Une semaine après l'agression d'Yvan Colonna en prison, la situation continue de s'envenimer en Corse.Mercredi 9 mars au soir, plusieurs centaines de manifestants se sont à nouveau rassemblés à Ajaccio, Calvi ou Bastia.Ces manifestations ont une nouvelle fois été émaillées d'incidents.
La tension ne redescend pas en Corse. Après l'agression d'Yvan Colonna en prison, mercredi 2 mars, les affrontements se multiplient sur l'île malgré la levée, mardi, du statut de "détenu particulièrement signalé" du militant indépendantiste. Ce statut, qui empêchait son rapprochement vers une prison corse, était contesté depuis des années par le militant indépendantiste, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998.
Si la décision de lever ce statut apparaît comme un geste symbolique et d'apaisement, selon une source gouvernementale, la famille et certains militants nationalistes s'insurgent contre une décision jugée trop tardive, alors qu'Yvan Colonna se trouve entre la vie et la mort.
Au moins 8 CRS et 3 civils blessés à Bastia
Mercredi 9 mars au soir, des centaines de personnes se sont rassemblées à Ajaccio, Calvi ou Bastia en soutien au militant, avec à nouveau des heurts. À Bastia, où les incidents ont débuté vers 17h30, 23 CRS ont été blessés ainsi que trois blessés civils dont un photographe de Corse-Matin, selon un premier bilan de la préfecture de Haute-Corse, publié vers 21h30.
[Communiqué de Presse] Point de situation sur les violences à Bastia et Calvi. François Ravier @Prefet2B condamne ces violences et appelle chacun au calme ➡️ https://t.co/lv3DfMzU5F pic.twitter.com/4sbsNAbzz3 — Préfet Haute-Corse 🇫🇷🇪🇺 (@Prefet2B) March 9, 2022
"Les manifestants ont tiré des cocktails molotov, des bombes agricoles, billes de fer, tirs de fronde" et "les CRS ont maintenu la distance avec les manifestants par le recours au gaz lacrymogène", a détaillé la préfecture dans un communiqué. "Un seul tir de LBD [lanceurs de balles de défense, ndlr.] a été réalisé et a touché aux parties inférieures un manifestant approchant avec un cocktail molotov", a-t-elle ajouté.
Selon la police, quelque 300 manifestants étaient rassemblés, devant la préfecture de Haute-Corse, dont 100 ont été repérés comme hostiles. Au total, 120 engins incendiaires ont été lancés sur les forces de l'ordre, et plusieurs poubelles incendiées.
Dans un message conjoint, la direction de Corse-Matin et les syndicats ont condamné "avec la plus grande fermeté" l'agression de leur photographe et "les menaces dont il a fait l'objet".
La sous-préfecture de Calvi et la préfecture d'Ajaccio visées
À Calvi, après un début de manifestation calme, "une quarantaine de manifestants, cagoulés, ont jeté des cocktails molotov contre la sous-préfecture et brisé des vitres à coup de pierre", a encore rapporté la préfecture qui appelle au calme. Selon Corse-Matin, des feux ont aussi été allumés à proximité du bâtiment.
À Ajaccio, environ 500 personnes, selon la police, s'étaient réunies devant la préfecture à la tombée de la nuit, où très vite, des heurts ont éclaté. Peu avant minuit, plusieurs manifestants se sont introduits dans le palais de justice, fermé à cette heure, et ont allumé des feux devant et à l'intérieur du bâtiment, selon une source policière. La façade a été noircie, mais les feux ont rapidement été éteints par les pompiers. Il y a eu au moins deux interpellations, d'après les forces de l'ordre.
Plus tard, certains manifestants, équipés d'une minipelle mécanique, ont dégradé une agence du Crédit Agricole, avant de se diriger sur la place Claude Erignac, lieu hautement symbolique, Yvan Colonna ayant été condamné pour l'assassinat du préfet de Corse.
Au total, au moins 14 manifestants et 10 CRS ont été blessés. Un journaliste de TF1 a également été blessé à la jambe, rapporte la préfecture de Corse-du-Sud dans un communiqué.
Un lycéen gravement blessé mardi à Ajaccio
En fin de matinée mardi, des heurts avaient éclaté devant la préfecture d'Ajaccio et à proximité, des groupes de protestataires jetant divers projectiles et bombes agricoles (artisanales) en direction des forces de l'ordre, une agitation cantonnée à ce quartier. Alors que Nicolas Septe, procureur de la République à Ajaccio, décomptait à l'AFP "neuf blessés comptabilisés dont deux forces de l'ordre" et précisait qu'il s'agissait de blessés légers, un lycéen de 16 ans a été gravement blessé et transféré à Marseille. Comme six manifestants, il a été touché par un tir de lanceurs de balles de défense (LBD).
"Il a reçu des coups directs de la part des forces de l'ordre qui l'ont traîné sur 40 mètres. Il y a une vidéo en ligne. Ensuite, ils l'ont laissé en sang dans la rue, par terre, aux pompiers", a rapporté mercredi son oncle, Paul-Félix Benedetti, à la tête du parti indépendantiste Core in Fronte, interrogé par l'AFP. "Il a été opéré dans la nuit" car "il avait un enfoncement de la boite crânienne avec un hématome. Il a 50 agrafes sur le crâne, plus les plaies d'hier qui avaient été suturées", a poursuivi sa tante.
"Les forces de l'ordre ont agi en riposte à de nombreux jets de projectiles. Des bombes lacrymogènes et des LBD ont été utilisés, en réaction. Les gendarmes mobiles sont intervenus pour lui porter secours et le remettre aux sapeurs-pompiers présents sur place, qui lui ont prodigué les premiers soins. Il était visiblement porteur d'un projectile", a indiqué de son côté à l'AFP Michel Tournaire, coordonnateur pour la sécurité en Corse, rattaché à la préfecture.
Selon une source proche du dossier, un autre adolescent de 14 ans a aussi été touché au bas du cou, "mais ses jours ne sont pas en danger".
Par ailleurs ce mercredi, les organisations nationalistes réunies à Corte ont acté la tenue d'une manifestation unitaire dimanche après-midi à Bastia, malgré les réticences de la famille Colonna qui dit craindre "un nouveau drame" dans le contexte.