"Ce ne sont pas des commerces" : les municipalités en guerre contre les "dark stores"

Virginie Fauroux | Reportage Alexia Mayer et Hélène Massiot
Publié le 20 juin 2022 à 12h31

Source : JT 20h WE

Alors que 10% des Français disent faire leurs courses en ligne, les grandes villes sont confrontées aux "dark stores".
Ces magasins fantômes servent de base d'approvisionnement aux livreurs de plateformes numériques.
Mais certains sont vus d'un mauvais œil, notamment à Paris, car ils ne respecteraient pas les règles d'urbanisme.

Avoir ses courses livrées à domicile en quelques minutes, c'est la promesse des nouveaux acteurs de la livraison rapide. Leur secret, ce sont les "dark stores", ou magasins fantômes : des mini-entrepôts de produits alimentaires, sans devanture et surtout sans clients. Ils sont installés un peu partout dans les grandes villes, c'est là que les livreurs se ravitaillent. 

Dans la capitale, ils sont une cinquantaine, mais la mairie de Paris voient d'un mauvais œil ces enseignes qui remplacent parfois des commerces de proximité. "Le genre de situation que nous surveillons, c'est lorsqu'un commerce ferme, si des investisseurs veulent créer un 'dark store' et mettent beaucoup plus d'argent sur la table, le propriétaire peut être tenté de le louer. À la fin, les vitres seront opacifiées et il n'y aura plus de magasin", s'inquiète le premier adjoint PS Emmanuel Grégoire, dans la vidéo du JT de 20H de TF1 en tête de cet article. 

Ce ne sont pas des commerces. Le principe d'un commerce, c'est définit par la loi : c'est un lieu dans lequel des clients viennent chercher leurs courses. Sur le plan juridique, ce sont des entrepôts.
Emmanuel Grégoire, premier adjoint PS à la mairie de Paris

Depuis quelques mois, dans la capitale, 60 "dark stores" ont été recensés par les services de l'urbanisme de la mairie et 45 "créés illégalement" ont été forcés de fermer. L'utilisation illicite de commerce transformé en entrepôt pour stocker la marchandise en est la cause. "Ce ne sont pas des commerces. Le principe d'un commerce, c'est définit par la loi : c'est un lieu dans lequel des clients viennent chercher leurs courses. Sur le plan juridique, ce sont des entrepôts. C'est préjudiciable à la vie de nos quartiers parce qu'un jour les commerces vont fermer et donc on verra des rues de plus en plus vides", ajoute Emmanuel Grégoire. Et de préciser : "ils auraient dû demander une autorisation, voire un permis de construire dans certains cas, et ils ne l'ont pas fait, ce qui est une infraction au code de l'urbanisme"

Les acteurs de la livraison rapide, eux, ne sont pas du même avis. Sur ce marché, ils sont plus d'une dizaine à satisfaire des urbains toujours plus pressés ou qui "détestent faire les courses". Chez Getir, par exemple, une enseigne turque implantée dans le pays depuis un an et qui possède une cinquantaine de locaux un peu partout sur le territoire, on joue la carte de la proximité. "C'est comme une petite supérette avec des véhicules à l'intérieur. On a seulement des véhicules électriques", indique Alec Dent, le directeur général. 

Par ailleurs, les rayonnages sont identiques à ceux d'un supermarché. Pour autant, il n'y a ni clients, ni caisse. 2000 produits sont livrés quotidiennement de 8 h à 23 h 30. Selon cette enseigne, ils ne sont pas en concurrence avec les commerces de proximité. "On ne pourra jamais satisfaire, toute envie, tout client avec nos 2000 références, donc on vient coexister avec les petits commerces existants", précise le directeur. 

En moyenne, les Français dépensent 23 euros pour leurs courses d'appoint au quotidien. Des courses, livrées à vélo ou en scooter, mais en plein cœur de ville, comme à Lyon, les riverains ne supportent plus le va-et-vient des livreurs sous leurs fenêtres. "Parfois, il y a au moins 50 scooters le soir, c'est insupportable", s'insurge l'un d'eux. Du côté de la mairie, on explique que "les horaires d'ouverture sont très larges, de 7 h du matin à minuit ou 2 h selon les modèles". Sans parler "des livreurs qui attendent dehors le soir et discutent entre eux, ce qui peut faire du bruit", avance Camille Augey, adjoint EELV, déléguée à l'emploi et à l'économie durable. 

Aujourd'hui, les acteurs de la livraison rapide espèrent pouvoir apaiser les esprits. Afin de ne plus être accusé de tuer le commerce de proximité, certaines enseignes pourraient même faire évoluer leur modèle et permettre à leurs clients de passer chercher leurs courses. 


Virginie Fauroux | Reportage Alexia Mayer et Hélène Massiot

Tout
TF1 Info