La petite Ruby est décédée, le 17 août dernier, alors qu'elle était sous la garde du compagnon de sa mère.L'autopsie de la fillette de deux ans et demi a révélé "des marques de coups répétés sur le corps et la tête".Une équipe de "Sept à Huit" revient sur l'enfer vécu par l'enfant.
L'émotion était encore vive, vendredi 25 août, lors de la marche blanche pour rendre hommage à la petite Ruby. L'enfant de deux ans et demi a été retrouvée, une semaine auparavant, sans vie, son corps portant des traces de violences. Depuis, sa mère et son compagnon ont été mis en examen et placés en détention provisoire, lui pour "homicide volontaire sur mineur de moins de 15 ans" et elle pour "défaut de soins, non-dénonciation de crime, non-dénonciation de mauvais traitements et non-assistance à personne en danger".
Un drame pour la famille de la fillette et les habitants de Seclin (Nord), où a eu lieu le drame et où s'est déroulée la marche blanche. "Je suis maman et mon cœur est serré", témoigne une participante dans le reportage de "Sept à Huit" en tête de cet article. "Des enfants à deux ans et demi ça ne disparaît pas comme ça", fustige une autre.
Un jeune couple au coeur du drame
Lorsqu'elle est retrouvée morte à son domicile, le 17 août, Ruby présente de multiples traces de coups sur le corps et au visage. Sa mère, Marine, 25 ans, et son beau-père, Dylan, 23 ans, ont été mis en examen et incarcérés. Ils vivaient ensemble depuis deux mois dans un immeuble d'un quartier défavorisé de Seclin, à 20 minutes au sud de Lille. Marine a trois enfants issus d'une précédente union. Ruby avait une sœur de cinq ans et demi et un frère de sept ans. La mère de famille ne travaille pas. Son nouveau compagnon non plus.
La jeune femme habitait déjà dans son logement social avant de rencontrer Dylan. Dans l'immeuble, la famille n'avait jamais attiré l'attention des voisins. "On entendait les gosses crier comme tout enfant. C'était des pleurs classiques d'un enfant comme on en entend dans tout le bâtiment. On ne s'inquiétait pas plus que ça. Je n'aurais jamais imaginé que c'était comme ça", assure l'un d'eux.
Très présente sur les réseaux sociaux, Marine donnait pourtant parfois l'impression de ne pas faire très attention à ses enfants, notamment lorsqu'elle se promenait en famille. "Elle était toujours un peu sur son téléphone, mais c'est la jeunesse. Mais des fois, on était effrayés parce que la plus jeune était en avant et elle ne se rendait pas compte. Des fois, on lui faisait la réflexion parce que c'était dangereux", assure une habitante du quartier.
Une famille dans le viseur des services sociaux
Avant de rencontrer Dylan, Marine et ses enfants ont fait l'objet de deux signalements auprès des services sociaux. Un premier en 2019, classé sans suite. Un second, effectué en 2023, était en cours auprès d'un juge des enfants. Ni la justice ni les services sociaux n'ont accepté de nous répondre. Au téléphone, un proche étaye toutefois ses soupçons de carences éducatives. "À l'école, le petit disait qu'il ne mangeait que des gâteaux et des chips, matin, midi et soir", témoigne-t-il avant de raconter un événement qui l'a marqué : "La petite Ruby était tombée dans les escaliers, [Marine] était sur son téléphone et j'ai dû lui dire : 'Marine, ta fille est tombée'. Elle n'a pas couru, elle a dit : 'Ça va aller'".
C'est dans ce contexte que Dylan arrive dans la vie de la jeune femme en juillet 2023. Celui qui raconte à tous les voisins s'appeler Yassine, et avoir coupé les ponts avec sa famille adoptive à Marseille, a en réalité grandi à Haubourdin, à quelques kilomètres de Seclin, et ses parents sont bien vivants. Ils ont refusé de nous rencontrer, mais nous ont raconté leur histoire.
Dylan aurait mal tourné au collège, lorsqu'il tombe sous l'emprise du cannabis. "Ses dealers venaient jusqu'à chez nous le menacer et nous demander de payer ses consommations. Il nous a fait vivre un enfer. Nous n'avons plus de contact avec lui depuis trois ans quand nous l'avons mis à la porte". Suite à son expulsion de foyer familial, le jeune homme aurait erré de foyer en foyer, mais n'a, jusqu'à présent, jamais été incarcéré, ni même impliqué dans des affaires de violences. Son avocate affirme même qu'il "aimait beaucoup Ruby", une petite fille "à laquelle il était profondément attaché", avant de préciser qu'il s'occupait des "enfants au quotidien".
Des photos de coups six jours avant le drame
Mais tout aurait basculé le soir du 11 août. Un ami rend visite au couple et observe que Ruby présente des traces de coups. Il prend une photo que nous avons pu consulter. La fillette a une bosse et des rougeurs au visage. À son copain et à Marine, Dylan affirme avoir été agressé avec la fillette par des inconnus en bas de l'immeuble. Trois jours plus tard, l'ami revient dans l'appartement. Ruby est méconnaissable, comme en atteste une seconde photo que nous avons également vue, sur laquelle le visage de la fillette est couvert d'hématomes. Elle a les yeux mi-clos.
Malgré ces images choquantes, personne ne donne l'alerte. Tout au plus Dylan se rend-il dans une pharmacie pour acheter de la pommade. Le 17 août, soit six jours après la première photo, la petite Ruby est retrouvée morte dans l'appartement familial. Interpellé, Dylan n'évoque plus une bagarre, mais reconnaît être le seul responsable des blessures de Ruby. "Il parle d'un fait isolé. On n'est pas sûrs des violences récurrentes au quotidien", défend son avocate, avançant la thèse d'un acte "absolument pas prémédité, qui n'était pas souhaité ou voulu". "Il explique [les faits] par un geste accidentel qui aurait dû entraîner un certain nombre de soins vitaux qui n'ont pas été prodigués à l'enfant", assure-t-elle.
L'avocate n'en dit pas plus sur le "geste" en question. Des expertises ont été diligentées pour déterminer s'il s'agit, comme Dylan le prétend, d'un geste isolé ou si les violences sont répétées, comme le laisse penser l'autopsie. Mais reste une énigme : pourquoi le couple n'a-t-il pas appelé les secours ? Une question à laquelle l'avocat de Marine n'a pas souhaité répondre. En garde à vue, la jeune femme a affirmé que son compagnon l'avait menacée de représailles si elle donnait l'alerte. Dylan, lui, rejette la faute sur Marine qui aurait eu peur de se voir retirer la garde de ses enfants. Présumés innocents, ils encourent tous deux une peine maximale de 30 ans de prison.