Sept à huit

VIDÉO - " Il m'a mis mon sac de cours sur la tête" : l'enquête de "Sept à Huit" sur le "prédateur des bois"

par Virginie FAUROUX | Reportage "Sept à Huit"
Publié le 15 mai 2023 à 12h56
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Source : Sept à huit

Il aura fallu 24 ans pour arrêter en décembre dernier "le prédateur des bois", un sexagénaire accusé du viol de cinq jeunes filles entre 1998 et 2008.
L'homme a pu être démasqué grâce au FBI et à une recherche ADN unique en France.
"Sept à Huit" revient sur ce coup de filet hors normes avec de nombreux témoignages.

Il était surnommé par les enquêteurs "le prédateur des bois". Après 24 ans de traque, un homme soupçonné de viols en série commis sur des adolescentes entre 1998 et 2008 en Charente-Maritime et dans la région parisienne était démasqué en décembre dernier. Pourtant, pendant des années, les policiers français n'ont disposé que d'un portrait robot avec, pour seuls indices, un visage émacié et un regard perçant. 

Mais grâce à la mobilisation de trois services d'élite de la police et de la gendarmerie, de profileurs, et même du FBI - le service d'investigations américain -, les enquêteurs vont remonter dans la généalogie du violeur grâce à son empreinte génétique. Une première en France. Et finalement aboutir à un visage et une identité : Bruno L., 63 ans

Une fois qu'il a fait ce qu'il avait à faire, il a joué avec le couteau, il me l'a mis un petit peu au niveau de la gorge, il jouait avec.
Laura, 15 ans, victime du "prédateur des bois"

Tout commence en 1998, près de La Rochelle. Laura, 15 ans à l'époque, sort de son lycée. 500 mètres plus loin, un individu à bord d'une voiture l'interpelle. "Il a sorti un couteau et m'a forcé à monter dans la voiture (...) J'ai les genoux par terre, sur le sol de la voiture et il m'a mis mon sac de cours sur la tête", se rappelle la jeune fille dans la vidéo de "Sept à Huit à retrouver en tête de cet article (également en replay sur MyTF1). Puis, "on est entré dans une espèce de petit bois, de marais. Une fois qu'il a fait ce qu'il avait à faire, il a joué avec le couteau, il me l'a mis un petit peu au niveau de la gorge, il jouait avec. Moi, j'ai cru qu'il allait me trancher la gorge. J'ai vraiment cru ça", poursuit-elle, émue.

Deux ans plus tard, le 3 juillet 2000. Deuxième victime. Une jeune femme de 19 ans est violée dans un bois près de Versailles (Yvelines). Un garagiste est témoin de son enlèvement à un arrêt de bus. À l'époque, il parvient à livrer un élément important aux enquêteurs : un modèle de voiture. "C'était une R25 gris anthracite. On les connaît un peu, depuis le temps qu'on travaille dans la mécanique. Il manquait les deux baguettes de porte sur tout le côté gauche", précise-t-il. 

Entre 2000 et 2008, l'homme viole trois autres jeunes filles âgées de 15 à 19 ans. Sa dernière victime en 2008, s'appelle Elsa, 17 ans à l'époque. Pour la première fois, les enquêteurs vont obtenir une image du suspect grâce à la vidéosurveillance. Ils vont s'apercevoir que l'homme a un sang froid inouï puisque l'enlèvement de la jeune fille se produit dans un immeuble sécurisé où il y a du passage. Cependant, la mauvaise qualité de la vidéo ne permet pas de saisir nettement son visage. Seule caractéristique visible, il est grand et mesure entre 1,85 mètre et 1,90 mètre. Il aurait 45, 50 ans. 

