Près de trois mois après la disparition de sa femme Karine Esquivillon-Pialle, Michel Pialle est passé aux aveux.Il a reconnu la semaine dernière avoir tué son épouse, après avoir longtemps défendu la thèse d'un départ volontaire.La fille aînée du couple, Eva-Louise, et l'un de ses demi-frères, Thomas, ont accepté de se confier devant les caméras du 20H de TF1.
Dès les premiers instants, le soupçon s'est installé. Fin mars, Karine Esquivillon-Pialle, mère de famille vendéenne, a disparu depuis plusieurs jours déjà quand son mari Michel Pialle prévient ses enfants que la quinquagénaire s'est volatilisée. Un départ volontaire, affirme-t-il, sans convaincre. "Soit c'était lui qui avait commis l'irréparable, soit il savait quelque chose qui aurait pu faire avancer l'enquête, savoir où elle était. Il le savait", assure l'une des filles du couple, Eva-Louise. "C'était l'élément clé", abonde son demi-frère Thomas. Tous deux ont accepté de témoigner dans un entretien accordé à notre journaliste Maurine Bajac, à retrouver dans la vidéo du 20H de TF1 ci-dessus, et plus en longueur ici. Après près de trois mois de mystère, leurs intuitions se sont confirmées : Michel Pialle a avoué vendredi dernier avoir tué sa femme.
Durant de longues semaines, l'homme de 51 ans avait pourtant martelé sans relâche, auprès de ses proches et dans les médias, que son épouse était partie volontairement du domicile conjugal de la commune de Maché, sans prévenir ses cinq enfants - deux issus de son précédent mariage, dont l'aîné est Thomas, et trois de son union avec Michel Pialle, dont l'aînée est Eva-Louise. Un récit rapidement mis en doute par les deux grands enfants, âgés respectivement de 32 et 20 ans, à cause d'incohérences entre les différentes versions qu'il leur livrait. Et ce, dès l'annonce de la disparition de la mère de famille.
Une éprouvante "stratégie" pour dévoiler la vérité
Eva-Louise se souvient exactement de l'appel que lui passe alors son père, dans un inquiétant "calme olympien", tandis qu'elle bascule rapidement dans "l'incompréhension totale". "Il me dit : 'ta mère est partie'", raconte-t-elle. "Tout de suite, je me suis dit qu'il s'était passé quelque chose. (...) Ça pue, ce n’est pas normal. Il y a quelque chose qu’on a raté, qu’il ne nous dit pas, qui ne va pas. Cela ne ressemblait pas du tout à elle", rembobine la jeune femme, stoïque malgré la douleur. En dépit de cette "intime conviction", elle décide de pousser Michel Pialle dans ses retranchements, de découvrir des failles dans son récit. Pour cela, elle fait mine de le soutenir lors de la seule interview accordée après la disparition de sa mère : "Je l'ai défendu pour le mettre en confiance, qu'il se dise invincible dans son mensonge et qu'il aille encore plus loin dans ce mensonge."
Cette "stratégie" finit par porter ses fruits : son père "prend confiance" et se répand en détails, "qui se contredisaient totalement". "Pendant deux mois et demi, c'était un rôle d’agent double", poursuit Eva-Louise. Une épreuve de chaque instant : chaque jour, elle parle à son père au téléphone, il donne des interviews et demande même à ses cadets, deux adolescents, de préparer un cadeau de fête des Mères et le poste en ligne... "J'avais envie de lui hurler dessus", mais à ce moment-là, "il faut se retenir" pour réussir à "le mettre dans une confiance absolue et qu'il lâche prise, qu'il craque", déroule la jeune femme.
