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Un élu peut-il décrocher le portrait du président de la République ?

Publié le 7 février 2022 à 15h33, mis à jour le 7 février 2022 à 15h46
Le portrait d'Emmanuel Macron accroché dans les mairies de France

Le portrait d'Emmanuel Macron accroché dans les mairies de France

Source : JEFF PACHOUD / AFP

Un maire a envoyé le portrait d’Emmanuel Macron à la préfecture suite à ses propos contre les non-vaccinés.
Une plainte a été déposée contre lui pour "outrage à personne dépositaire de l’autorité publique".
La justice a déjà retenu le principe de la liberté d’expression dans une affaire similaire.

Que risque un élu local en décrochant le portrait du chef de l’État de sa mairie ou de sa préfecture ? Après le geste d’un maire d’une petite commune du Tarn-et-Garonne, la question est d’actualité. C’est après les propos d’Emmanuel Macron à l’égard des Français non-vaccinés contre le Covid – "j’ai très envie de les emmerder", avait-il déclaré dans les pages du Parisien- que Nils Passedat, édile de Lavaurette, a décidé de ce coup politique. En retirant le portrait du président de sa mairie et en le renvoyant à la préfecture début janvier, le maire a voulu s’opposer à cette petite phrase, ressentie comme un "nouveau tournant assumé d’une politique qui ne se veut plus sanitaire, mais discriminatoire", comme explicité dans un courrier relayé par la presse régionale.

Des "symboles qui relèvent de la tradition"

Depuis, le portrait d’Emmanuel Macron a été remplacé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Mais l’affaire ne s’arrête pas là puisque la préfecture a porté plainte contre Nils Passedat pour "outrage à personne dépositaire de l’autorité publique", l’intimant d’"afficher sans délai le portrait du président Macron". Vendredi 4 février, l’édile a par conséquent été convoqué à la gendarmerie de Caussade. Une convocation qui lui a donné l’occasion de prendre la parole dans les médias, assurant que son geste n’était pas entaché d’illégalité. Sollicitée sur ses motivations, la préfecture du Tarn-et-Garonne n'a pas donné suite.

Sur Sud Radio, le maire de Lavaurette s’en explique : "Les seuls symboles légaux de la République sont l’emblème national, le drapeau, la Marseillaise et la devise Liberté-Égalité-Fraternité. Le portrait comme Marianne ou éventuellement la Déclaration des droits de l’Homme sont aussi des symboles associés, mais qui relèvent de la tradition. Il n’y a aucun cas légal qui impose ou dispense de l’usage de ces symboles".

Dénoncer "l'inaction climatique"

Sur ce point précis, Nils Passedat a raison. En effet, l’article 2 de la Constitution consacre "le drapeau tricolore", "l’hymne national", "la devise de la République" et non pas le portrait du Président ou encore la représentation de Marianne, qui n’ont "pas d’ancrage constitutionnel", comme le rappelle le Conseil constitutionnel. Pour autant, un maire a-t-il le droit de décrocher le portrait par opposition à sa politique ou à ses propos ? Peut-il être jugé et condamné pour outrage ? En réalité, il y a peu de précédents : tant que l’affaire n’est pas examinée par un juge, difficile de dire quel sort peut être réservé à un élu décidant d’un tel geste.

Mais une affaire similaire a déjà été amenée devant la justice. En 2019, des militants écologistes d’ANV Cop-21 avaient décroché le portrait du chef de l’État de plus d’une centaine de mairies pour dénoncer son "inaction climatique et sociale". Une action de grande ampleur qui avait donné lieu à des poursuites et à 35 procès pour vol en réunion. La Cour de cassation a été récemment appelée à se prononcer sur l’une de ces affaires. Le 22 septembre 2021, la plus haute juridiction a estimé que décrocher un portrait du président dans ce but précis pouvait relever de la liberté d’expression. Une décision déjà retenue un an plus tôt en première instance par le tribunal d’Auch (Gers), dans le cadre d’un autre procès de militants, mais pas confirmée en appel.

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La Cour de cassation, qui ne se prononce pas sur le fond, mais sur la règle de droit appliquée par le juge, a alors renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Toulouse, qui doit désormais examiner l’affaire par ce prisme-là. Cette décision pourrait donc faire jurisprudence si elle vient à être appliquée à nouveau. De son côté, le maire Nils Passedat a depuis porté plainte à son tour contre la préfecture pour "abus de pouvoir" et contre Emmanuel Macron pour "outrage à la fonction présidentielle". Ce 7 février, l'édile nous explique son intention d'aller au bout de cette plainte : "J'attends que la procureure poursuive la préfète. Si elle ne le fait pas, j'attaquerai la procureure, même si je ne sais pas encore pour quels motifs".

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Caroline QUEVRAIN

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