-on des trois policiers ayant tiré ?

Maurine Bajac, Raphaël Maillochon
Publié le 7 juin 2022 à 16h08, mis à jour le 7 juin 2022 à 21h59

Source : JT 20h Semaine

Des fonctionnaires de police ont fait feu à dix reprises sur une voiture samedi dans le XVIIIe arrondissement de Paris après, selon eux, un refus d'obtempérer.
Le conducteur du véhicule a été blessé. Sa passagère, elle aussi atteinte par des balles, a succombé à ses blessures.
TF1info revient sur le profil des trois fonctionnaires placés en garde à vue puis libérés sans poursuite.

Un peu plus d'un mois après le drame du Pont-Neuf, une semaine après celui du quai de la Mégisserie, les scénarios semblent tristement se répéter dans la capitale. Samedi 4 juin, trois policiers ont fait feu à plusieurs reprises sur un véhicule après que le conducteur a, selon eux, refusé d'obtempérer dans le XVIIIe arrondissement de Paris.

L'homme au volant a été grièvement blessé et hospitalisé comme sa passagère. Celle-ci, touchée au niveau de la tête, a succombé à ses blessures dimanche tandis que les trois policiers présents au cours de l'intervention ont été placés en garde à vue. 

Ces deux policiers âgés de 23 et 32 ans et une femme âgée de 31 ans,et cette policière, ont été auditionnés à partir de dimanche après-midi à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour "violence avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique". La mesure de garde à vue a pris fin ce mardi. Les trois fonctionnaires ont été libérés sans poursuites. TF1info fait le point sur leurs profils.

De jeunes policiers

Selon nos informations, les policiers placés en garde à vue, deux hommes et une femme sont âgés de 32 et 22 ans, sont tous gardiens de la paix et en poste au commissariat du XVIIIe arrondissement de Paris.

Tous sont bien notés par leur hiérarchie. Ils ont fait toute leur carrière à Paris. C’est la première fois qu’ils faisaient usage de leur arme de service.

Que s'est-il passé samedi dernier rue Ordener ?

Dans un communiqué ce mardi, la procureure de la République de Paris Laure Beccuau, détaille les événements tels que relatés par les protagonistes et les témoins samedi dernier. 

Ainsi, selon les premiers éléments de l'enquête, le 4 juin 2022, aux alentours de 11 heures, rue Ordener, un équipage de trois policiers appartenant à la Brigade Territoriale de Contact à VTT du commissariat du 18ᵉ arrondissement décidaient de contrôler un véhicule, de marque Peugeot modèle 207, avec quatre occupants à son bord. 

Le conducteur de ce véhicule refusait d’obtempérer à l'ordre de s'arrêter qui lui était donné. Ces policiers poursuivaient alors ce véhicule. Au niveau du 47 boulevard Barbès, ce dernier était bloqué dans la circulation puis redémarrait en dépit d'un nouvel ordre qui lui était donné d’arrêter le véhicule. A ce même endroit, deux policiers à vélo et un autre fonctionnaire d'un équipage de police secours, arrivé sur place en renfort, entouraient le véhicule puis ouvraient le feu à plusieurs reprises en sa direction. 

Le véhicule poursuivait sa course jusqu’au croisement entre la rue Custine et la rue de Clignancourt où il percutait un autre véhicule. Son conducteur en sortait avant de tomber au sol. Ce dernier, un homme âgé de 38 ans, était touché au thorax et la passagère avant, âgée de 21 ans, à la tête. Tous deux étaient transportés respectivement à l’hôpital Georges Pompidou et à l'hôpital Lariboisière en urgence absolue. Leur pronostic vital était engagé. Les deux passagers arrière, en état de choc, n'étaient quant à eux pas blessés. Le 5 juin 2022, la passagère avant du véhicule décédait des suites de ses blessures. Le pronostic vital du conducteur n'était quant à lui plus engagé. 

Le 4 juin 2022, afin de déterminer les circonstances exactes des faits susceptibles d'être reprochés au conducteur du véhicule, une enquête de flagrance était ouverte des chefs de "tentative d'homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique, refus d’obtempérer aggravé par la mise en danger d’autrui, conduite malgré annulation du permis de conduire et conduite sous l’empire d’un état alcoolique et après avoir fait usage de substances classées comme stupéfiants". Elle a été confiée au 2ᵉ District de police judiciaire de la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ).  Le conducteur du véhicule a été (de nouveau) placé ce mardi en garde à vue.  Il l'avait déjà été brièvement lundi mais la mesure n'avait pu se poursuivre en raison de son état de santé. 

Qu'on-t-ils déclarés pendant leur garde à vue ?

Une autre enquête a été ouverte samedi 4 juin des chefs de "violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner et violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours. Elle a été confiée à l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). 

 Face aux enquêteurs, les trois policiers ont invoqué avoir agi en légitime défense. Après 48 heures en garde à vue et en sont ressortis libres.

Quelle a été la réaction de leur avocat ?

Joint par TF1info ce mardi, Me Laurent Franck Liénard, avocat des policiers, déclare : "Après deux jours de garde à vue au cours desquels mes clients ont pleinement coopéré avec les enquêteurs, ils sortent libres de toute charge et peuvent rentrer embrasser ceux qui leur sont chers. L’enquête va se poursuivre sous une autre forme et ils donneront tous les éléments de réponse afin que la vérité se manifeste pleinement". 

L'avocat ajoute : "Ils n’ont rien à cacher et démontreront leur respect des règles et la légitimité de leur action".

Une information judiciaire ouverte

"Au terme des premières investigations réalisées par l'IGPN, au vu de la nécessité de procéder à diverses auditions indispensables à la manifestation de la vérité et dans l'attente des résultats d’examens techniques qui permettront de préciser l’imputabilité des faits aux personnes impliquées, une information judiciaire a été ouverte ce jour à l’encontre des trois policiers des chefs de 'violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours et violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail", explique la procureure de la République de Paris Laure Beccuau dans un communiqué.

"La garde à vue des trois policiers a été levée pour poursuite des investigations. L'information judiciaire permettra de retracer avec précision le déroulement des faits et de déterminer les circonstances exactes d'usage de leur arme par les policiers. En ce sens, un appel à témoin sera lancé ce jour par l'IGPN à la demande du parquet de Paris", conclut-elle. 


Maurine Bajac, Raphaël Maillochon

Tout
TF1 Info