Le 20H de TF1 a mené l'enquête au cœur de ce quartier HLM du 15e arrondissement de Marseille.Squats, stups, violences : les habitants expriment leur ras-le-bol face aux mafias venues du Nigeria.
Des vidéos choc tournées au quotidien par les riverains. Sur les images, des personnes qui se battent à coups de barre de fer ou de marteau. Ces dernières semaines, ces scènes sont devenues quasi-quotidiennes à la cité Kalliste, quartier HLM du 15e arrondissement de Marseille.
Que se passe-t-il dans ce secteur des quartiers Nord de la cité phocéenne ? Le 20H de TF1 part à la rencontre des habitants dans le reportage en tête de cet article.
Des coups de machette dans les volets
Nasra explique que sa maman vivait dans un logement de la cité Kalliste depuis plus de 20 ans. Elle a dû quitter les lieux après de récents évènements. Nasra raconte ainsi qu'un soir, des individus ont donné des coups de machette dans les volets du logement de sa maman pour "ouvrir la porte et se réfugier dans le premier appartement qu'ils ont vu". Sa mère s'y trouvait alors avec quatre jeunes enfants mineurs.
Par peur, la famille va fuir dans la nuit. L'appartement de la maman de Nasra sera lui cambriolé, puis incendié… "On vit dans la peur, dans le traumatisme, explique la jeune femme à TF1. Quand je viens avec mes enfants, quand ils viennent chez leur mamie, c'est : "Ne sortez pas dehors, attention, il peut vous arriver quelque chose ! C'est vraiment la peur, on est dans une violence extrême".
Les auteurs de ces faits ? Des gangs d'origine nigériane. Leur lieu de vie? Un HLM dont ils occupent les appartements vides où dont ils chassent les habitants. "Tous les jours, ils viennent sonner pour voir s'il y a quelqu'un dans la maison. Et s'il y n'a personne, ils essayent de rentrer. C'est tous les jours. On vit ça au quotidien", rapporte un habitant de la cité Kalliste.
"Welcome to the Dark Side"
TF1 a pu pénétrer dans une des tours sur la porte de laquelle est écrit : "Welcome to the Dark Side (Bienvenue dans le côté obscur)'". À l'intérieur de ce bâtiment insalubre voué à la destruction par les autorités publiques, des appartements dévastés et squattés. Les occupants, des hommes qui viennent du Nigeria et qui ne parlent pas français. Pour la plupart, ils sont demandeurs d'asile ou sans-papier. Ils prétendent être victimes du réseau de trafiquants de drogue déjà implanté dans le quartier.
"Les gens qui vendent de la drogue, nous leur avons dit 'non'. On ne peut pas garder votre drogue, raconte l'un d'eux. On leur a dit de partir. Ils nous ont poignardés. C'est pour ça qu'on s'est regroupé pour se venger." Un autre montre à notre caméra ses cicatrices. "J'ai pris une balle, dit-il, désignant ses marques avec son doigt. Une autre là. Et une ici."
Sont-ils réellement des victimes ou font-ils partie du gang ? Quelques jours après ce tournage, notre équipe a rencontré d'autres Nigérians qui vivent, eux aussi, à Kalliste. Quand nous leur montrons les images de l'homme blessé, une femme déclare, sous couvert d'anonymat :"Cet homme-là, il m'a demandé de l'argent. Je lui ai dit que j'en avais pas, il a menacé de me tuer." Un autre individu reconnaît lui aussi quelqu'un : "Lui, il a pris mon téléphone et m'a demandé 50 euros pour le récupérer."
Ce qu'ils décrivent, c'est un système de racket organisé. À leurs compatriotes rencontrés dans la rue, ces personnes proposent un logement à la cité Kalliste pour quelques centaines d'euros, mais une fois dans l'appartement, le piège se referme. "Ils sont rentrés dans ma chambre et m'ont pris mon argent, mes affaires. Ils ont commencé à me frapper et m'ont dit : 'Tu n'as pas fini de payer. Tu dois payer pour les mouvements", relate une victime.
Les "mouvements" ? Autrement dit, les gangs. Des mafias venues du Nigeria qui se sont implantées en Europe. D'abord en Italie, puis en France ou encore en Angleterre. Grace, Nigériane, vit depuis 20 ans à Marseille. "Ils ont apporté les mêmes méthodes ici. On n'a pas besoin de te parler, de t'expliquer, on va te parler avec la violence. C'est une manière de faire peur, une manière de dire : 'C'est nous le boss'", assure-t-elle.
Beaucoup de proxénétisme aussi
Trafic de drogue, rackets… Mais leur spécialité reste le proxénétisme. Feyfe fait partie de ces femmes envoyées en Europe pour se prostituer. Avant de partir du Nigeria, elle doit participer à une cérémonie vaudoue appelée "dju dju". "Une dame est venue me proposer de vendre des vêtements en Italie. Avant de partir, j'ai dû aller quelque part avec cette femme. Elle m'a fait boire une potion et fait jurer que j'allais la payer." Feyfe affirme avoir payé 25.000 euros.
SI Feyfe a eu le courage de quitter ses proxénètes sans terminer de payer sa dette, ce n'est pas le cas de la plupart des femmes. Reçues dans les locaux d'une association, les victimes expriment auprès des bénévoles leur peur pour elle, mais aussi pour leur famille.
À Marseille, un récent procès laisse entrevoir l'ampleur et la sophistication de cette traite des êtres humains. Seront lourdement condamnées des mères maquerelles, des proxénètes et des passeurs. Selon l'avocat de plusieurs victimes, en plus de deux ans, des millions d'euros ont été renvoyés au Nigeria ou vers des paradis fiscaux. "Le réseau prend tout en charge de A à Z: hébergement, formalités administratives puisque la plupart de ces jeunes femmes sont en situation irrégulière… Le réseau va encaisser la prestation sociale qui est la conséquence de cette demande d'asile", explique la robe noire.
Il y a quelques jours, les forces de l'ordre ont évacué une centaine de personnes du bâtiment squatté. Elles seront prises en charge quelque temps dans un gymnase ou dans des chambres d'hôtel. Cela suffira-t-il à apaiser les tensions ? Mardi soir, à Kalliste, un homme a été tué par arme à feu dans un probable règlement de compte.
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