EXEMPLARITÉ - Le candidat communiste Fabien Roussel a regretté ce dimanche qu'une personne condamnée pour racisme, incitation à la haine raciale ou discrimination ne puisse pas être rendue inéligible. Pourtant, la loi le prévoit déjà.
Quand les faits sont aussi graves, ils devraient empêcher l'auteur de peser dans le débat politique. C'est en substance ce qu'a avancé Fabien Roussel ce dimanche 10 octobre. Visant très clairement Éric Zemmour, le candidat communiste à l'élection présidentielle 2022 a plaidé pour un renforcement de la "loi Gayssot" afin de rendre inéligible "des personnes qui sont condamnées pour racisme, pour incitation à la haine ou pour discrimination".
"Ce n'est pas inscrit dans la loi pour que des juges puissent le faire", a ainsi regretté le patron du PCF sur Radio J, relevant que cela était pourtant le cas "pour des détournements de fonds". Or, elles représentent à ses yeux des condamnations "pour des faits graves", qui "portent atteinte aux valeurs de la République, à la cohésion nationale et au vivre ensemble". Mais les juges sont-ils vraiment si désarmés ?
Une peine complémentaire très encadrée
La loi du 13 juillet 1990 - baptisée "Loi Gayssot" - vise à réprimer "tout acte raciste, antisémite ou xénophobe". Mais celle-ci ne prévoit pas de se voir interdire le droit de vote ou d'élection. Pour cette "peine complémentaire", il faut se tourner vers le code pénal afin de savoir dans quelles conditions elle est prononcée. D'après l'article 131-26-2, l'inéligibilité est "obligatoirement" déclarée pour les crimes, ainsi que certains délits.
Au-delà des violences physiques graves, des agressions sexuelles et du harcèlement, sont concernés un certain nombre d'autres faits, tels que l'escroquerie, l'abus de confiance, la corruption, la fraude fiscale en bande organisée, l'entrave à l'exercice de la justice ou encore le terrorisme, pour ne citer qu'eux. N'en déplaise à Fabien Roussel, il apparaît que la discrimination figure bel et bien dans cette liste. Ce délit rend donc déjà inéligible toute personne définitivement condamnée.
Ceci dit, cette longue liste ne comprend pas la "provocation à la haine" pour laquelle Éric Zemmour a été condamné. Ni le "racisme" à proprement parler.
Je propose de renforcer la loi #Gayssot en rendant inéligibles des personnes qui sont condamnées pour racisme, antisémitisme, incitation à la haine raciale. @RadioJFrance #ForumRadioJ pic.twitter.com/dbCiACBtc3 — Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) October 10, 2021
Si cette peine avait un caractère automatique - on trouvait cette précision dans l'article 7 - jusqu'en 2010, c'est dorénavant le juge qui est le dernier décisionnaire. Comme indiqué en troisième partie de l'article 131-26-2 du code pénal, il peut, "par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine prévue par le présent article". "La peine n'est jamais automatique, il est toujours laissé la possibilité au juge pénal de prononcer ou non cette interdiction", note ainsi l'avocate Caroline Yadan Pesah auprès de LCI.fr
Cela ne signifie pas pour autant que seuls les crimes et ces délits peuvent être assortis de cette peine. "La loi prévoit bien que ce soit aussi le cas en cas de condamnations pour incitation à la haine raciale", nous révèle celle qui est aussi responsable du pôle antisémitisme au Cercle de la Licra. Cette précision ne se trouve ni dans le codé pénal, ni dans la loi Gayssot, mais dans la loi sur la liberté de la presse. L'article 24 de ce texte permet d'interdire l'éligibilité aux auteurs de ces délits quand ils le font par voie de presse. C'est ainsi qu'en 2017, un ancien élu du Front national, Franck Sinisi, a écopé d'une peine de deux mois de prison avec sursis ainsi que d'une inéligibilité de quatre ans pour "incitation à la haine raciale" après avoir proposé de "récupérer les dents en or" des Roms.
Contrairement à ce que laisse entendre Fabien Roussel, la loi prévoit donc déjà "d'ordonner la privation de certains droits civiques - et notamment l'inéligibilité - à ceux qui se rendraient coupables d'incitation à la haine raciale ou de racisme", résume Caroline Yadan Pesah.
Reste que, comme le relève la responsable d'un think tank de la Licra, cette méthode n'aurait pas permis de contrer celui à qui l'on prête des ambitions présidentielles. D'une part, car la loi "n'est pas rétroactive", souligne l'avocate. La modifier n'a donc "pas d'effet sur une ancienne condamnation". De l'autre, parce que cette peine assortie à ce type de délits "ne peut pas excéder cinq ans". Si un juge avait décidé de prononcer cette peine contre le polémiste, il aurait donc tout de même pu se présenter en 2022.
Pour l'instant, il n'a été définitivement condamné qu'une fois, en 2011, pour des propos tenus le 6 mars 2010, sur le plateau de Salut les terriens.
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