NOUVELLE MENACE - L'ultradroite rassemblerait 3000 personnes selon les services de renseignements. Prônant la violence, certains de ses membres détiennent même des armes. Alors que plusieurs de ces groupes ont été récemment dissous par les autorités, le 20H de TF1 se penche sur cette mouvance.
Ils imaginaient que seules leurs armes pourraient les sauver et que se réfugier dans les bois leur permettrait de se rendre invisibles aux yeux de leurs nombreux ennemis. Fin novembre, les gendarmes ont arrêté treize suspects, tous membres d’un groupuscule baptisé "Recolonisation France" et venus de partout à travers l’Hexagone. Des pères de famille intégrés professionnellement, mais prêts à sauver une France à leurs yeux gangrénée par le mal, à l’aide d’une cinquantaine d’armes, perquisitionnées par les forces de l’ordre.
Plusieurs d’entre eux étaient d’anciens militaires ou des militaires toujours en exercice, et tous se préparaient à une guerre civile imminente face à la "pression migratoire", relève Le Monde. "Leur motivation principale était de pouvoir faire face, à l'aide d'une petite armée, à des menaces qui seraient présentes sur le territoire national", explique le général de brigade Jean-Philippe Reiland, chef de l'office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. "C’est essentiellement une idéologie identitaire, raciste, xénophobe, et parfois assez violente, qui est partagée par la plupart d’entre eux."
"C'est eux ou c'est nous"
L’ultradroite française recoupe des groupes d’extrême droite violents, qui développent leurs réseaux hors des circuits de la politique classique, en refusant de se présenter aux élections. Le mouvement est né sur les cendres des skinheads des années 80 et 90, mais l’idéologie de ses membres n’a en effet guère changé depuis : elle reste bien souvent raciste et antisémite, bien que certains groupuscules présentent des différences entre eux. Quasiment tous partagent en revanche un goût pour la violence, qu’ils prônent pour la plupart d’entre eux comme unique solution à tous les problèmes. "Comprenez vraiment que c’est une question de vie ou de mort. Si on ne gagne pas cette bataille on disparaît à jamais. C’est eux ou nous", alpague un membre de l’un de ces groupes dans une vidéo.
Mais s’ils ne se présentent pas à des élections, ces groupuscules peuvent être proches de figures politiques. Tout récemment, le réseau des "Zouaves Paris" a été visé par une procédure de dissolution engagée par le gouvernement : il est soupçonné d’avoir participé à l’agression violente de militants de SOS Racisme lors du premier meeting du candidat à la présidentielle Eric Zemmour, le 5 décembre à Villepinte. Le conseil d’État doit encore donner son aval. Né en 2018, ce groupe a déjà été condamné pour plusieurs violences, notamment à l’égard de formations de gauche.
En France, des groupes et individus d’ultradroite ont commencé à fomenter des actions violentes à l’encontre de personnes ciblées en fonction de leur religion ou leur origine, ainsi que des représentants de l’État, en représailles des attaques terroristes islamistes, indique le site de la DGSI. Les autorités évoquent aussi une démocratisation de cette droite radicalisée violente depuis le mouvement des Gilets Jaunes : un phénomène peu rassurant déjà observé il y a quelques années aux États-Unis, qui enregistraient une explosion de milices paramilitaires explosent.
Complotisme et manuels de survie
L’ultradroite est désormais marquée par un complotisme maladif et le survivalisme, convaincus qu’il faut se protéger face au déclin de l’État. "Il y a aussi l’émergence de personnes qui se radicalisent par la Toile, par internet, mais aussi par le fait d’avoir été dans l’armée et la gendarmerie. C’est la théorie du clash des civilisations qui fait renaître de nouveaux groupes", analyse Erwan Lecœur, sociologue, spécialiste de l'extrême droite.
Ainsi, l’un des derniers réseaux démantelés par les autorités avait pour ambition d’envahir l’Élysée, armes à la main : un inquiétant projet baptisé "Opération Azur", appuyé sur des factions paramilitaires et emmené par le complotiste Rémy Daillet. L’homme avait été mis en examen et écroué en juin dernier pour "complicité d’enlèvement de mineur" dans l’affaire du kidnapping de la petite Mia, emmenée en Suisse alors qu'elle était hébergée dans les Vosges.
C'est sur des messageries cryptées, comme Telegram notamment dans le cas du groupuscule "Recolonisation", ces groupes s'organisent et déversent leur haine absolue de l’État, de la presse, des Juifs, ou encore des immigrés. On s’y prépare aussi à une guerre annoncée à l’aide de tutoriels ou encore à la survie en milieu hostile, à l'aide de conseils parfois déconcertants : l’ultradroite se dit évidemment ouvertement raciste, mais dans ses manuels, elle propose des recettes de cuisine pour le moins surprenantes. Les documents expliquent par exemple "Comment sauter dans une voiture en marche depuis une moto" tout en préparant un taboulé libanais, ou encore de "se débarrasser d’un requin" et cuisiner une salade de chou marocaine.
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Depuis 2017, six projets d’attentats imputables à ces groupuscules ont été déjoués sur le sol français, précise la DGSI sur son site. Il y était parfois question de tuer Emmanuel Macron ou d’empoisonner de la viande halal dans des supermarchés.
Pour l’avocat Maitre Gabriel Dumenil qui défend plusieurs membres de cette mouvance, la justice doit toutefois rester très prudente et ne pas faire de parallèle avec le terrorisme islamiste. "Il y a sûrement dans le lot des gens qui pourraient passer à l’acte", avance-t-il. "Mais la justice ne peut pas être préventive, au risque de ne plus faire œuvre de justice justement, ce que nous dénonçons." Pour l’heure, les services de renseignements surveillent actuellement plusieurs groupes d’ultradroite de façon permanente, les plus dangereux des groupuscules violents selon eux.