La Cour de révision a annulé ce jeudi la condamnation pour viol sur mineure prononcée en 2003 contre Farid El Haïry.Une procédure rarissime qui fait de cet homme de 41 ans le douzième cas connu de révision d'une condamnation aux assises depuis 1945.Avant lui, des noms emblématiques comme Patrick Dils ou Marc Machin en ont bénéficié, avec une indemnisation à la clé.
Près de 20 ans après sa condamnation, il a enfin obtenu gain de cause. La Cour de révision a pris, jeudi 15 décembre, la décision rarissime d'annuler la condamnation pour viol sur mineure prononcée en 2003 contre Farid El Haïry. Ce dernier a passé près d'un an en détention pour un crime qu'il n'a pas commis.
La décision fait suite à la rétractation de son accusatrice qui a avoué, fin 2017, aux autorités judiciaires avoir inventé les faits, "coincée dans l'emprise" d'un "secret familial". Mais après la reconnaissance de son innocence se pose désormais la délicate question de l'indemnisation pour cette année passée en prison pour des faits que l'homme de 41 ans n'a pas commis. Chaque affaire étant unique, les 11 autres cas connus à avoir bénéficié de la procédure en révision, ont obtenu des montants très différents. Retour sur ces affaires emblématiques.
Deshays, Deveaux, Mauvillain : de 125.000 à 5 millions de francs
La toute première procédure en révision en France remonte à 1955. Elle concerne Jean Deshays. Celui qui était surnommé le "Docker de Nantes" a été condamné, en 1949, à 20 ans de travaux forcés après avoir été accusé d'avoir assassiné un fermier et avoir reconnu les faits. Mais en 1951, par hasard, la police remonte les traces du véritable tueur. Il est acquitté en 1955 et touche une indemnité de cinq millions de francs pour ses six années passées en prison.
En 1969, Jean-Marie Deveaux touche beaucoup moins : 125.000 francs pour huit années passées en prison. Ce fils de boucher avait été condamné en 1963 à 20 ans de réclusion pour le meurtre de la fille de son employeur. L'affaire a été rejugée en 1969, menant à l'acquittement du jeune homme. Cette affaire est notamment à l'origine de la loi sur l'indemnisation des victimes d'erreurs judiciaires.
Quelques années plus tard, Guy Mauvillain obtient une indemnisation de 400.000 francs pour six années de prison. Il avait été condamné, en 1975, à 18 ans de réclusion pour le meurtre d'une vieille dame à La Rochelle. À l'arrivée du médecin, la victime encore en vie, avait pointé son agresseur, accusant Guy Mauvillain, condamné ensuite sans preuve et au terme d'un procès qui dure une demi-journée. Dix ans plus tard, en 1985, il est finalement reconnu innocent.
Roland Agret : plus de 30 ans de combat pour 500.000 euros
L'un des combats les plus emblématiques pour obtenir réparation après une condamnation injuste est celui mené par Roland Agret. Condamné en 1973 à 15 ans de prison pour l'assassinat d'un garagiste, il ne cesse de clamer son innocence et mène une grève de la faim de plus d'un an, avant de s'amputer les phalanges de deux doigts pour les envoyer au garde des Sceaux. Roland Agret sera finalement libéré en 1977 par grâce présidentielle pour raison médicale, avant d'obtenir la révision de son procès et son acquittement le 25 avril 1985. Jusqu'à sa mort, en 2016, il se bat contre les erreurs judiciaires et pour recevoir une indemnité juste pour ses cinq années passées derrière les barreaux.
En 2005, il se tire une balle dans le pied pour protester contre le refus de la commission d'indemnisation de la cour d'appel de Grenoble de l'indemniser. En 1985, Roland Agret avait en effet reçu 38.000 euros d'indemnités pour ses 18 mois de détention provisoire, mais rien pour les années passées en prison après sa condamnation, la loi ne prévoyant pas ce cas de figure. Il finira par obtenir une indemnisation à hauteur de 500.000 euros.
