ENQUÊTE - Fusils d'assaut, revolvers... d'où viennent les armes illégales en France ?

par La rédaction de TF1info | Reportage vidéo : Baptiste Guénais, Mickaël Merle, Pauline Lormant
Publié le 20 avril 2023 à 12h03, mis à jour le 20 avril 2023 à 12h09

Source : JT 20h Semaine

Les images de fusils d'assaut ou encore de revolvers, brandis en pleine rue, se multiplient. Des armes introduites en France illégalement.
D'où viennent-elles ? Combien coûtent-elles ? Quels sont les circuits d'approvisionnement ?
Le JT de TF1 a enquêté.

Des hommes cagoulés, lourdement armés, au cœur des cités à Nice en mars 2023, à Cavaillon durant l'été 2021 ou encore à Marseille en mai 2018. Des intimidations, des règlements de comptes, des enlèvements, des braquages... Autant de scènes spectaculairement violentes, circulant sur les réseaux sociaux et suscitant bien des interrogations : d'où viennent ces armes ? Qui les possède ? Combien sont détenues illégalement ? Et quelle est la réalité du trafic d'armes à feu en France ?

L'enquête de TF1, à retrouver en tête de cet article, propose d'élucider ces zones d'ombre. Et la première étape de l'investigation commence sur Internet. C'est sur les réseaux que des groupes se rassemblent, parfois des centaines, voire des milliers de personnes. On y trouve des passionnés, mais aussi des extrémistes et des délinquants qui s'échangent des conseils, font des retours d'expérience et passent des petites annonces, proposant à la vente tout leur arsenal : du revolver à l'arme de guerre, des armes anciennes aux plus modernes. Un revendeur envoie au journaliste chargé de l'enquête une vidéo pour dévoiler les modèles les plus en vogue, soit l'AR-15, le calibre 12 et le Glock qui, selon lui, "tournent vraiment pas mal"

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"Ici, c'est soit toi, soit l'autre, la victime. Et je tiens un peu trop à la vie pour être la victime"
Un détenteur d'armes de 16 ans

Parmi les membres de ce groupe, se trouve un adolescent de 16 ans qui a accepté de rencontrer l'équipe de TF1 à condition de rester anonyme. Il possède deux armes en toute illégalité. Un pistolet et un fusil qu'il a personnalisé. Soit, présente-t-il, "un fusil de chasse double canon horizontal" : "J'ai coupé le canon moi-même, la crosse aussi est coupée", dit-il. Il dit n'avoir jamais ouvert le feu sur quelqu'un. Il se servirait de ses armes uniquement lors de sessions clandestines de tir sportif avec d'autres amateurs de calibres. Il risque pourtant jusqu'à 7 ans de prison et 100.000 euros d'amende. Mais, confesse-t-il, "j'accepte le risque que je prends" : "La sensation, elle est vraiment bien. Et j'adore cette sensation... de tirer. J'ai essayé beaucoup d'armes, des fusils, des armes automatiques, des armes de guerre aussi." 

Originaire d'une cité, il achète sa première arme il y a an pour "se défendre". "Ici, c'est soit toi, soit l'autre, la victime. Et je tiens un peu trop à la vie pour être la victime". Ses armes, il se les procure grâce à un revendeur qu'il contacte sur messagerie cryptée. La transaction se fait ensuite en mains propres dans un endroit discret. 

Une arme et un chargeur scotchés dans une fausse box Internet

Certains trafiquants proposent d'envoyer les armes par colis. L'équipe de TF1 se fait passer pour un client intéressé par une arme, face à l'un d'entre eux, qui se présente comme gérant d'une boutique d'électronique. Ce dernier nous montre son stock, le temps d'un appel vidéo. "Tout vient d'un surplus militaire en Bulgarie, ces armes n'ont jamais été utilisées, mais elles ont trainé un moment. Je les ai remises à neuf, remises en état", dit-il. 

Pour convaincre d'acheter une arme, il a transmis au journaliste de TF1 une vidéo, dévoilant comment il dit envoyer ses colis : à l'intérieur d'une fausse box internet, se trouvent une arme et un chargeur scotchés. Son produit phare ? Le Glock. Un pistolet 9 mm acheté 150 euros en Bulgarie et revendu près de 1000 euros en France : "Le Glock, c'est ce que je vends le plus, y'a un gars, il vient de me demander si je pouvais lui avoir 5 Glock", précise-t-il. "À Marseille, les gars me prennent, par mois, 20 Glock pour leurs petits." 

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Si une partie des armes est d'abord volée chez des particuliers lors de cambriolages puis revendue sur le marché noir, une partie du stock provient de l'Europe de l'Est (voir image ci-dessus), acheminée en France par petites quantités, par voiture ou par poids lourd, dans des caches aménagées. Les trafiquants expédient parfois certaines pièces détachées séparément pour remonter ensuite les armes en France. En 2019, un atelier clandestin avait été démantelé en Seine-et-Marne et tout un arsenal saisi. 

Le policier, sollicité par TF1 pour son enquête, a passé 20 ans dans des unités spécialisées contre le grand banditisme. Selon lui, les malfaiteurs utilisent des armes de plus en plus lourdes. "J'ai vu en une vingtaine d'années l'utilisation d'armes de plus en plus dangereuses", dit-il dans le sujet en tête de cet article. "Les règlements de compte étaient faits grâce à des armes de poing et pas des armes longues", ajoute-t-il. "La Kalachnikov est maintenant commune à tous les trafics de stupéfiants partout en France, en région parisienne, lyonnaise, à Grenoble... Cela s'est diffusé sur l'ensemble du territoire." Faut-il pour autant en déduire que plus d'armes circulent en France ? Policiers et gendarmes en saisissent entre 6000 et 7000 par an. Le chiffre est stable, le quart de ces armes est récupéré lors de perquisitions lors des affaires de trafic de stupéfiants. "La plupart des armes que l'on retrouve sont des fusils de chasse", dit Yann Sourisseau, chef office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO).

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Les policiers réalisent parfois des prises importantes, comme une quarantaine de pistolets semi-automatiques et un fusil d'assaut destiné au milieu lyonnais et marseillais (photo ci-dessus). Mais ces réseaux structurés et spécialisés sont rares. "Le trafic d'armes n'est pas, en tant que tel, une activité rentable", assure le chef du OCLCO. Soit 2500 euros pour une kalachnikov vendue et 1500 euros une arme de poing. "Pour mémoire, un kilo de cocaïne, c'est entre 25.000 et 30.000 euros. Le trafic d'armes, s'il y en a, est très souvent secondaire, c'est-à-dire qu'il s'adosse à une autre activité criminelle." 

Soit une activité qui vient en complément du trafic de drogue, par exemple, ou de la contrebande de tabac. Revendre des armes illégalement est passible de 10 ans de prison et de 500.000 euros d'amende.


La rédaction de TF1info | Reportage vidéo : Baptiste Guénais, Mickaël Merle, Pauline Lormant

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