Une congrégation catholique condamnée pour "travail dissimulé"

S.A avec AFP
Publié le 16 août 2022 à 23h26

Source : Sujet TF1 Info

Ce mardi, Famille Missionnaire Donum Dei a été condamnée pour "travail dissimulé".
L’association catholique a fait travailler pendant des années des dizaines de femmes venues d’Afrique ou d’Asie.
Elle doit payer une amende de 200.000 euros.

Soumises au droit du travail ou dévouées à une vie religieuse hors salariat ? La justice a tranché. Ce mardi 16 août, elle a condamné pour "travail dissimulé" l'association catholique Famille Missionnaire Donum Dei (FMDD). Elle a fait travailler pendant des années des dizaines de femmes venues d'Afrique ou d'Asie. Le tribunal correctionnel d'Epinal a infligé à la FMDD une amende de 200.000 euros pour avoir recruté, entre janvier 2013 et décembre 2016, des Travailleuses missionnaires de l’Immaculée (TMI) dans les restaurants de sanctuaires de plusieurs villes de France.

La justice a également ordonné la confiscation "avec exécution provisoire" des plus de 940.000 euros sur les comptes de la FMDD. Cet argent était déjà saisi par la justice. Car l’association était également poursuivie pour "emploi d'étranger non muni d'une autorisation de travail". Cette somme correspond aux arriérés estimés de rémunérations et de cotisations sociales non acquittés. L'une des avocates de l'association, Marie-Hélène Chardin, a dénoncé auprès de l'AFP un jugement "inique". Elle a annoncé que l'association avait "d'ores et déjà interjeté appel".

Un recrutement fait dans des restaurants

"Cette condamnation est une excellente nouvelle, nous sommes très satisfaits", a réagi de son côté Julie Gonidec, avocate de deux anciennes missionnaires, parties civiles au procès du 5 juillet. L'une d'elle, originaire du Burkina Faso, avait raconté à la barre ses longues journées de travail, affirmant avoir vu ses papiers confisqués à son arrivée, selon le compte-rendu du quotidien Vosges Matin.

Il a été reproché à la FMDD de s'être "soustraite intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales (...) d'une moyenne de cinquante Travailleuses missionnaires de l'immaculée, réparties sur les sites de Marseille, La Grâce-Dieu, Domrémy-la-Pucelle, Lisieux, Menton, Ars-sur-Formans, Lourdes, Toulon et Besançon pour exercer notamment une activité de restauration et d'accueil". Les restaurants étaient gérés par les Travailleuses missionnaires, membres de la FMDD et "vierges chrétiennes", recrutées jeunes au Burkina Faso, au Cameroun, au Vietnam, aux Philippines ou encore au Pérou. 

Une exploitation transnationale

Dans ses conclusions, Julie Gonidec avait pointé "un système rôdé d'exploitation transnationale", en lien notamment avec le Burkina Faso, destiné à "faire travailler dans des conditions contraires à la dignité humaine" des jeunes femmes, souvent issues de milieux modestes. "Il n'y a eu aucune infraction sur les personnes. Pas d'esclavage, pas de traite des personnes, pas de dérive sectaire", a soutenu au contraire Marie-Hélène Chardin. "On reste sur un problème technique : quel est le régime auquel doit répondre" la FMDD, a-t-elle poursuivi. "Ce qu'on lui reproche, c'est de ne pas avoir cotisé à l'Urssaf" alors qu'elle a cotisé "pendant des années à la Cavimac", une caisse réservée aux cultes, a-t-elle affirmé. Toujours selon l'avocate, "l'administration, notamment à Marseille, avait validé le mode de fonctionnement", les Travailleuses missionnaires bénéficient de "l'exception religieuse". Elles ne sont légalement pas soumises au droit du travail ou au salariat.

L'affaire avait démarré en octobre 2015, avec l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet d'Épinal. Un signalement de l'inspection du travail visant l'établissement de Domrémy-la-Pucelle (Vosges) a lancé tout le processus. Les autres parquets concernés s'étaient par la suite dessaisis au profit d'Epinal. La FMDD avait été mise en examen en novembre 2017, puis renvoyée devant le tribunal correctionnel en septembre 2021. Elle était depuis des années dans le collimateur de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). L'association Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux et à leurs familles (Avref) lui avait aussi consacré un "livre noir" en 2014.


S.A avec AFP

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