VIDÉO - Assassinat de Shaïna : le témoignage déchirant de son frère dans "Sept à Huit"

Shaïna avait l'innocence de ses 15 ans. Sa chambre en est d'ailleurs le reflet : des rideaux roses, parsemés de grosses fleurs fuchsias, encadrent la fenêtre. Sur le bureau, une poupée à la chevelure blonde côtoie un dodo en peluche, tandis que sur le mur, un autocollant géant de Dora l'exploratrice nous rappelle que cette jeune fille, sauvagement assassinée, n'était encore qu'une enfant. C'est dans cette pièce, gardée intacte depuis le drame, que Yassin Hansye, son frère aîné, a accepté de se poser un instant pour raconter à Audrey Crespo-Mara le cauchemar vécu par sa petite sœur. 

Tout commence avec le premier petit ami de Shaïna, elle a alors 13 ans. "Aux alentours de 16, 17 heures, on ne voyait pas ma sœur à la maison, on trouvait ça très étrange. Du coup, on a décidé de l'appeler, pensant qu'elle avait un peu de retard. Ça ne sonnait pas, on insiste jusqu'à qu'on entende des voix d'hommes qui répondaient à l'appel et qui raccrochaient. Puis, on croise sa meilleure amie qui nous explique que Shaïna vient de se faire violer", détaille Yassin. Il poursuit : "Je croise un ami d'enfance qui me dit que Shaïna est à un arrêt de bus et là, je découvre ma sœur en pleur. Elle avait plein de marques sur le visage, elle avait des habits déchirés et sur ses bras, elle avait des bleus. Elle était en état de choc, elle ne parlait pas, elle était méconnaissable", dit-il. 

Shaïna vient d'être abusée par plusieurs garçons dans une clinique désaffectée de sa cité de Creil (Oise). Tout a été filmé et fait le tour de son quartier. "Dans ces moments-là, la colère s'installe vite, mais on a reçu une bonne éducation, du coup, on fait confiance en la justice. On est donc parti au commissariat pour porter plainte", ajoute le jeune homme. Shaïna pense alors que cela va suffire à la protéger, mais ce ne sera pas le cas, bien au contraire. Elle reçoit des menaces et doit désormais affronter une réputation de fille facile. "Ils avaient des photos et vidéos de ma sœur et ont utilisé les réseaux sociaux", précise Yassin.

Pour calmer cette situation qui ronge la jeune fille, la poussant à rester des heures dans le noir, et surtout, "pour qu'elle ne croise plus ses agresseurs", sa famille décide de la changer de collège. "Rendez-vous compte, à cet âge-là, perdre tous ses amis, être déscolarisée, aller dans une nouvelle ville où tu ne connais personne, sachant qu'il y a une procédure judiciaire, que tu es victime d'un viol, elle a été forte quand même", estime son grand frère, qui tente à ce moment-là, tant bien que mal, de la protéger. "Je ramenais tous les jours ma petite sœur au collège, je faisais la route aller-retour tous les jours", assure-t-il. 

Mais un jour, son ex-petit ami, qui continue de lui en vouloir de l'avoir dénoncé, la retrouve. "Le seul moment où on la laisse sortir, malheur", lance le jeune homme. "Elle est sortie dans un parc à côté et ses agresseurs ont vu Shaïna de loin et l'ont passé à tabac. Je la retrouve inconsciente sur un banc, elle porte des traces sur le visage, ils lui ont mis des coups de béquille, l'ont frappé au visage à coups de pied. Ils se sont aussi vantés de lui avoir mis un pénalty dans la bouche parce qu'elle avait parlé", se remémore-t-il. Le jeune homme est abasourdi. "On ne savait pas que c'était possible, ses agresseurs étaient mis en examen avec une interdiction de se rapprocher. Je me suis dit : 'pourquoi la justice ne fait rien ?'". 

Pourtant, Yassin ne sait pas encore que ce n'est que le premier acte du calvaire de Shaïna. Quelques mois après son passage à tabac, la jeune fille a un nouveau petit ami. "J'apprends par la suite que ce garçon-là connaissait la réputation de ma petite sœur à l'époque, et c'est pour ça qu'il tente de se rapprocher d'elle", explique-t-il. Mais il est déjà trop tard, Shaïna est tombée enceinte de lui. Et les choses s'enveniment. "Pour lui, il était inconcevable d'avoir mis enceinte une pute. C'est ce qu'il dit. Il voulait juste profiter de ma sœur pour avoir des relations sexuelles", dénonce Yassin. Ce jour-là, les deux adolescents échangent plus de 120 SMS en une heure, puis la jeune fille lui aurait donné rendez-vous dans un cabanon où ils avaient l'habitude de se retrouver. "Elle quitte la maison sans nous en parler. La connaissant, elle pensait que c'était simplement une rencontre pour discuter de la grossesse et elle allait rentrer aussitôt", admet son frère. 

Sauf que le lendemain, au réveil, la chambre de Shaïna est désespérément vide, et l'inquiétude grandit. "On a essayé de la joindre, on n'a jamais eu de réponse", se souvient Yassin la gorge nouée. Et puis une rumeur enfle, Yassin reçoit des messages. "Ils me disent qu'on a retrouvé le corps calciné d'une jeune fille et que c'est ma sœur Shaïna", détaille-t-il. Le jeune homme arrive sur les lieux, il est aussitôt frappé par une image qui le "hante énormément" : un policier fait remonter la fermeture éclair d'un sac mortuaire. À ce moment-là, il ne sait pas encore que c'est sa petite sœur qui repose à l'intérieur. Mais deux questions vont finir d'achever ce terrible suspens. "On me dit : 'votre sœur, avait-elle un appareil dentaire en bas ? Est-ce qu'elle portait une bague en or ?'". Le cœur de Yassin se met alors à battre un peu plus vite. "Là, je réalise que quelqu'un a tué ma petite sœur", lâche-t-il dans un souffle. 

La jeune fille a été poignardée de plusieurs coups de couteaux dans l'abdomen avant d'être brûlée vive. "Brûlée vive à 15 ans", insiste Yassin en faisant tourner autour de son doigt la bague en or de sa sœur, totalement noircie. Unique symbole de l'enfer qu'a vécu Shaïna. Aujourd'hui, sa famille attend une réponse ferme de la justice alors que le procès de son assassin présumé, 17 ans au moment des faits, s'ouvre ce lundi 5 juin devant la cour d'assises des mineurs de l'Oise. "Si ma petite sœur obtient justice, je pourrai peut-être enfin tourner la page. Et essayer de reprendre goût à la vie", espère-t-il, avant de conclure : "Ça me fait du bien de parler d'elle. Il ne me reste que ça, des souvenirs...".