Sept à Huit Life

Suicide d’Evaëlle : la prof de la collégienne harcelée répond aux accusations dans "Sept à Huit"

V. F
Publié le 7 juin 2021 à 9h50, mis à jour le 7 juin 2021 à 10h08
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Source : Sept à huit life

DRAME - Élève de 6ᵉ, Evaëlle s’est suicidée il y a deux ans à la veille des vacances scolaires. La jeune fille aurait été harcelée au collège notamment par sa professeure de français. Celle-ci a été mise en examen. Pour la première fois, elle répond aux accusations face aux caméras de "Sept à Huit".

Parce qu'elle ne supportait plus le harcèlement scolaire, Evaëlle, jeune collégienne de 11 ans, a mis fin à ses jours à Herblay (Val-d'Oise) le 21 juin 2019. Plus d'un an plus tard, fait rarissime, sa professeure de français a été mise en examen, avec interdiction d'exercer et une obligation de soins, ainsi que trois élèves de sixième, âgés de tout juste 11 ans.  

Depuis le drame, la douleur est toujours aussi vive pour ses parents. "Elle est rentrée comme d'habitude. On devait faire les valises pour partir le lendemain pour les grandes vacances. Elle est allée prendre sa douche, je l'entends encore aller dans sa chambre. Elle a dû rester 15 à 20 minutes toute seule. Et puis mon mari est allé lui apporter la panière de linge propre pour faire la valise, et là il l'a trouvé. Je l'ai entendu dire : 'mais qu'est-ce que tu as fait ?' Elle était dans ses bras, il essayait de défaire le nœud. Je l'ai aidé. On a appelé les secours, mais on nous a expliqué que c'était fini", raconte sa mère, étranglée par les sanglots, dans l'enquête de "Sept à Huit" en tête de cet article. 

"Tribunal populaire"

Le cauchemar d'Evaëlle, décrite comme "précoce et hypersensible" par ses parents, avait débuté dès la rentrée 2018. La jeune fille,  entrée en sixième dans un collège de cette ville pavillonnaire de 30.000 habitants, entretenait des relations parfois conflictuelles avec ses camarades. Ses parents s'en étaient rendus compte quand un soir de novembre, Evaëlle avait tenté de mettre le feu à une poutre dans leur cuisine. "Je vois des traces de flamme, donc on lui dit : 'tu te rends compte tout le monde peut mourir'. Et là elle m'a répondu : 'Mais non je veux juste mourir moi'. C'est là qu'elle nous dit que dans sa classe, ses camarades l'embêtent beaucoup", explique son père.

Les insultes, les brimades et les bousculades s'étaient répétées à de nombreuses reprises dans cette classe de sixième difficile obligeant le directeur à convoquer tous les parents d'élèves. À cette occasion, les parents d'Evaëlle avaient découvert que leur fille était aussi dans le collimateur de la professeure de français qui avait fait d'elle sa "tête de turc". L'adolescente avait particulièrement mal vécu deux séances de vie de classe spécialement dédiées à son cas, sur le thème : "Pourquoi Evaëlle se sent-elle harcelée ?". "Ça a viré au tribunal populaire", avait alors confié son père à l'AFP.

Le harcèlement dont leur fille était victime était monté d'un cran quand, un jour, un collégien était allé jusqu'à la pousser sur la chaussée quand arrivait le bus. Après cet incident, les parents avaient décidé de changer Evaëlle de collège. Malgré cela, la jeune fille, suivie alors par un psychologue, mettait fin à ses jours quatre mois plus tard. Le lien entre le harcèlement supposé et son suicide n'est pas établi. Selon l'enquête en cours, le jour du drame, elle aurait eu une embrouille avec son petit copain, ce qui aurait pu aussi précipiter son geste. 

Je n'ai jamais eu de problème avec Evaëlle. En revanche, je me suis rendue compte assez rapidement de certaines difficultés de cette enfant.