Rida Daalouche : pas un centime malgré cinq ans de prison
En 1994, Rida Daalouche est condamné à 14 ans de prison, accusé par son cousin d'avoir tué un revendeur d'héroïne dans un bar de Marseille, trois ans plus tôt. Toxicomane et ayant des problèmes psychologiques, l'homme d'origine tunisienne tient des propos confus pendant l'enquête, qui ne lui permettent pas de se défendre. Mais trois après sa condamnation, sa famille parvient à prouver qu'il était en cure de désintoxication au moment du meurtre. Il voit finalement sa condamnation annulée en 1998 puis est acquitté en mai 1999 après avoir passé cinq ans et trois mois derrière les barreaux. Pourtant, Rida Daalouche voit sa demande d'indemnisation rejetée au motif qu'il n'a pas su indiquer où était le justificatif médical prouvant son innocence, le rendant ainsi responsable de son incarcération, selon les instances.
Patrick Dils : indemnité record
Il est l'un des cas les plus connus d'erreur judiciaire en France. En 1989, Patrick Dils, alors âgé de 16 ans, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de deux enfants commis en 1986 à Montigny-lès-Metz en Moselle. Après révision en avril 2001, il est de nouveau condamné à 25 ans de prison en juin 2001 avant d'être acquitté en appel en 2002. Au total, Patrick Dils a passé 15 ans en détention pour des faits qu'il n'a pas commis et pour lesquels le tueur en série Francis Heaulme a été reconnu coupable en 2020. Pour ces 15 années d'emprisonnement, l'État français est condamné à lui verser la somme d'un million d'euros. Il s'agit d'un record dans l'histoire judiciaire française.
Sécher, Machin, Azzimani, El Jabri et Iacono : plusieurs centaines de milliers d'euros d'indemnité
Les dernières affaires d'erreurs judiciaires voient plus de constance dans le montant des indemnités versées. En 2011, Loïc Sécher obtient 797.352 euros d'indemnisation pour ses sept années passées derrière les barreaux. Il avait été arrêté en 2000, accusé d'avoir violé à plusieurs reprises une jeune fille de 14 ans avant d'être condamné en 2003, puis en appel en 2004 et par la Cour de cassation en 2005 à 16 ans de réclusion criminelle. Celui qui était alors ouvrier agricole n'aura de cesse de clamer son innocence. C'est finalement la victime qui enverra une lettre en 2008 au parquet général pour expliquer que Loïc Sécher est innocent.
Marc Machin, lui, a touché 663.320 euros d'indemnisation pour six ans et demi de prison. Il a été acquitté en décembre 2012 au terme de son troisième procès et deux ans après l'annulation de sa condamnation obtenue parce que le véritable auteur du meurtre (David Sagno) s'était dénoncé. Il avait été condamné à 18 ans de réclusion dans "l'affaire du Pont de Neuilly" et le meurtre de Marie-Agnès Bedot à Paris en 2001. Alors âgé de 19 ans, il avait dans un premier temps reconnu les faits avant de se rétracter, expliquant qu'il avait été soumis à une "pression psychologique" de la part des enquêteurs. Depuis sa sortie de prison en 2008, il a accumulé les condamnations et purge une peine de 16 ans de prison pour le viol d'une jeune femme commis en 2018.
De leur côté, Abdelkader Azzimani et Abdelrrahim El Jabri ont été acquittés en juillet 2014. Ils étaient accusés du meurtre d'un jeune dealer, en 1997, et ont été condamnés à 20 ans de réclusion, en 2003. Une condamnation confirmée en appel en 2004 avant d'être annulée en 2013, après la mise en cause d'un nouveau suspect par une expertise ADN. Après avoir passé respectivement 12 et 13 ans en prison, les deux hommes sont acquittés en 2014 et touchent une indemnité de 360.000 et 130.000 euros.
Dernier cas de procédure en révision : celle dont a bénéficié l'ex-maire de Vence, dans les Alpes-Maritimes. En 2009, Christian Iacono est condamné pour le viol de son petit-fils entre 1996 et 1999 lorsque l'enfant est âgé de cinq à huit ans. En 2011, la petite victime revient sur ses accusations et reconnaît avoir menti, influencé par les conflits entre son père et son grand-père. L'ancien maire voit sa condamnation annulée trois ans plus tard puis est acquitté lors de son procès en révision en mars 2015. Pour 11 mois passés derrière les barreaux, Christian Iacono touche la somme de 700.000 euros.
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info
- Police, justice et faits diversDisparition inquiétante de Lina, 15 ans, en Alsace
- Police, justice et faits diversAttentat de Magnanville : sept ans après, l'heure du procès
- SportsRC Lens
- Sujets de sociétéLe pape François à Marseille, une visite historique
- SportsLigue des champions 2023-2024 : le PSG repart en campagne