"SOYEZ VIGILANTS" - Emmanuel Macron a appelé la France à la "vigilance" pour combattre le terrorisme islamiste, après l'attaque à la préfecture de police de Paris. Une demande qui fait écho à celle du gouvernement précédent qui, en 2014, créait un numéro vert pour alerter en cas de radicalisation d'un proche ou d'un voisin. Comment les citoyens s'en sont-ils emparés ? On fait le point.
La France va-t-elle devenir une "société de vigilance"? C'est ce qu'a estimé le président de la République, mardi 8 octobre, faisant valoir que "les institutions seules" ne "suffiront pas" à enrayer "l'hydre islamiste". Lors de son hommage aux quatre victimes de Mickaël Harpon, Emmanuel Macron, a donc demandé à la "nation toute entière" de se mobiliser. Il y a plus de cinq ans, un numéro vert avait été créé - le 0.800.005.696 - avec le même objectif : celui d'alerter en cas de "radicalisation" d'un proche ou d'un voisin. Toujours actif, avec un interlocuteur disponible dans la minute, quel est son bilan ?
Un numéro sollicité 68.000 fois
Surnommée "anti-djihad", la ligne est activée le 29 avril 2014. Bernard Cazeneuve, alors locataire de la place Beauvau, en fait le fer de lance de "la lutte contre le terrorisme". Lancée spécialement pour les familles confrontées à la radicalisation, elle enregistre quelque 600 appels en six mois. Au bout du fil, des agents du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CNAPR). Parmi eux, Yann. Certains familles qui appellent "avaient conscience de changements importants" mais ne lancent pas encore d'alerte . Jusqu'au jour du "départ imminent". "Ils nous appellent pour les en empêcher. Mais c’est parfois trop tard."
Des prises de contact en série, qui poussent à la création, un an plus tard, du Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Cette base de données vise ainsi, selon un rapport du Sénat datant de 2015, à "centraliser toutes les informations résultant des signalements qui parviennent par le biais du CNAPR". Un "indéniable progrès", salué par ce texte, dans la mesure où "il fera mention des suites données à chaque situation individuelle". De quoi permettre aux agents de l’Unité de coordination de lutte anti-terroriste (UCLAT) de s’assurer qu’aucune situation n'est "laissée sans réponse."
Aujourd’hui, où en est cette "société de vigilance" qui composait le 0.800.005.696 ? Le CNAPR, dont les écoutants gèrent toujours cette ligne et aussi le site Stop-Djihadisme, ouvert par le gouvernement, assure auprès de LCI que les équipes continuent à recevoir des appels. Depuis la création de ce centre, il a été sollicité 68.000 fois, avec une activité record en 2015, au lendemain des attentats visant la rédaction de Charlie Hebdo.
Bien souvent, cet appel est simplement un premier échange
Anne
Si cette plateforme permettait de tirer la sonnette d'alarme, elle sert désormais essentiellement "d’écoute et assistance" d'individus témoins d'"une situation inquiétante". Et de prendre comme argument implacable la durée moyenne d’un appel - entre 30 et 45 minutes - nécessaire à cet "accompagnement". "On ne dit pas juste ‘mon voisin s’est radicalisé’", avance ainsi cette source interne. Un membre de l'équipe témoigne de son côté de ces familles qui appellent "dans la détresse, très angoissées". "Ils n’ont personne à qui parler, ils n’osent pas. Parfois par peur, parfois par honte, par peur d’être jugés."
8% des appels "réellement sérieux"
Car l’objectif n’est pas de pousser à la délation mais de réaliser une "première évaluation" afin de se rendre compte du sérieux de l’appel. "Il n’est pas question de servir à des règlements de compte ou des actes de malveillance", nous confie-t-on ainsi, balayant les critiques. Et d’ajouter que, pour la moitié des cas, les appels venaient de parents inquiets.
C’est pourquoi, seuls 8% des appels ont réellement donné lieu à de "sérieuses inquiétudes", et donc à l'inscription de l’individu au FSPRT. Dans ce fichier, pourtant créé pour l’occasion, ce ne sont donc pas majoritairement des signalements de citoyens. Seul un quart des 21.000 noms mentionnés l'ont été après un appel au numéro vert.
Car aujourd'hui, la situation est loin d'être celle de 2014. Toujours selon la même source, les avertissements viennent essentiellement "du terrain". "Le numéro vert n’est plus la principale source", avance-t-on au CNAPR. "On se rend compte que les mesures mises en place de façon locale fonctionnent", nous explique-t-on ainsi, arguant que le "corps territorial" s’est "formé et s'est approprié" le sujet au fil des années afin de remplir cette mission de vigilance. 28.000 acteurs de terrain, tels que des élus de collectivités territoriales, des acteurs du sport, ou des médiateurs religieux, ont ainsi été formés depuis 2014.
Si les membres du centre sont toujours actifs, et même "débordés après un attentat", le nombre d’appels est donc en train de baisser. A la place du citoyen "vigilant", des acteurs "pleinement mobilisés et formés".
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