ÉCLAIRAGE - À Hayange la semaine dernière et en Dordogne ce lundi, les suspects étaient porteurs de bracelets électroniques. Des dispositifs qui ne les ont pas empêchés d'agir.
Deux cas distincts, mais une similarité. Dans deux faits divers récents, le bracelet électronique a révélé son incapacité à prévenir le passage à l'acte de ses porteurs. Ainsi, à Hayange, le 25 mai, l'homme qui a tué sa compagne de plusieurs coups de couteau était équipé du dispositif, qu'il avait arraché avant les faits. Ce 31 mai, en Dordogne, l'homme soupçonné de s'en être pris au nouveau compagnon de son ex-concubine, puis d'avoir fait feu sur les gendarmes, portait également un appareil du même genre. Quelques questions s'imposent alors.
Comment fonctionne le bracelet électronique ?
Le dispositif existe depuis 1997 et il en existe plusieurs sortes. Le plus utilisé en France - dans presque tous les cas où la justice y a recours -, est le bracelet radio. L'appareil se porte souvent à la cheville et fonctionne avec un boitier branché sur une simple prise de courant au domicile de son porteur. Puis le dispositif reçoit les informations émises par le bracelet. Par la suite "si la personne sort de son logement pendant les heures où elle est obligée de s'y trouver le boîtier ne reçoit plus ces informations et une alarme se déclenche au centre de surveillance", précise une note du ministère de la Justice éditée en septembre 2020, et relayée par FranceInfo.
Ce n'est pas un outil de géolocalisation
Général André Pétillot
Ce n'est en revanche pas la police qui est prévenue, mais une centrale téléphonique de l'administration pénitentiaire, chargée d'appeler le condamné pour exiger des explications. En cas de non-réponse, elle prévient l'agent qui a installé le bracelet, le procureur et le juge d'application des peines. C'est lui et lui seul qui peut alors demander une arrestation. L'opération peut prendre plusieurs jours. Dès lors, "ce n'est pas un outil de géolocalisation", expliquait dimanche soir le général André Pétillot, commandant de la région de gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine, après que le forcené de Dordogne a tiré sur des gendarmes.
D'autres bracelets permettent toutefois de localiser leurs porteurs lorsque ceux-ci sont condamnés à un "placement sous surveillance électronique mobile". Il y en a néanmoins "très peu", précise à Franceinfo Frédéric Belhabib, délégué CFDT et surveillant au Service pénitentiaire d'insertion et de probation d'Aix-en-Provence. "Sur 1900 à 2000 bracelets en région Paca, on n'en a que quatre ou cinq avec la fonction GPS réservés à des individus qu'on estime encore dangereux", poursuit la même source.
Dans quels cas la justice l'ordonne-t-elle ?
À ce jour, 14.300 personnes portent un bracelet électronique. Un chiffre en constante augmentation ces dernières années : le ministère de la Justice précise sur son site qu'au 1er juin 2011, on comptait 7645 porteurs de ces dispositifs, contre 5785 l'année précédente.
Car "la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 étend les possibilités de recours au placement sous surveillance électronique aux aménagements de peine pour les peines inférieures ou égales à 2 ans contre 1 an précédemment." Par ailleurs, "depuis le 1er janvier 2011, la possibilité de recourir au placement sous surveillance électronique a été étendue aux condamnés en fin de peine (4 derniers mois d'emprisonnement)", indiquent aussi les autorités.
La France a un immense problème de places de prison
Pierre-Marie Sève
Le ministère de la Justice ajoute que le dispositif est utilisé dans trois cas : "la personne peut être condamnée au placement sous surveillance électronique ab initio, c'est-à-dire dès le prononcé de la peine par le juge" ; "en cas d'aménagement d'une ou plusieurs peines d'emprisonnement inférieures ou égales à deux ans, ou un an en cas de récidive légale" ; "ou en cas d'assignation à résidence sous surveillance électronique. L'objectif est alors d'éviter la détention provisoire (cas où la personne est en attente de jugement)."
Pierre-Marie Sève souligne pour Sud Radio que "la France a un immense problème de places de prison. La raison première pour laquelle nous avons recours au bracelet électronique est que nous n’avons pas les moyens matériels de mettre ces gens en prison."
Quelle est l'efficacité du dispositif ?
D'après des données de l'administration pénitentiaire datant de 2006, seules 23% des personnes condamnées à un placement sous surveillance électronique ont récidivé, contre 61% pour celles condamnées à de la prison ferme. Mais Pierre-Marie Sève souligne pour LCI que "ceux à qui on propose le bracelet électronique sont déjà les moins dangereux, donc les moins susceptibles de récidiver, ça fausse de manière importante les statistiques".
"Le bracelet électronique est accordé à des personnes qui ont démontré qu'on peut leur accorder un certain degré de confiance parce qu'elles montrent que si on les laisse bénéficier d'une mesure de surveillance électronique, elles ne vont pas récidiver", abonde, pour TF1, dans la vidéo en tête de cet article, l'avocat pénaliste Stéphane Babonneau.
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Son porteur peut-il l'arracher ?
"J'ai assisté à cela il y a quelques années dans le cadre d'une démonstration", explique le délégué général de l’Institut pour la Justice, Pierre-Marie Sève. D'après lui, toute personne qui souhaiterait se débarrasser du dispositif pourrait le faire de manière relativement simple, car cela ne nécessite "qu'une grosse paire de ciseaux". Pour retirer le bracelet sans que les autorités n'en soient alertées, la manœuvre est en revanche plus complexe.
Combien coûte-t-il à l'État ?
En 2009, d'après le ministère de la Justice, chaque journée de port de bracelet électronique coûtait à l'État environ 11,89 euros par individu, contre 58,90 euros pour une journée en centre de semi-liberté et 83,86 euros pour une journée en détention classique.