Le 20h

VIDÉO - Trafic de drogue : à 14 ans, Laura est déjà une dealeuse expérimentée

par L.T. Reportage TF1 | Julien Cressens, Adam Mersi, Christophe Moutot
Publié le 1 février 2023 à 11h03, mis à jour le 2 février 2023 à 12h42
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

Les jeunes femmes sont la nouvelle arme des trafiquants de drogue.
Si certaines s'y sont mises à plein temps, d’autres ont des profils plus surprenants.
Nous avons suivi Laura, une jeune fille de 14 ans, dans les quartiers nord de Marseille.

Le soleil à peine couché sur Marseille, une nouvelle nuit de deal débute dans une cité des quartiers nord. Réchauffés par un feu de palette, les guetteurs sont à leur poste, prêts à crier si la police arrive. Une dizaine d’hommes et parmi eux, Laura, une adolescente de quatorze ans. Ce soir, c’est elle qui est chargée de vendre la drogue aux clients, qui viennent à bord de leur voiture comme dans un fast-food. 

La commande prise, Laura va chercher la marchandise dans une cachette. Les petits tubes dans sa main représentent dix euros de résine de cannabis. Cette nuit-là, elle va travailler de 20h à 10h le lendemain matin. Quatorze heures dans le froid et dans un quartier dangereux, gangréné par la drogue et les règlements de compte. Alors que nous sommes en train de l’interroger, les guetteurs donnent l’alerte. Ils crient "Arah", un message codé pour prévenir de l’arrivée de la police, qui cette fois-là, ne s’arrête pas. Laura est perturbée, elle ne veut plus être suivie ni parler. Elle craint des représailles de la part de ses chefs. "Je ne pense pas qu’ils vont vous laisser filmer", nous lance-t-elle. "Je pense qu’on va arrêter le reportage."

Entre 6000 et 8000 euros par mois

Nous l’avions rencontrée quelques heures plus tôt dans un autre quartier de Marseille. À 14 ans, Laura est déjà une dealeuse expérimentée. Depuis six mois, elle ne va plus au collège et travaille de jour comme de nuit. Avec comme seule motivation : l’argent. "La journée, je gagne 450 et la nuit 250", explique-t-elle. "Grosso modo, je gagne entre 6000 et 8000 euros par mois." Laura a été recrutée par une amie, elle aussi, dealeuse. Elle dit agir de son plein gré et assure ne faire l’objet d’aucunes violences de la part de ses employeurs. "Ce sont des gens normaux. Ils ont des familles, des petites sœurs. Du moment que tu es correcte et carrée, ça se passe bien", poursuit Laura. 

Mineure de moins de 15 ans, Laura risque sept ans d’emprisonnement. Cette peine monte à dix pour les adultes. À Marseille, les femmes sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans le trafic de drogue, comme nous l’ont indiqué plusieurs dealers. Un seul a accepté d’être filmé. Il nous confirme que les recrues féminines sont des atouts. Elles attirent, selon lui, moins l’attention des policiers. "Les femmes sont un peu moins contrôlées. On fait moins attention. Ce n’est pas le profil d’une femme qu’ils cherchent. C’est un avantage pour nous. Ça nous fait perdre moins de sous", affirme-t-il. 

"L'augmentation est réelle"

La police reconnaît avoir été surprise par l’arrivée des femmes il y a quelques années. Mais depuis, les choses ont changé. Le nombre de trafiquantes interpelées a doublé l’an dernier. "Ça représente aux alentours d’une cinquantaine de personnes donc c’est un phénomène qui reste très marginal par rapport aux garçons qui sont impliqués mais l’augmentation est réelle. C’est un phénomène nouveau mais maintenant, on le sait et on fait attention à tout", déclare Stéphane Douce, commissaire de police. 

Lire aussi

Marseille n’est pas un cas isolé. À l’échelle nationale, une personne sur dix interpelée pour possession ou trafic de drogue est une femme. Toutes ne viennent pas des quartiers sensibles. Sarah Perrin, sociologue et chercheuse, a rencontré une trentaine de dealeuses et découvert des profils pour le moins surprenant : "J’ai des gens qui sont dans des grandes écoles de commerce, de science-politique, j’en ai qui sont cadres, qui ont la trentaine. Elles se mettent à dealer pour financer leur consommation. Ce sont des gens qui sont usagers revendeurs. C’est vraiment cette catégorie-là qui ressort." Contrairement aux trafiquantes chevronnées, ces femmes n’appartiennent à aucun réseau. Elles agissent seules, se fournissent sur Internet et revendent principalement dans leur entourage. 


L.T. Reportage TF1 | Julien Cressens, Adam Mersi, Christophe Moutot

Tout
TF1 Info