Sidération face à l'incendie de Notre-Dame : "C’est le cœur de Paris qui brûle"

par Mathilde ROCHE
Publié le 15 avril 2019 à 23h53, mis à jour le 16 avril 2019 à 2h04
Sidération face à l'incendie de Notre-Dame  : "C’est le cœur de Paris qui brûle"

SOUS LE CHOC - Lundi, en fin de journée et durant plusieurs heures, un terrible incendie a ravagé la cathédrale Notre-Dame, à Paris. Dans les rues, Parisiens, touristes, jeunes et vieux, croyants ou non, se sont réunis pour assister, impuissants, au sinistre de l'un des emblèmes de la capitale.

A 20 heures, sur le pont Saint-Michel, l’air est de plus en plus irrespirable, mais la police n’arrive à faire reculer personne. Parisiens comme touristes ont les yeux et les smartphones rivés sur la cathédrale Notre-Dame, ravagée par les flammes depuis plus d’une heure. Françoise est sortie de son appartement, à quelques mètres de là, dès les premiers signes de fumée s’échappant du monument. "J’y allais trois à quatre fois par semaine, pas seulement parce que je suis catholique, je venais voir la rosace Nord", explique cette retraitée de 62 ans. "Cette rosace, c’est ce que je préfère dans tout Paris. Et je vis ici depuis 1994." Le vent tourne et amène avec lui une pluie de cendres et de braises encore ardentes, un léger mouvement de panique fait reculer quelques personnes, mais elles réavancent aussitôt.

"Évacuez, c’est dangereux, vous ne pouvez pas rester là !", s’époumone un policier dans un haut parleur. "Ça sert à rien de nous crier dessus, on va pas rentrer chez nous", marmonne Françoise. "Cette cathédrale, elle m’a aideé à survivre au cancer." ajoute-t-elle. "J’ai déménagé du 19e arrondissement pour me rapprocher d’elle, pour la voir le plus possible pendant le temps qu’il me reste à vivre. Si elle disparaît, je serais dévastée", souffle la vieille dame.

C’est un grand sentiment de tristesse et de frustration de voir se détruire une partie de l’Histoire
Romain, 20 ans, étudiant Parisien

La foule pousse un cri unanime alors que les flammes redoublent d’intensité. Un nuage de fumée plus dense se forme au dessus de Notre-Dame : la flèche est tombée. Susanne, 34 ans, s’effondre en larmes : "Mais on ne va pas assister à ça quand même, pourquoi ils n’arrivent pas à limiter l’incendie ! Ça brûle de partout, c’est un massacre". Cette Autrichienne arrivée à Paris il y a dix ans, peine à trouver ses mots malgré son français parfait. "J’adore la musique ecclésiastique, l’orgue de Notre-Dame a le plus de valeur dans le monde, il doit avoir plus de 400 ans", raconte-elle. "C’est déchirant. Même symboliquement, c’est le cœur de Paris qui brûle."

"Cela représente Paris, on vit quotidiennement à côté, c’est un grand sentiment de tristesse et de frustration de voir se détruire une partie de l’Histoire", enchérit Romain. Cet étudiant de 20 ans ajoute avoir une grosse pensée pour "nos amis catholiques". Comme Bertrand, son camarade d’Assas avec qui il assiste au triste spectacle depuis 45 minutes. "J’y suis allé pour la messe dimanche dernier. C’était bientôt la semaine de Pâques, c’est très difficile. J’attends de savoir ce qu’ils ont pu sauver des reliques", explique le jeune homme.  

Bien après le début de l'incendie, des personnes de tous âges continuent d’affluer. Le toit du chœur à lâché, la charpente ne tiendra pas beaucoup plus longtemps. Ceux qui le peuvent ont mis une écharpe devant leur nez pour filtrer les odeurs de soufre. Le quai Saint-Michel et celui des Grands-Augustins sont bondés, il est impossible de circuler mais certains jouent des coudes pour approcher encore, ignorant les hurlements des forces de l’ordre qui intiment de reculer. Un groupe de jeunes s’emporte : "Ils sont nuls ils ont pas des lances plus puissantes ?" "C’est incroyable comment ça se fait qu’ils soient pas préparés à ça ?" "Pourquoi il n’y a pas dix lances ?" "C’est déjà dingue qu’ils aient mis 45 minutes à bloquer la zone".

A quelques mètres de là, Alexia et Maxime ne partagent pas les mêmes sentiments. "J’en ai marre des gens qui racontent des conneries sur les pompiers" lance la jeune femme. "Le temps qu’ils viennent avec la circulation, qu’ils établissent une stratégie pour attaquer le feu sur un monument si emblématique, cela prend du temps, il s’agit pas de sortir une échelle là ! Ils font au mieux !", assure tour à tour le couple de trentenaires. Encore en tenues de sport, tous deux sont arrivés il y a une quinzaine de minutes. "On est Parisiens, on est venu parce qu’il faut être là dans les bons comme les mauvais moments. C’est très émouvant, c’est notre patrimoine, et les dégâts sont irréversibles", assure Maxime.

J'ai vu Notre-Dame toute ma vie, mais elle ne sera plus jamais pareille
Alain, 72 ans, parisien depuis 50 ans

A 21 heures, les seules voix audibles sont celles des chaînes d’information en continu qui s’échappent des portables. Les informations circulent par vague, les gens se sont mis à chuchoter. Les sirènes résonnent dans un silence lugubre. A ce stade, les flammes ne sont pratiquement plus visibles, mais personne ne s’en va. Sur la place Saint-Michel, spontanément, quelques fidèles entament "Je vous salue Marie". Le chant monte, un vieil homme a la voix grave y met tout son cœur, encourageant les plus timides à le rejoindre. Dans les rues adjacentes qui n’ont pas de vue directe sur la cathédrale, on regarde en boucle les vidéos des deux dernières heures. Alain, 72 ans, repart le cœur lourd. "Je suis venu dès que j’ai su, j’espère qu’il n’y aura pas trop de dégâts. Même si je ne suis pas croyant ça n’a rien à voir, cela m’a fait quelque chose", témoigne le vieil homme. "Je suis arrivé à Paris il y a 50 ans et je me souviens encore de la première fois que j’ai vu Notre-Dame. Je l’ai vue toute ma vie, mais elle ne sera plus jamais pareille".


Mathilde ROCHE

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