Six ans après son viol, Anna lance une pétition pour obtenir un procès et recueille 130.000 signatures

par Charlotte ANGLADE
Publié le 19 août 2017 à 19h00, mis à jour le 19 août 2017 à 19h18
Six ans après son viol, Anna lance une pétition pour obtenir un procès et recueille 130.000 signatures
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RÉSISTANCE - Le combat d'Anna a commencé en 2011, lorsqu'elle a été violée. Depuis, la jeune femme de 29 ans se démène pour que son agresseur, qui n'a toujours pas été jugé, soit reconnu coupable. En mai dernier, elle a lancé une pétition qui rassemble, ce samedi, plus de 130.000 signatures. Elle se confie à LCI.

La vie d'Anna a basculé en 2011, lorsqu'elle a été violée à l'âge de 23 ans. Aujourd'hui, son agresseur n'a toujours pas été jugé. Cela fait six ans que la jeune Normande vit entre parenthèses en espérant un jour voir son violeur répondre de ses actes. Six ans que son dossier se perd dans les méandres de la justice, sans que justice soit faite. Malgré tout, Anna essaie de se reconstruire, bout à bout. Elle est suivie psychologiquement. 

En dépit de ses efforts, cette échéance, l'échéance du procès qui se fait tant attendre, l'empêche de tourner la page pour de bon. Une pétition qu'elle a lancée en mai 2017 dans l'espoir de faire avancer les choses a déjà rassemblé plus de 130.000 signatures. Un soutien de taille qui l'aide en attendant à tenir le choc.

J'ai bien vu que je n'allais pas être protégée par la justice
Anna Circé

Dès le lendemain de son viol, Anna a porté plainte. Malgré tout, son agresseur vit normalement, travaille, est marié et attend un enfant. Placé sous contrôle judiciaire depuis 2014, l'homme, artisan de métier, est même venu en avril dernier travailler dans l'immeuble de sa victime. "Je descendais l'escalier avec mon fils quand je l'ai vu. Je suis restée pétrifiée pendant 15 minutes", se souvient Anna. C'est à ce moment-là qu'elle a contacté le juge d'instruction. "On m'a dit que même s'il ne respectait pas son contrôle judiciaire en venant dans mon immeuble, il n'irait pas en prison pour autant, nous explique-t-elle. C'est à ce moment-là que j'ai bien vu que je n'allais pas être protégée par la justice". C'est à ce moment-là aussi qu'elle décide de lancer sa pétition. Un appel à l'aide.

"Je m'appelle Anna Circé (nom d'auteure), je suis forte et invincible. Mais si vous regardez d'un peu plus près, vous pouvez apercevoir une faille, deux failles, des dizaines de failles", commence-t-elle avant d'en appeler à l'action du tribunal de Caen. "Merci de partager et de signer afin que mon histoire parvienne à sensibiliser l'opinion publique et surtout Le Tribunal de Caen". Peu de temps après, le tribunal rend son avis et ordonne le renvoi de l'agresseur devant les Assises. Malgré cela, le juge d'instruction, qui doit confirmer cette décision, n'a toujours pas tranché. Aujourd'hui, Anna n'attend pas son procès avant 2019. "En 2018, on m'a dit qu'il n'y avait plus de session disponible", explique-t-elle avant de regretter  : "J'espérais que la pétition allait faire accélérer les choses... Mais ça fera déjà 7 ans, 8 ans, que les faits se sont déroulés."

Aujourd'hui, je ne me sens même plus en sécurité chez moi
Anna Circé

Contacté par Tendance Ouest, le juge d'instruction en charge du dossier le condède : "six ans, c'est beaucoup trop long". "Mais ce délai est malheureusement la conséquence du manque de moyens qu'on partage avec les enquêteurs", explique-t-il avant d'admettre que "cette lenteur doit lui être bien légitimement insupportable. Je souhaiterais vraiment faire autrement, mais nous avons trop de dossiers à gérer". Le juge Lalès assure cependant qu'il instruira ce dossier dans les prochains jours pour enfin indiquer s'il confirmera, ou non, la décision du parquet d'envoyer l'affaire devant la Cour d'Assises.

En attendant, depuis le lancement de sa pétition, Anna a rencontré son agresseur trois fois de plus dans son immeuble. "Je le croise aussi souvent dans la rue, j'habite une petite ville", précise-t-elle. Voyant qu'il ne se passait rien du côté de la justice, elle s'est rendue au commissariat pour signaler la trop proche présence de l'homme. "Ils ne savaient même pas qu'il était sous contrôle !, raconte-t-elle. La justice n'avait pas transmis les documents aux forces de l'ordre. Celles-ci ne pouvaient donc rien faire. "Aujourd'hui, je ne me sens même plus en sécurité chez moi", confie encore Anna, qui a enclenché les démarches pour déménager. La jeune femme, qui enseignait le Français au collège et au lycée, a dû arrêter le travail en janvier 2015. Elle vit constamment avec un stress post-traumatique. "Je suis devenue agoraphobe. Au début, je ne pouvais plus sortir de chez moi. Même pour aller faire les courses. Maintenant, ça va un peu mieux. J'arrive à m'éloigner de 8 km en voiture". Et d'assurer : "Je fais tout ce qu'il faut pour que ça aille mieux".

Elle reçoit de nombreux témoignages similaires au sien

Le combat que mène Anna est difficile. Au contraire de nombreuses victimes, elle a choisi de montrer son visage. "Ce n'est pas moi qui dois avoir honte, clame-t-elle. Ce que je veux, c'est que les choses bougent pour moi, mais aussi pour les autres femmes". Selon elle, "on ne parle pas suffisamment des difficultés rencontrées après un viol ou une agression sexuelle". C'est un sujet tabou. Anna a d'ailleurs reçu beaucoup de soutiens, mais aussi de témoignages similaires aux siens grâce à sa pétition. "Il y a beaucoup de femmes qui se reconnaissent dans mon récit et qui me disent merci."

Son combat, Anna le poursuit aussi dans l'écriture. En 2016, elle a lancé sa maison d'édition et publié son premier roman un an plus tard, inspiré de son histoire. Il est intitulé "Des étoiles dans le caniveau". Elle a également récemment rédigé le "Manuel de survie pour les victimes de viol ou d'agression sexuelle : Avant, pendant, après". Elle y explique, par exemple, pourquoi il vaut mieux garder ses vêtements et ne pas se laver après de telles violences, ou encore comment ne pas se laisser sombrer. "À la base, je voulais le distribuer gratuitement dans les établissements scolaires mais c'est très compliqué". Tout comme son combat pour que justice lui soit rendue.


Charlotte ANGLADE

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