Féminicide en Gironde : le procureur n'avait pas été mis au courant des plaintes de la victime

par M.L | Reportage TF1 Alexandra Vieira et Nicolas Forestier
Publié le 5 mars 2023 à 0h22

Source : JT 20h WE

Le ministre de l'Intérieur a demandé l'ouverture d'une enquête après un nouveau féminicide en Gironde.
La victime, poignardée par son ex-compagnon, avait porté plainte deux fois en février.
Mais le procureur n'a jamais été prévenu, comme le prévoit pourtant la procédure.
De plus, l'auteur des faits avait de lourds antécédents.

Catherine avait porté plainte deux fois, en vain. Vendredi après-midi, son ancien compagnon est entré par effraction à son domicile de Saint-Laurent-d'Arce, et a tué cette femme d'une cinquantaine d'années à coups de couteau, avant de se pendre. Les voisins de la victime sont en colère, d'autant que l'homme avait déjà été condamné pour tentative d'assassinat sur sa précédente conjointe. "Je suis révoltée que des messieurs déjà inculpés fassent une récidive", tonne l'une d'entre eux dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article. "Ce sont des gens qui ne devraient pas être relâchés", abonde son compagnon.

L'homme, âgé de 62 ans, avait été déjà été condamné en 2006 à vingt ans de réclusion criminelle pour tentative d'assassinat commise sur son ex-conjointe, et faisait l'objet d'"une mesure de réduction conditionnelle". Catherine s'était séparée de lui depuis "la mi-janvier" et "avait déposé plainte le 5 février puis le 23 février" à la gendarmerie de Saint-André-de-Cubzac pour des "violences sans incapacité"  et "diffusion d'images portant atteintes à l'intimité de sa vie privée", a indiqué le procureur de Libourne Olivier Kern dans un communiqué.

"Les gendarmes vont devoir s'expliquer"

La procédure en la matière est claire : toute plainte pour violence conjugale doit être immédiatement transmise au procureur, de façon à pouvoir placer le conjoint accusé en garde à vue, le cas échéant. Mais un mois s'est écoulé depuis la première plainte de la victime, et selon nos informations, le procureur n'a pas été mis au courant. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé l'ouverture d'une enquête administrative de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) pour comprendre pourquoi les gendarmes n'ont pas respecté le protocole. 

Les proches de la victime s'étaient déjà inquiétés de voir la situation empirer. Catherine elle-même craignait d'être attaquée par son ex-conjoint. "J'ai discuté avec sa sœur hier. D'après ce qu'elle disait aux gens qu'elle avait au téléphone, elle sentait que cela pouvait arriver", explique Jean-Pierre Suberville, maire (SE) de la commune. 

"Lorsqu'une femme dépose plainte, il faut que les conjoints soient entendus systématiquement"
Naïma Charaï, directrice de l'Association pour l'accueil des femmes en difficulté (APAFED)

Pour une association des protections des femmes, il faudrait mettre en place une justice spécialisée dans les violences conjugales et améliorer la formation des gendarmes sur le sujet. "Lorsqu'une femme dépose plainte, il faut que les conjoints soient entendus systématiquement", insiste Naïma Charaï, directrice de l'Association pour l'accueil des femmes en difficulté (APAFED). "Les gendarmes vont devoir s'expliquer. Cette femme n'a pas bénéficié des outils qui pouvaient la protéger", fustige-t-elle. 

En France, depuis le début de l'année, 26 femmes ont été victimes de féminicide. Un fléau en pleine expansion : le nombre de cas a augmenté de 20% en France en 2021 par rapport à l'année précédente, avec 122 femmes tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, contre 102 en 2020, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.


M.L | Reportage TF1 Alexandra Vieira et Nicolas Forestier

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