Un seul et même ADN

En 2011, l'enquête se précise. Les deux policières de la Brigade de protection des mineurs en charge de l'enquête acquièrent une conviction en comparant le mode opératoire des cinq viols : il s'agit d'un seul et même homme. "Les lieux d'enlèvement sont assez proches et surtout les lieux de commission des faits, sont dans des forêts différentes, mais toutes situées dans l'Essonne", explique l'une d'elle. Les dizaines d'enquêteurs mobilisés s'accrochent également aux maigres indices matériels qu'ils ont pu recueillir, notamment les véhicules que le suspect utiliserait. Suite au témoignage du garagiste, ils se font communiquer la liste des propriétaires de R25 en 2000, mais ils sont près de 70 000. C'est là-encore une masse de données inexploitables. Le "prédateur des bois" reste un fantôme.

Les enquêteurs sollicitent alors une analyste comportementale, une profileuse, pour dresser un portrait robot psychologique du suspect. Premier constat, l'agresseur semble être un prédateur en proie à des pulsions agissant sans précautions particulières. "Ça ne lui a même pas sifflé près des oreilles, donc il est hyper tranquille. Il continue à partir à la chasse parce que je pense qu'il vadrouille pas mal. Il part à la chasse pour trouver une fille qui correspond à ses critères pour assouvir ses besoins. Il sait où il va l'emmener, et puis c'est tout", analyse-t-elle. 

Les enquêteurs disposent d'un autre indice, un seul et même ADN a été retrouvé sur les scènes de crime. Mais il ne correspond à aucun profil enregistré dans le fichier national des empreintes génétiques. De plus, aucun autre viol n'a été recensé depuis 2008. S'est-il arrêté de sévir ? La justice s'essouffle. Farès Aidel, l'avocat de Laura, la victime de La Rochelle, souligne néanmoins l'abnégation des enquêteurs, obsédés par ce cold case pendant plus de 20 ans. "Il a été envisagé de fermer ce dossier et il y a eu une volonté manifeste que ce ne soit pas le cas et d'aller au bout du bout de l'enquête et des investigations possibles", affirme-t-il. 

Une nouvelle technologie jamais utilisée en France

La solution va finalement venir de l'autre côté de l'Atlantique. En août 2021, la justice française lance une ultime tentative en sollicitant le FBI pour avoir recours à une nouvelle technologie jamais utilisée en France, la généalogie génétique. "Le FBI utilise en fait des bases de données qui sont établies par des sociétés privées. Aujourd'hui, lorsque vous allez sur Internet, vous pouvez demander à ce que votre ADN soit analysé. Pour quelques dizaines d'euros, un document vous est renvoyé où est indiquée votre origine viking ou italienne, ou si vous avez des cousins en Amérique du Nord... Ces banques de données, qui sont constituées par tous ces individus qui envoient leur ADN, vont former quelque chose d'extraordinairement riche pour la police", souligne le généticien et expert judiciaire Olivier Pascal. Depuis, un cold case serait résolu chaque semaine aux États-Unis grâce à cette méthode. 

Un échantillon ADN du "prédateur des bois" est ainsi transmis au FBI puis rentré dans les bases de données généalogiques. Quelques semaines plus tard, la police américaine informe les enquêteurs français qu'ils ont identifié un parent éloigné du suspect, un homme né en 1991, qui s'était inscrit sur un site spécialisé dans la recherche d'ancêtres. Commence alors un travail titanesque : la police judiciaire reconstitue son arbre généalogique à la recherche du suspect parmi tous les hommes de la famille. Et ça matche. Un individu semble avoir le profil du suspect : même fourchette d'âge, même lieu de résidence au moment des viols. Bruno L. est interpellé en région parisienne, le 15 décembre dernier, par la police judiciaire. Il reconnaîtra être l'auteur des cinq viols commis, avant d'être placé en détention provisoire. Les enquêteurs s'efforcent désormais de reconstituer son parcours de vie, notamment pour identifier d'éventuelles autres victimes. Toujours présumé innocent, il risque jusqu'à 30 ans de prison. 


Virginie FAUROUX | Reportage "Sept à Huit"

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