Escroc britannique en fuite dans la Creuse : "Il avait cette capacité à contrôler les gens"

par Maëlane LOAËC
Publié le 28 août 2022 à 19h22, mis à jour le 28 août 2022 à 22h54

Source : JT 13h WE

Michael Horsnell, ancien reporter du Times, avait couvert en 2005 le procès de l'escroc britannique Robert Hendy-Freegard.
L'homme, réapparu en France, est suspecté d'avoir percuté en voiture deux gendarmes jeudi dans la Creuse.
Le journaliste revient sur le profil de ce manipulateur énigmatique, qui s'attaquait pourtant à des victimes "intelligentes".

"Dès que j'ai lu son nom dans la presse, j'étais horrifié. Je ne pouvais pas y croire." L'ancien journaliste britannique Michael Horsnell, aujourd'hui à la retraite, a travaillé deux ans au début des années 2000 sur Robert Hendy-Freegard, un escroc britannique accusé d'avoir extorqué au total plus d'un million de livres à de nombreuses victimes. Un nom réapparu ces derniers jours en France : l'homme est suspecté d'avoir percuté deux gendarmes avec sa voiture jeudi après-midi en cherchant à fuir un contrôle de police dans son élevage de chiens à Vidaillat, dans la Creuse. Il est toujours recherché ce dimanche. 

"Nous, les Anglais, sommes désolés que la France soit désormais confrontée à lui, il nous embarrasse tous", confie l'ex-reporter. Arrivé dans ce hameau de moins de 200 habitants en 2015 avec sa compagne, le quinquagénaire n'a pourtant rien d'un inconnu : il est le héros du documentaire "The Puppetmaster : leçons de manipulation", diffusé sur la plateforme Netflix depuis le début de l'année. Le "maître des marionnettes" doit son surnom à son mode opératoire : se faisant passer pour un espion du MI5, les services secrets britanniques, il affirmait vivre sous la menace de terroristes, réussissant à extorquer de l'argent à ses victimes qui pensaient ainsi le protéger. 

"C'était un très bon storyteller"

Des victimes au profil pourtant surprenant. "Il a commencé par manipuler des étudiants de la ville de Newport, dans le Shropshire, au Nord de Birmingham. Des personnes très intelligentes", rembobine Michael Horsnell. Le journaliste a couvert le procès de l'escroc, condamné en 2005 par la justice britannique pour enlèvement, tromperie et vol sur ces étudiants et plusieurs femmes, dont une avocate. Il se souvient de l'attitude des victimes présentes au procès : "elles étaient en colère, mais surtout embarrassées d'admettre qu'elles avaient été escroquées par cet homme affreux, qui est parvenu à leur faire croire à des histoires absurdes", raconte-t-il. 

"Personne n'a jamais compris comment il a réussi à convaincre ses victimes, des personnes vraiment intelligentes, de le croire."
Michael Horsnell, ancien journaliste du Times

"Il s'attaquait surtout à des personnes fortunées, et plusieurs d'entre elles ont perdu des centaines de milliers de livres", poursuit l'ancien reporter. Grâce à une "personnalité puissante", il réussit à impressionner ses victimes, se met en couple avec certaines d'entre elles. Dans chaque cas, il parvient à se jouer de leur crédulité, jusqu'à réussir à les persuader de scénarios "parfois stupides, ridicules". "C'était un très bon storyteller", résume Michael Horsnell. 

Mais impossible de réussir vraiment à percer les techniques de manipulation de cet imposteur rôdé, issu d'un "milieu ordinaire", qui a quitté l'école à 14 ans et entrepris ses premières escroqueries dès ses 20 ans. "Il ressemblait à un Monsieur-tout-le-Monde. À le voir, vous n'auriez jamais pu imaginer quel point il pouvait être un homme mauvais. Je ne peux pas dire s'il était particulièrement intelligent, mais il avait juste cette capacité à contrôler les gens", explique l'ancien journaliste. "Personne n'a jamais compris comment il a réussi à convaincre ses victimes, des personnes vraiment intelligentes, de le croire." 

"Un homme très nonchalant"

À la barre lors de son procès dans une cour criminelle britannique, Robert Hendy-Freegard ne semblait pourtant rien regretter. "C'était un homme très nonchalant, qui n'avait pas l'air de s'en soucier de ce qu'il avait fait. Il n'a rien reconnu. Aucune excuse non plus", se souvient l'ex-reporter du Times, qui avait couvert la procédure judiciaire. Condamné à perpétuité, l'escroc avait été libéré en 2009, après qu'une cour d'appel avait cassé la condamnation pour enlèvements. 

Désormais, les policiers français sont sur la piste de cet imposteur en série, qui semble avoir pris au piège selon le même mode opératoire son actuelle compagne, qui vivait vraisemblablement recluse et sous ses ordres dans cette maison de la Creuse, après avoir avait perdu tout lien avec son fils et sa fille, nés d'une autre union. 

Vingt ans après avoir documenté ce procès pour le Times, l'affaire continue de poursuivre Michael Horsnell. "J'en ai couvert beaucoup, mais celle-ci est peut-être la plus mémorable de ma carrière", confie-t-il. L'ex-reporter espère désormais que les forces de l'ordre pourront remettre la main sur le "maître des marionnettes" et l'envoyer définitivement derrière les barreaux.


Maëlane LOAËC

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