"Il fallait finir par une danse" : le compagnon d'Agnès Lassalle, l'enseignante tuée par un élève, se confie dans "Sept à Huit"

par Virginie FAUROUX Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara
Publié le 30 avril 2023 à 20h24, mis à jour le 1 mai 2023 à 9h01
"Il fallait finir par une danse" : le compagnon d'Agnès Lassalle, l'enseignante tuée par un élève, se confie dans "Sept à Huit"

Stéphane Voirin a ému le monde entier en dansant lors des obsèques de sa compagne, Agnès Lassalle, professeure d'espagnol tuée d'un coup de couteau par un de ses élèves de seconde.
Il a accepté de témoigner ce dimanche dans "Sept à Huit", face à Audrey Crespo-Mara.
Pour raconter celle qu'il a aimée et aimera toujours, malgré cet insoutenable deuil.

En quelques minutes, Stéphane Voirin est devenu "l'homme qui danse". À l'issue des obsèques de sa compagne, Agnès Lassalle, une professeure d'espagnol mortellement poignardée par l'un de ses élèves en février à Saint-Jean-de-Luz, cet ancien militaire a esquissé quelques pas de danse. Un moment d'intimité, seul face à son cercueil, qui s'est transformé en moment d'humanité, partagé par des millions de personnes

C'était aussi une façon de dire "au revoir" à cette passionnée de danse alors que le matin du drame, ce 22 février, avait si mal commencé. "C'est une mauvaise image. Elle était pressée parce qu'on est toujours un peu pris par les horaires. On s'est juste fait un smack comme ça avant de partir. Elle me déposait en bas de son école et c'est la dernière image que j'ai d'Agnès. Je n'ai même pas eu le temps d'apprécier cet adieu", raconte-t-il, secoué de sanglots, à Audrey Crespo-Mara dans la vidéo en tête de cet article. 

On s'est connu sur une danse donc il fallait finir par une danse, c'est comme ça.
Stéphane Voirin

En même temps, comment pouvait-il se douter que sa femme bien-aimée, celle qui a partagé sa vie pendant treize ans, allait subir l'abominable ? "Je n'imaginais pas un drame comme ça. Quand j'ai rejoint l'école et que j'ai vu le dispositif : il y a plein de lumières qui s'allument un peu partout, les ambulances qui ne bougeaient pas, tout le monde était là, un peu dans l'attente. Et puis, une personne est venue et m'a dit : 'c'est Agnès, c'est fini'. Mais je le savais déjà", lâche-t-il. Quelques minutes après, Stéphane Voirin apprendra que c'est un élève qui a poignardé son épouse. "La première chose qui m'a préoccupé, c'est de savoir si elle avait souffert ou pas. J'ai su que non et ça m'a soulagé", ajoute-t-il. Une autre chose l'a très vite tracassé : sa femme voulait donner ses organes ; il n'a donc plus eu qu'une obsession, trouver un médecin du Samu et lui dire. "C'est comme ça que j'ai géré la situation sur le moment", assure-t-il.

Puis viendra le moment de la cérémonie et des hommages. Stéphane Voirin a tout de suite "voulu danser avec elle". "C'est ma manière de dire au revoir à Agnès parce qu'il faut bien marquer le coup. On s'est connu sur une danse, donc il fallait finir par une danse, c'est comme ça", estime-t-il. Il entame alors quelques pas, virevolte avec ses grands bras fins écartés en un geste gracieux. Le tout, sur l'air de "Je ne repartirai pas", version française de "L.O.V.E.", l'un des plus grands succès de Nat King Cole.  "J'ai voulu mettre une musique particulière. Agnès était ma complice, ma compagne, mon amie, c'était tout à la fois. Je voulais lui dire : 'je t'aime'", témoigne-t-il, avec un large sourire. Il sera très vite rejoint par plusieurs duos de danseurs. "Il y a des gens que je ne connaissais pas et j'ai trouvé ça merveilleux qu'ils aient de la joie dans ce moment. Ça m'a bouleversé", se souvient-il. 

Faire d'une tragédie quelque chose de bien

Cette danse a été vue des millions de fois. Un écho qui a d'abord déstabilisé Stéphane Voirin. "Je ne m'attendais pas à ce que ça sorte de chez nous. Quand j'ai découvert ça, j'ai été très inquiet parce que pour moi les réseaux sociaux, c'est plutôt source d'inquiétude. Mais quand j'ai commencé à lire les commentaires qui étaient en grande majorité très positifs, j'ai été enchanté", explique-t-il. Pour lui, "les gens avaient compris que c'était du respect, de l'amour". Une façon de sortir vainqueur face à l'adversité. "À ce moment-là, ça va paraître idiot, mais je me suis dit : 'on a pu donner de l'amour à tellement de personnes, c'est génial. Nous avons gagné. On a fait d'une tragédie quelque chose de bien et de positif", souligne-t-il.  

Des témoignages qui ont aussi permis à cet ancien pilote d'hélicoptère de vivre son deuil plus sereinement. "Si je vais bien deux mois après un assassinat, c'est grâce à vous tous. Tous ces messages que j'ai reçus, ça vous porte. Vous ne pouvez pas baisser les bras", admet-il. L'amour de sa femme, même absente, le porte aussi. Comme en témoigne cette anecdote que Stéphane Voirin s'empresse de raconter. Cela s'est passé trois semaines après la mort de sa compagne, dans le bureau d'un notaire ; il découvre une lettre jointe au testament. "Je ne le savais pas, c'était une lettre où elle abordait des choses importantes qui lui tenaient à cœur, et où elle me remercie d'avoir été quelqu'un de bien pour elle. C'est des preuves d'amour merveilleuses", dévoile-t-il, alors qu'une larme coule sur sa joue. 

Et que dire sur le meurtrier, cet adolescent de 16 ans, mis en examen pour "assassinat" et placé en détention provisoire ? Après un silence, Stéphane Voirin avoue qu'il "n'a pas trop pensé à cette personne". "Les premières personnes auxquelles j'ai pensé, et c'était très rapidement, c'étaient les parents de ce lycéen parce que j'ai su par des gens fiables et sincères que c'étaient de très bons parents". Alors la seule question qu'il se pose vraiment, c'est "pourquoi ?". "Qu'est-ce qui a pu faire qu'un gamin normal de 16 ans puisse arriver à de telles extrêmes", s'interroge-t-il. Pour lui, une chose est sûre, "ce lycéen va aller en prison". "C'est normal, il a fait un geste abominable. Il va sortir un jour ou l'autre, toujours trop tôt à mon goût, c'est certain. Mais il y a des gens compétents qui décideront à ce moment-là et lui, il aura une chance à saisir. Agnès n'en aura pas, de seconde chance", conclut-il, en prenant une grande respiration. Comme pour mieux supporter le poids du chagrin.  


Virginie FAUROUX Propos recueillis par Audrey Crespo-Mara

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