LE WE 20H

VIDÉO - Paris : une fourrière au cœur d'un vaste scandale de corruption

par M.L | Reportage TF1 Jérome Garro, Romane Rosso et Noélie Clerc
Publié le 1 avril 2023 à 8h00
JT Perso

Source : JT 20h WE

À Paris, les fourrières ont été déléguées en partie à une société privée, dont le patron est incarcéré depuis décembre, pour des soupçons de prise illégale d'intérêts.
Il est accusé d'avoir encouragé ses grutiers à ramener le plus de véhicules possible contre bonus, en dépit des règles de sécurité.
Certains fonctionnaires de police sont aussi mis en cause pour des faits de corruption.

Toute la journée dans les rues de Paris, ce grutier répète la même manœuvre. "Je viens de recevoir à l'instant une mission boulevard de Courcelles", explique le jeune homme en consultant son téléphone portable, s'exprimant à visage caché dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article. Rapidement rendu sur place, il s'attelle à déloger la voiture indésirable, une opération qui ne demande pas plus de cinq minutes, le temps de hisser le véhicule gênant à l'arrière de sa dépanneuse, en prenant soin "de bien l'attacher, sinon il va tomber".

Si la caméra de TF1 a été autorisée à le suivre ce jour-là, c'est que l'entreprise Inter Dépannage souhaite prouver que tout se déroule dans les règles de l'art, pour redorer son image. "Je n'ai jamais eu de soucis dans cette société", assure le grutier. Une opération transparence, dans l'espoir de faire oublier les images des pratiques dangereuses auxquelles elle a pu avoir recours par le passé : une dépanneuse qui embarque une terrasse de restaurant en tirant un véhicule, ou une autre fois un pare-chocs déformé au moment de l'enlèvement. Sans compter les entraves au code de la route commises par des conducteurs prêts à griller des feux rouges, à rouler sur des couloirs de bus et même à remonter des rues à contre-sens. 

"Il arrose un peu, dès que ça lui pose un problème"

La Mairie de Paris avait récupéré la compétence des fourrières et pré-fourrières de la Préfecture de Paris début 2018, et passe depuis des marchés avec des sociétés privées pour l'enlèvement des véhicules, dont Inter Dépannage. Celle-ci semble avoir multiplié les déplacements dangereux pour une course aux chiffres : la société perçoit quelque 50 euros pour chaque voiture retirée. Selon ses contrats de travail, chaque grutier doit rapporter "un nombre minimum de dix véhicules" par jour. En 2019, un employé filmé en caméra discrète avait levé le voile sur certaines de ces pratiques. Il affirmait qu'il existait un bonus pour chaque enlèvement, à hauteur de "huit euros par véhicule", un prix défini par "le patron"

Ce dernier, Chafic Alywan, surnommé le "roi des fourrières", est mis en examen depuis décembre pour corruption. Ce quinquagénaire franco-libanais est incarcéré de manière préventive à la prison de la Santé, à Paris. "Il arrose un peu, dès que ça lui pose problème, il essaie", l'accuse Jamel Gouarir, un ancien salarié de l'entreprise, qui décrit un patron au management brutal et sûr de ses relations. "Il connaît bien Paris, il connaît du beau monde, que ce soit dans la police, en mairie. Tout le monde le connaît", assure-t-il. 

250.000 véhicules embarqués chaque année

Un ancien fonctionnaire de la préfecture des Hauts-de-Seine ainsi que quatre policiers sont également mis en examen dans cette affaire, soupçonnés d'avoir fermé les yeux sur les pratiques de la société, en échange d'argent ou d'avantages en nature. L'enquête sera longue car le "roi des fourrières" régnait sur plusieurs communes dans la banlieue ouest de Paris : Colombes, Levallois-Perret, Suresnes, Antony... Il assurait aussi l'enlèvement des voitures dans la moitié sud de la capitale. Chaque année, ce sont 250.000 véhicules qui étaient embarqués par sa structure, un marché de plusieurs millions d'euros qui a fait la fortune de Chafic Alywan, qui reste présumé innocent. 

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Son avocate conteste les différentes allégations qui pèsent contre son client. "Vous êtes en train de nous dire qu'ils seraient tous des pourris, que ce soit dans le 92, le 75, Paris et préfectures, peu importe", s'irrite Me Carole-Olivia Montenot. "Dans ce cas-là, cela signifierait que 150 personnes vont être mises en examen, ça n'a pas de sens. Pour moi, ce ne sont que des accusations basées uniquement sur des dires d'anciens salariés mécontents, c'est tout", estime-t-elle. 

Dans cette affaire tentaculaire, la police a déjà procédé à une dizaine d'interpellations et de gardes à vue. De son côté, la Ville de Paris s'est constituée partie civile et a diligenté une enquête interne.


M.L | Reportage TF1 Jérome Garro, Romane Rosso et Noélie Clerc

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