Fiasco du Stade de France : "Tout était connu" mais "l'analyse a été défaillante", constate Alain Bauer

Y.R.
Publié le 1 juin 2022 à 10h56
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Source : L'Invité Politique

Une note des renseignements avait alerté sur d'éventuels incidents, avant la finale de la Ligue des champions.
La Direction nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) évoquait des risques de débordements.
"La collecte était excellente, l'analyse a été défaillante", a assuré Alain Bauer, responsable du pôle Sécurité Défense Renseignement au Cnam, invité de LCI.

"Tout ce qui était anticipé ne l'a pas été par l'organisation." Avant le choc Liverpool-Real Madrid (0-1), samedi 28 mai au Stade de France, qui a tourné au fiasco, une note des renseignements alertait sur les risques entourant la finale de la Ligue des champions. La Direction nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) de la police nationale projetait, dans une note datée du 25 mai, la présence à de "50.000 à 75.000 supporters anglais, dont seulement 50 à 100 supporters à risque". "Certains d'entre eux", était-il écrit, "seront en possession de faux billets et tenteront de les utiliser pour accéder" à l'enceinte dionysienne.

Pour illustrer l'ampleur de la fraude, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a avancé le chiffre de 40.000 faux billets, qu'il a répétés, lundi 30 mai, dans le JT de 20H de TF1. Un chiffre remis en cause par plusieurs témoins et des groupements de supporters. Cette situation a, selon les autorités, entraîné près du Stade de France un échec du dispositif de sécurité avec un engorgement massif, des débordements et une intervention des forces de l'ordre, qui n'ont fait aucun blessé grave.

Le problème, c'est le moment où l'interprétation politique d'une note technique part en vrille"
Alain Bauer, professeur au Cnam, responsable Sécurité Défense Renseignement

"Une note prévoit des choses qui n'arrivent pas toujours. L'opérateur final est censé s'adapter à ce que dit la note parmi d'autres sources de renseignement", a expliqué Alain Bauer, professeur en criminologie au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et responsable du pôle Sécurité Défense Renseignement, invité d'Elizabeth Martichoux sur LCI, mardi 1er juin. "La note disait qu'il y a des faux billets et des sans billets." Toutefois, selon lui, il a eu confusion. "Le calcul du nombre de gens qui ont passé la frontière en bus, en train ou en avion correspond au chiffre qui est donné : 20.000 avec billets, 40.000 sans billets, dont un certain nombre, petit, avec des faux billets dû à la billetterie papier et pas électronique", a-t-il indiqué. 

Affluence, faux tickets, vols : enquête sur les incidents du Stade de FranceSource : JT 20h Semaine

Or, le décompte présenté par le patron de Beauvau semble intégrer les 35.000 personnes présentes dans les fan zones. "Le problème, justement, c'est le moment où l'interprétation politique d'une note technique part en vrille", a jugé le membre permanent de l'équipe Sécurité & Défense du Cnam. "Globalement, les 40.000 étaient là, mais ils n'étaient pas au Stade de France. Un très grand nombre - 30 à 35.000 personnes - était dans les deux fan zones." De même que les hooligans.

C'est un crash-test qui s'est transformé en crash
Alain Bauer, professeur au Cnam, responsable Sécurité Défense Renseignement

"La collecte était excellente, l'analyse a été défaillante", a-t-il commenté. "On savait qu'il allait y avoir beaucoup de monde, mais les supporters anglais ont été d'une rare sagesse. Ils ont été victimes des exactions, mais ils n'ont pas été les auteurs. (...) Ce que je reproche au ministre (Gérald Darmanin) et au gouvernement, c'est d'avoir commencé à donner le résultat d'une enquête avant qu'elle ait commencé. C'est toujours un désastre de communication, ça se retourne toujours contre ceux qui jouent à ça."

Pour Alain Bauer, "tout était connu avant". "On savait tout, qu'il y avait la grève, des faux billets, des sans billets..., mais il n'y a pas eu d'adaptation parce qu'il n'y avait pas un chef unique", a-t-il déploré, citant pêle-mêle l'UEFA, la Fédération française de football (FFF), le consortium du Stade de France ou les transports. "Une catastrophe, c'est un cumul de petites erreurs. (...) C'est un crash-test qui s'est transformé en crash. Comme toujours, on va apprendre des leçons. On fait toujours bien après. La France n'est jamais proactive, toujours réactive. Il y aura probablement de grandes améliorations qui seront faites."

Cela ne l'empêche pas de s'inquiéter pour la cérémonie d'ouverture des JO 2024, qui sera organisée sur la Seine, en plein cœur de Paris. "C'est une catastrophe criminelle annoncée. Ce n'est pas la préfecture de police ou le ministère de l'Intérieur qui sont fautifs, c'est le comité d'organisation des Jeux (COJO) et la mairie de Paris. Une ouverture sur la Seine sur 12 kilomètres, incontrôlables et insécurisables, en prenant en compte la problématique des drones, c'est un désastre conceptuel et intellectuel. C'est une folie furieuse", a tancé l'expert. "Ce qui nous est annoncé de ce dispositif est une catastrophe annoncée. Je le dis quatre ans avant pour que ce soit bien noté une bonne fois pour toutes. (...) C'est un bon exemple pour montrer que, même lorsqu'on sait, dit ou écoute, (il y a) une pulsion irrésistible à faire des trucs qui n'ont aucun sens pour de la communication."


Y.R.

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