TÉMOIGNAGES - Menée auprès de 2386 élèves de la prestigieuse école d'ingénieurs CentraleSupélec, une étude diligentée par la direction a mis en évidence des violences sexuelles nombreuses et répétées. Interrogés par TF1, les étudiants font part de leur choc.
Le pouls du campus de CentraleSupélec continue de battre et la prochaine "grosse soirée" se profile déjà. La prestigieuse école d'ingénieurs est pourtant assommée par une enquête révélant qu'une centaine de ses étudiants auraient été victimes de viols et agressions sexuelles l’année dernière.
L'étude a fait l'effet d'une bombe. Souhaitée par la direction et menée auprès des 2.386 étudiants de l'école, qui forme quelques-uns des plus brillants ingénieurs français, 51 femmes et 23 hommes auraient été victimes de harcèlement sexuel, 46 femmes et hommes d'une agression sexuelle et 20 femmes et 8 hommes d'un viol entre 2020 et 2021.
Interrogés par TF1 devant leur école, comme on le voit dans le sujet en tête d'article, des élèves réagissent à chaud : "Les chiffres sont choquants", témoigne une jeune femme. "C'est sûr, le pourcentage de victimes est très important par rapport au nombre de personnes qui ont répondu". "C'est une ambiance qu'on sait exister dans nos soirées", poursuit une autre, "mais ça n'empêche pas qu'on a été extrêmement choqués par la quantité de gens qui ont témoigné".
Il y a plein de raisons qui poussent à faire culpabiliser une victime
Ibtissam Hamich, présidente de l'association Çapèse
C'est par un questionnaire anonyme en ligne que les élèves ont pu s'exprimer, certains sortaient pour la première fois du silence. Ibtissam Hamich, présidente de l'association à l'origine de l'enquête interne, énumère les raisons avancées par les victimes pour ne pas s'être signalées plus tôt : "J'avais peur de ne pas être crue, je n'avais pas envie de problèmes, ma famille n'aurait pas accepté que je porte plainte". "Il y a plein de raisons", explique-t-elle, "qui poussent à faire culpabiliser une victime, alors que ce ne sont pas elles qui devraient se sentir coupables".
Dans 9 cas sur 10, les faits se seraient déroulés au sein de la résidence étudiante du campus, ou dans un cadre associatif. Dans la même proportion, c'est un autre étudiant qui s'est rendu coupable du viol ou de l'agression. Le directeur promet que "si on en identifie, on les poursuivra, et si une plainte est déposée, l'école se portera même partie civile". "Mais l'essentiel", poursuit Romain Soubeyran, "c'est de trouver les causes de ces agressions, et d'agir à ce niveau-là".
Ca s'appelait "choper", selon le terme en vigueur à l'époque (...), mais ça voulait dire en fait violer.
Céline Piques, ancienne élève de CentraleSupélec
Ancienne élève de l'école, diplômée en 1998, Céline Piques n'est pas surprise, et estime que les agressions sont monnaie courante depuis longtemps à CentraleSupélec. "À l'époque, dans les soirées, c'était alcool à volonté", se souvient celle qui est devenue la porte-parole d'Osez le Féminisme, "la stratégie d'un certain nombre d'hommes était de repérer des femmes vulnérabilisées par l'alcool." Ce qui s'appelait "choper, selon le terme en vigueur", poursuit-elle, "voulait dire en fait violer, puisqu'elles étaient en situation d'ivresse, et pas en capacité de se défendre".
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Confrontées au dévoilement de ces comportements, les universités et les grandes écoles lancent toutes des programmes d'écoute et de sensibilisation. À Sciences-Po, après une vague de dénonciations, une formation est même obligatoire. À CentraleSupelec, les soirées sont désormais surveillées par du personnel formé, afin d'éviter de nouvelles agressions.