ENQUÊTE - "Je te tue avant que tu me tues" : à Marseille, l'extrême violence des trafiquants

par L.T. | Reportage TF1 Paul Géli, Philippe Fontalba, Maroine Jitt
Publié le 18 avril 2023 à 11h30, mis à jour le 18 avril 2023 à 12h01

Source : JT 20h Semaine

À Marseille, la police tente toujours d'identifier les meurtriers qui ont tué trois jeunes dans plusieurs quartiers de la ville le 2 avril dernier.
La police butte très souvent sur la loi du silence, tandis que les gangs qui s'affrontent n'hésitent pas à recourir à la violence la plus extrême.
Regardez l'enquête du 20H de TF1.

Dans les quartiers nord de Marseille (Bouches-du-Rhône), la cité de la Paternelle est la zone la plus sensible de ces derniers mois. Sur ce point de deal, jusqu’à 80.000 euros circuleraient chaque jour. Alors plusieurs réseaux se disputent le territoire. Sur place, l'équipe de TF1 rencontre un trafiquant de 25 ans, qui souhaite rester anonyme. 

Son discours fait froid dans le dos. "Marseille, c'est devenu comme la jungle. Moi, je te tue avant que tu me tues pour récupérer mon réseau, pour récupérer ma place. Elle pleure ta mère et elle ne pleure pas ma mère", lance-t-il. 

Tu travailles dans un chantier, tu peux tomber d’une poutre comme tu travailles dans un réseau, tu peux prendre une balle
un jeune trafiquant de seize ans

Dans cette cité, deux réseaux s’affrontent. Ils  ont un nom : le Yoda et le Maga. La concurrence s’affiche directement sur les murs, mais aussi en ligne sur la plateforme Telegram. Chaque clan partage publiquement à sa communauté les offres du jour, cannabis ou cocaïne, ainsi que la présence ou non des forces de l’ordre. Derrière ces annonces, des règlements de compte qui font des victimes de plus en plus jeunes. Il s’agit souvent des petites mains des réseaux. 

Dans une autre cité, elle aussi gangrénée par les trafics, des jeunes de 16 ans, rencontrés par TF1, affirment qu'ils n’ont pas peur des risques. "Si c’est ton heure, c’est ton heure, ce sont les risques du métier. Moi, j’ai 16 ans aujourd’hui. Je n’ai pas peur du tout. Tu travailles dans un chantier, tu peux tomber d’une poutre, tu travailles dans un réseau, tu peux prendre une balle. C’est comme ça", lâche-t-il. 

Ces fusillades sont presque toujours commanditées par les têtes de réseaux pour protéger leur territoire et gagner plus d’argent. Ces chefs de clans se trouvent souvent bien loin de Marseille. "On est face à des trafiquants qui ont des ramifications internationales, et je pèse mes mots. Ce sont des individus qui sont souvent au Moyen-Orient, en Afrique du Nord. On a interpellé des narcotrafiquants marseillais en Amérique du Sud aussi, donc c’est très compliqué de pouvoir les trouver", relate Eddy Sid, délégué syndicat unité SGP police FSMI-FO Marseille. 

Des ripostes quasi immédiates

Un phénomène s’est accentué ces derniers mois : des ripostes quasi immédiates après chaque fusillade. "Cette rivalité qui s’est faite sur fond de fusillades depuis le mois de janvier a, je pense, dégénéré en phénomène de Vendetta, c’est-à-dire la vengeance et les assassinats pour venger la mort d’autres personnes dans le clan", explique Frédérique Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône. 

Ce phénomène peut avoir des conséquences irréparables. Le 2 avril dernier, trois fusillades à la suite ont fait trois morts à Marseille. Parmi eux, Ahmed, 29 ans, n’avait aucun antécédent judiciaire. "C’est une personne qui n’avait rien à voir dans le milieu. C’est une personne qui travaillait, qui ne fumait pas, qui ne buvait pas non plus, qui était anti-drogue d’ailleurs. Il était au mauvais endroit au mauvais moment", affirme Maamar Gerroua, oncle de la victime. Depuis cette fusillade, 200 CRS ont été déployés à Marseille et 27 personnes ont été interpellées. 


L.T. | Reportage TF1 Paul Géli, Philippe Fontalba, Maroine Jitt

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