Le 20h

Faux testaments : comment près de 6 millions d'euros d'héritages auraient été détournés

par Virginie FAUROUX | Reportage TF1 Léa Merlier, Corinne Chevreton
Publié le 23 mars 2023 à 9h48, mis à jour le 27 mars 2023 à 18h12
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

Le procès s'est ouvert ce lundi dans l'Allier : neuf personnes, dont un ancien notaire, sont accusées d'avoir rédigé de faux testaments.
Près de six millions d'euros auraient ainsi été détournés à leur profit.
Le tout grâce à un système très bien rôdé.

De vieilles photos jaunies. Ce sont les seuls souvenirs que Ginette Rivoire, 96 ans, possède de son amie de toujours, Colette Gaty, décédée en avril 2012. "J'étais sa seule amie, ça fait plus de soixante ans. On ne se voyait plus aussi souvent, mais tous les dimanches, on se téléphonait", raconte-t-elle dans le reportage du 20H de TF1 ci-dessus. Quelques jours après sa mort, un homme affirme avoir reçu par la Poste un testament de Colette. Elle lègue tout son héritage, estimé à 1,2 million d'euros, à un certain Jean-Louis Magnin, dont Ginette n'a jamais entendu parler. 

"Il me dit qu'ils ont trouvé dans une boîte aux lettres un testament. Un testament dans une boîte aux lettres, c'était quand même bizarre. Non, elle n'a pas fait de testament, Colette. Ce n'est pas possible !" La vieille dame a des doutes, mais elle ne peut rien faire. Jean-Louis Magnin est en fait un ancien notaire, radié pour "abus de faiblesse" en 2004. Colette Gaty serait l'une de ses victimes. Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir détourné près de six millions d'euros de dizaines d'héritages. 

C'étaient des professionnels. Il n'y avait rien dans les dossiers qui m'indiquent qu'il y avait une fraude quelconque.

Alain Cauvel, ancien associé de Jean-Louis Magnin

Cet homme serait à la tête d'un système d'arnaques aux faux testaments pour lequel il comparait depuis ce lundi 27 mars auprès de huit autres prévenus. Et chacun y aurait eu son rôle. 

TF1

Parmi eux, un généalogiste, un avocat, un directeur d'Ehpad, ou encore un ancien associé. Son nom : Alain Cauvel. Pendant des années, Jean-Louis Magnin lui a fait approuver des dossiers de succession. "Il revient du jour au lendemain : 'bonjour à tous, j'aurais un dossier à faire, est-ce que tu veux t'en occuper ?'", raconte l'ancien associé dans le reportage de TF1. Une demande à laquelle il explique avoir répondu "oui" car il n'y voyait "rien de contraire aux bonnes mœurs ni à la légalité". Tous les documents semblaient en règle selon lui. "C'étaient des professionnels. Il n'y avait rien dans les dossiers m'indiqua nt qu'il y avait une fraude quelconque", ajoute Alain Cauvel. 

S'il n'a pas touché d'argent provenant des héritages captés, il a tout de même perçu des honoraires pour chaque dossier, mais il affirme avoir été manipulé. "Quel moyen il a de vérifier qu'un testament serait un faux ou un vrai ?", interroge son avocat, maître Florian Louard. "Il n'y a aucun moyen. Vous n'avez aucun élément de comparaison, d'écriture, de signature ou autres parce que très simplement, vous ne connaissez pas le défunt et vous n'en avez pas l'obligation légale".

Parmi les victimes, les pensionnaires d'un Ehpad

Au fil des investigations, les enquêteurs découvrent qu'un directeur d'Ehpad, Patrick H. serait impliqué dans le détournement d'héritages de plusieurs pensionnaires de ses établissements à Fréjus (Var). Martine Termine, mandataire judiciaire, s'occupait des formalités administratives de l'une des résidentes. À son décès, celle-ci déclare dans un testament qu'elle lègue sa fortune à plusieurs proches, mais quelques jours plus tard, Martine découvre un second testament en suivant les indications de Patrick H. Aux yeux de la loi, il pourrait annuler le premier. "Il s'est avéré que ça a fait la stupeur générale quand ce document est apparu. D'autant que c'était un nom étranger qui était indiqué comme bénéficiaire du testament", indique-t-elle. 

Ce mystérieux héritier est inconnu de la famille. Les proches demandent donc une expertise graphologique. Le résultat est formel : il s'agit d'"un faux grossier n'émanant pas de la main de la défunte et ne cherchant même pas à en imiter l'écriture". Patrick H. admettra plus tard avoir déposé lui-même le faux dans l'appartement de la défunte. Grâce à la vigilance de Martine, il n'est pas arrivé à ses fins cette fois-ci. Mais plusieurs autres pensionnaires auraient été victimes de ce stratagème. 

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Accusés "d'escroquerie et recel en bande organisée", Jean-Louis Magnin et les autres prévenus, qui comparaissent jusqu'à vendredi devant le tribunal de Cusset (Allier), encourent jusqu'à dix ans de prison. 


Virginie FAUROUX | Reportage TF1 Léa Merlier, Corinne Chevreton

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