Il aura fallu de longues semaines de calvaire pour que Michel Pialle finisse en effet par livrer la vérité. La semaine passée, ce tireur sportif, qui possédait plusieurs armes à feu à son domicile, a finalement avoué aux enquêteurs avoir tué son épouse d'un tir de carabine. Il a aussi révélé l'emplacement du corps, déposé dans un bois. Pour les enfants, l'espoir qu'ils conservaient malgré tout de revoir leur mère en vie s'éteint, et dans les heures qui suivent ces aveux, ils "s'effondrent". "La réalité nous a rattrapés", se souvient Eva-Louise. Mais c'est aussi le "soulagement de savoir" enfin, et de pouvoir retrouver le corps de leur mère pour réaliser ses obsèques, explique la jeune femme, qui appelle désormais son père "Michel" et non plus "Papa". "On devient orphelin : on perd notre mère, on perd aussi un père aussi dans tout ça", ajoute-t-elle.
Un manipulateur "psychologiquement très fort"
La fratrie reste toutefois persuadée qu'elle n'aura jamais accès à la vérité complète sur la mort de leur mère. Mis en examen vendredi pour "meurtre par conjoint" et écroué, Michel Pialle a affirmé que le coup de fusil était parti accidentellement alors qu'il nettoyait et prenait en photo une arme. "Je n'y crois pas du tout. Il a toujours menti, pourquoi il ne le ferait pas aussi là-dessus ?", s'interroge Thomas. "Quand on nettoie une arme, elle ne doit pas être chargée. Et pourquoi avait-elle un silencieux ?", lance-t-il aussi, expliquant par ailleurs que sa mère, "très peureuse des armes", n'aurait pas pu passer dans la pièce à ce moment-là. Pour lui, Karine Pialle aurait possiblement "appris quelque chose" sur son mari et aurait voulu le révéler aux gendarmes, "et peut-être que c'est là que ça a vrillé".
À ses yeux, un mensonge de plus n'aurait rien d'étonnant, au vu du profil de "gros mythomane" de son beau-père au passé judiciaire chargé, notamment à cause d'escroqueries. Thomas décrit aussi un manipulateur "psychologiquement très fort". "Il avait besoin de tout contrôler, à la maison, il contrôlait les téléphones, mais aussi avec qui (Karine) sortait, et même les enfants", affirme-t-il, décrivant "une forme d'emprise" et "énormément de violences psychologiques". Tout au long de la disparition de son épouse, "j’ai l’impression qu’il a pris du plaisir à nous mentir et ça me rend fou", confie le trentenaire.
J’ai hâte de regarder l’homme qui a tué ma mère. Je ne baisserai jamais le regard face à lui. J’aurai la tête haute comme maman l'aurait eu
Eva-Louise, fille de Karine et Michel Pialle
Pour l'heure, aucun proche de Karine Pialle n'a encore pu échanger avec Michel Pialle, mais le frère et la sœur attendent de pied ferme de pouvoir "l'affronter". "J’ai hâte de regarder l’homme qui a tué ma mère, de le voir au grand jour, je ne baisserai jamais le regard face à lui. J’aurai la tête haute comme maman l'aurait eue", proclame Eva-Louise. "Pouvoir lui dire : 'tu ne seras plus mon père, du moment où tu as commis cet acte-là, tu ne l’étais plus'."
La fratrie veut aussi montrer son union, elle que le drame a "soudée" et "scellée" à jamais. "Il ne nous a pas éloignés, il nous a rapprochés plus qu’autre chose", assure Thomas. Et de la justice, il espère un verdict "sans pitié", qui puisse leur assurer que Michel Pialle "passera le reste de sa vie en prison". "Qu’il prenne le maximum et ne ressorte plus jamais", lâche le jeune homme.
Une marche blanche ouverte à tous est prévue le samedi 1ᵉʳ juillet à Maché, pour rendre un dernier hommage à leur mère, une femme "magnifique, pétillante, créative". Mais aussi, avec elle, à toutes les femmes victimes de violences, dans l'espoir de sensibiliser au fléau des féminicides. "On n'a pas pu sauver maman, mais on va peut-être aider certaines femmes par toute cette histoire-là", confie Eva-Louise. "C’est un message à faire passer, c’est important, parce que c’est la 59e femme depuis le début de l'année qui meurt sous coups de son conjoint", souligne son frère. "On est dans un monde de fous."