Marie a été étranglée le 12 avril 2022 par son mari, déjà condamné pour des violences commises sur son épouse.Pourquoi ce féminicide n'a-t-il pas pu être empêché malgré ces précédents ?"Sept à Huit" a mené l'enquête.
Le 12 avril 2022, le corps sans vie de Marie était retrouvé chez elle, dans le quartier de Villejean, à Rennes (Ille-et-Vilaine). Son époux Marco s'était rendu au commissariat quelques heures plus tôt, en état d'ébriété, et avait avoué l'avoir étranglée. La mort de cette femme de 45 ans, mère de quatre enfants, dont deux étaient présents dans l'appartement lors de son assassinat, avait suscité une vive émotion dans le quartier, où elle vivait depuis plus de quinze ans.
Son époux avait déjà été condamné par le passé, après des violences exercées sur Marie. En 2019, il avait écopé d'une peine de 18 mois de prison, dont 8 avec sursis. En liberté depuis juillet 2020, et sous le coup d'une interdiction de s'approcher de sa victime, il semblait avoir récemment repris la vie conjugale avec elle.
"Il ne va pas m'avoir, il ne peut pas m'avoir", avait assuré Marie à une de ses plus proches amies, Régine, qu'une équipe de "Sept à Huit" rencontre dans le reportage en tête de cet article. Ancienne cliente de Marie, qui avait sa propre entreprise de vente de perruques et de mèches, Régine venait d'apprendre qu'elle subissait régulièrement la jalousie et la violence de Marco, qu'elle avait épousé dix ans plus tôt. Dès 2013, un an après leur mariage, elle avait déposé une plainte pour violences par conjoint, finalement classée sans suite.
En 2019, Marie avait été hospitalisée, le visage lourdement tuméfié par les coups de son mari, un nouvel accès de violence entraînant la condamnation de celui-ci. Marco était connu dans le quartier comme un irascible et un violent, comme en témoignent d'anciennes relations. C'est après cette condamnation que la mère de famille avait pour la première fois parlé de la violence qu'elle subissait à ses proches.
C'est peut-être dans la détection de ces reprises de couple que l'on peut améliorer les choses
Philippe Astruc, procureur de la République
Pour le procureur de Rennes, il était difficile à la justice d'intervenir dans le contexte où se trouvait le couple lors du drame. Philippe Astruc explique, dans le reportage de "Sept à Huit", pourquoi Marco ne portait pas de bracelet "anti-rapprochement", et pourquoi Marie ne disposait pas d'un téléphone "grave danger". "On est dans une situation de reprise de la vie conjugale", rappelle le magistrat, "c'est vrai que ce ne sont pas des situations dans lesquelles on octroie ce type de dispositif, parce qu'il faut que la victime en soit demandeuse". Il reconnaît cependant que "c'est peut-être dans la détection de ces reprises de couple que l'on peut améliorer les choses", comme le réclament les associations féministes.
Toujours présumé innocent, Marco encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtre sur conjoint. Les deux fillettes du couple, âgées de huit et neuf ans au moment des faits, auraient été confiées à l'une de leurs grandes sœurs. Sur l'année 2022, 112 femmes ont été tuées en France par leur conjoint ou ex-conjoint.