Suicides à France Telecom : l'entreprise et l'ex-patron Didier Lombard renvoyés devant le tribunal

Publié le 16 juin 2018 à 8h27
Suicides à France Telecom : l'entreprise et l'ex-patron Didier Lombard renvoyés devant le tribunal
Source : FRANCOIS GUILLOT / AFP

JUSTICE - Neuf ans après une vague de suicides sans précédent à France Telecom, les juges d'instruction ont ordonné un procès pour "harcèlement moral" contre l'entreprise et son ancien PDG, Didier Lombard, mis en cause pour une vaste politique visant à "déstabiliser les salariés".

Un procès aura bien lieu après la vague de suicides sans précédent à France Telecom à la fin des années 2000. Neuf ans après les premières plaintes, les juges d'instruction ont ordonné un procès pour "harcèlement moral" contre l'entreprise, devenue Orange, et son ancien patron Didier Lombard. A ses côtés, six autres dirigeants et cadres sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris, selon l'ordonnance des juges datée du 12 juin dont a eu connaissance l'AFP. 

Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines, sont renvoyés pour "harcèlement moral" tandis que quatre cadres le sont pour "complicité" de ce délit. Les juges ont retenu à l'encontre de ces derniers leur participation comme "complices" à la politique du groupe, même en "l'absence de lien hiérarchique avec certains" des salariés, un point contesté par deux d'entre eux lors de l'instruction. 

L'affaire avait éclatée en septembre 2009

"Incitations répétées au départ", mobilités "forcées", missions "dévalorisantes", "isolement" : dans leur ordonnance de plus de 650 pages, les juges ont mis en lumière une longue liste de pratiques "répétées" qui ont forgé selon eux, "une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés" et "à créer un climat professionnel anxiogène". 

 La procédure judiciaire avait retenu le cas de trente-neuf salariés : dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail. L'affaire avait éclatée en septembre 2009 avec la première plainte du syndicat Sud-PTT, suivie d'autres. A l'époque engagé dans le délicat virage de la privatisation et des nouvelles technologies, le groupe voulait supprimer 22.000 postes entre 2006 et 2008 et procéder à 10.000 changements de métier, dans le cadre d'un plan de réorganisation baptisé NEXT.

Des propos de Didier Lombard à l'époque avaient marqué les esprits.  "Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé (...) En 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte", avait-il lâché en octobre 2006 devant l'association des cadres supérieurs et dirigeants de France Telecom (Acsed). 

Sollicité par l'AFP, Me Jean Veil, l'avocat de Didier Lombard, n'a pas souhaité faire de commentaires. Dans un communiqué, le syndicat CFE-CGC, partie civile, "se félicite de cette décision" mais "regrette cependant que le chef d'homicide involontaire n'ait pas été retenu" par les juges. "La responsabilité morale des sept prévenus dans la crise sociale et ses conséquences les plus tragiques, les suicides de nos collègues, est avérée", souligne le syndicat. "Il appartient désormais à la justice de se prononcer sur leur responsabilité pénale." France Telecom est la première entreprise du CAC 40 mise en examen pour harcèlement moral, un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. 


La rédaction de TF1info

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