L'enseignante de français

Placée sous contrôle judiciaire, la professeure de français, soupçonnée de harcèlement, a décidé de s'exprimer pour la première fois sur cette affaire. Cette quinquagénaire expérimentée, enseignante de l'Éducation nationale depuis 33 ans, est désireuse de "laver son honneur", dit-elle. "Je n'ai jamais eu de problème avec Evaëlle", lâche-t-elle. "Je l'avais cinq heures par semaine. En revanche, je me suis rendue compte assez rapidement de certaines difficultés de cette enfant. Elle était à l'aise à l'oral, en difficulté à l'écrit, ce qui provoquait chez elle des accès de colère incontrôlables. Ce qui n'était pas facile", souligne-t-elle. Et de poursuivre : "En même temps, ce n'était pas un cas exceptionnel, mais il aurait fallu mettre en place un accompagnement adapté pour l'aider. C'est ce que j'ai proposé, mais c'est ce que la mère a refusé, et ce qui m'a effectivement amené à avoir des problèmes avec la mère d'Evaëlle"

La professeure conteste tout harcèlement. Elle nie également avoir consacré une heure de cours aux problèmes d'Evaëlle, ce que la fillette aurait ressenti comme une humiliation. "Ce jour-là, les élèves sont arrivés à mon cours extrêmement agités. Ils sortaient d'un cours d'EPS où une dispute avait eu lieu entre plusieurs élèves dont Evaëlle. J'ai voulu comprendre et je leur ai laissé la parole", reconnaît-elle. Malgré tout, certains anciens élèves rapportent des propos blessants, parfois limites et un enseignement à la baguette. "Elle nous avait rendu les copies d'une dictée où j'avais eu zéro et donc elle a montré ma copie devant la moitié de la classe, en montrant que j'avais eu une mauvaise note. Donc, je m'étais mise à pleurer en essayant de ne pas trop lui montrer", se rappelle l'une d'elle. "Elle nous traitait souvent de crétins, d'abrutis quand on avait des difficultés sur certains points ou quand on n'arrivait pas à travailler tout seul", renchérit un autre.

"Une forme de rigidité"

Evaëlle n'aurait pas été la seule à souffrir des propos de la professeure de français, une autre maman explique que son fils a sombré dans la dépression : "Dès le début de l'année scolaire, j'ai remarqué un comportement différent chez mon fils. Il avait l'air plus malheureux, plus distant. Et apparemment, il avait des petits soucis en  cours de français. Il s'agissait de petites phrases maladroites : tu es bête, tu es nul. Les six premiers mois, il pleurait tous les soirs. Ensuite, il s'est mis à pleurer carrément soir et matin", témoigne-t-elle au téléphone. Cette maman a aussi déposé plainte. 

Pour l'avocate des parents d'Evaëlle, l'enseignante aurait mis en place un système de mépris et d'humiliation. Professeure sadique ou enseignante stricte et sévère ? L'intéressée revendique ses méthodes pédagogiques : "Concernant ma façon de m'exprimer, évidemment que je peux entendre que selon la personnalité de certains élèves, un mot, une phrase peut, à un moment donné, être mal perçu et c'est normal. Être un professeur strict ne me semble pas être, surtout aujourd'hui, un défaut. On peut être stricte et à l'écoute des élèves. C'est d'ailleurs ce que les inspecteurs et les chefs d'établissement ont toujours souligné", lance-t-elle. De son côté, le rectorat de Versailles, qui a ouvert une enquête, a conclu à "une certaine forme de rigidité dans ses méthodes pédagogiques".

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La justice, elle, l'a mise en examen pour "harcèlement sur mineur de 15 ans", ainsi que pour "harcèlement" sur trois autres collégiens, après des plaintes qui ont toutes été déposées après le suicide d'Evaëlle. Le procès devrait se tenir d'ici à deux ans. Les parents d'Evaëlle espère des réponses, mais surtout des sanctions. La professeure risque trois ans de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende. Quant aux trois collégiens incriminés, ils ne pourront écoper que de mesures éducatives. 


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