VIDÉO - Assia, prostituée à 14 ans : sa mère raconte son combat pour la sortir de l'enfer

par Virginie FAUROUX | Reportage TF1 Maurine Bajac, Quentin Danjou
Publié le 22 mars 2023 à 10h45, mis à jour le 22 mars 2023 à 16h01

Source : JT 20h Semaine

Ce lundi 27 mars s'ouvrira à Pontoise le procès du proxénète d'Assia, accusé de l'avoir prostituée alors qu'elle n'avait que 14 ans.
Une étape douloureuse pour la mère de la victime, qui s'est battue sans relâche pour sortir sa fille de ses griffes.
Elle témoigne auprès de TF1.

"Je me suis sentie seule, incomprise de la justice, de la police, des services sociaux", s'insurge Jennifer Pailhé, qui a tiré sa fille mineure de l'enfer de la prostitution. La jeune femme a tout enduré pour tenter de la sauver, avec acharnement et détermination : rechercher des annonces d'escort, aller sur les lieux de passe, visionner des films X, sans aucune aide des institutions. Ado, Assia est placée dans un lieu de vie en Charente, car sa mère, qui l'a eue très jeune, n'a pas "d'équilibre familial" suffisant pour s'en occuper, selon les services sociaux.

"C'est pourtant là que tout a commencé, raconte-t-elle. Je n'arrivais plus à la joindre. Comme je lui avais offert son premier téléphone et créé sa boîte mail, j'avais tous ses mots de passe, du coup, je me suis mise à fouiller dans ses messages". Jennifer tombe alors sur des sites d'annonces où sa fille propose ses services d'escort girl. "Je vois tout de suite les messages avec les clients, des photos, sa grille tarifaire, ses pratiques. On lit : 'avec protection, sans protection'. Ça me dégoute, mais à ce moment-là, je n'ai pas conscience qu'elle est sous emprise, qu'elle n'est pas volontaire. Je ressens de la honte, du dégoût, je me demande si je pourrais la regarder encore un jour dans les yeux", affirme-t-elle dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article, une interview dont nous retranscrivons les propos plus en longueur ici.

Elle est pleine de bleus, d'hématomes et d'ecchymoses dus à des mauvais traitements (...) Elle a une tuberculose latente, une gingivite nécrosée aiguë. Elle a la gale.
Jennifer Pailhé

À ce moment-là, Assia n'a que 14 ans et elle a fugué de son lieu d'accueil. Elle est partie rejoindre son petit copain à Paris et tombe dans le piège de la prostitution. "Je ne pouvais pas faire grand-chose, du coup, j'ai alerté les services sociaux. J'apprends qu'elle est également déscolarisée. Mais rien de plus. La famille d'accueil a juste déclaré la fugue et on ne la cherche pas. C'est moi qui vais le faire", lâche la jeune femme. Cela lui prendra un an. Un véritable travail d'enquêteurs. 

En surfant sur les réseaux sociaux, Jennifer tombe sur une photo de son enfant, ses fesses en gros plan. Elle prend alors des captures d'écran, alerte les forces de l'ordre dans différents départements, qui n'interviennent pas. "Ils disaient qu'elle agissait de son plein gré", témoigne-t-elle. Mais la jeune femme ne se démonte pas. Grâce au décor qu'elle aperçoit dans le fond, elle va retrouver le lieu où Assia se prostitue, un hôtel où elle est séquestrée par son petit ami. 

L'adolescente est dans un sale état. "Elle est pleine de bleus, d'hématomes et d'ecchymoses dus à des mauvais traitements. Et puis, elle a changé physiquement, elle a beaucoup grossi. Elle a des cernes, elle sent mauvais, elle n'a aucune hygiène. Elle a une tuberculose latente, une gingivite nécrosée aiguë. Elle a la gale. Elle est sous trithérapie", égrène sa mère, contente, mais aussi apeurée de retrouver sa fille dans un tel état. "J'ai mal de la voir comme ça et je ne sais pas quoi faire, à part la prendre dans mes bras", ajoute-t-elle. Pendant deux mois, Jennifer tente de retrouver une vie normale avec elle, même si Assia se mure dans le silence quant à son passé. 

Entre 7.000 et 10.000 mineurs concernés par la prostitution

Mais l'emprise du proxénète est trop forte, elle fugue à nouveau. Sa mère finira par la récupérer. En vain, elle repartira une seconde fois. "Pour la police, si elle y retournait, c'est qu'elle était volontaire, ils ne comprenaient pas le processus d'emprise", observe Jennifer qui, "comme une évidence", a créé une association pour les parents : Nos Ados Oubliés. "Je me dis qu'il faut lâcher prise, mais je ne peux pas. C'est une victime", explique la mère, qui ira jusqu'à se mettre en danger, menacée par le proxénète d'Assia. L'adolescente finira par rentrer chez elle, enceinte d'un client. Son proxénète, lui, a été interpellé et placé sous mandat de dépôt. Il attend son procès pour "viol, violences, prostitution aggravée et séquestration" qui s'ouvre ce lundi 27 mars à Pontoise.

"J'ai la haine contre lui, même encore aujourd'hui, quelle que soit sa condamnation", assure Jennifer. Elle ne tournera jamais la page. "On s'est permis d'infliger à mon enfant quelque chose qu'elle va porter toute sa vie. Et on m'a envoyé des images où j'ai vu ma fille dans des pratiques tarifées en direct que je ne peux pas oublier. J'en fais des cauchemars. Comment on peut oublier ces images-là ?", interroge-t-elle. La mère de famille aimerait aujourd'hui que de la prévention soit faite auprès des jeunes et des parents, pour les mettre en garde contre l'engrenage de la prostitution et les dangers d'internet, et auprès des forces de l'ordre et la justice. 

"C'est tellement tabou et on a un sentiment de honte d'être confronté à ça, donc on s'isole. Or, on a besoin d'être accompagné. Car il y a la mineure qui est victime, mais aussi toute la famille. Tout le monde est confronté à cette problématique au sein du foyer", insiste Jennifer, qui suit aujourd'hui 187 familles à Toulouse, confrontées à ce combat.

Selon le gouvernement, entre 7.000 et 10.000 mineurs sont concernés en France par la prostitution. Un phénomène qui touche surtout des jeunes filles, âgées de 15 à 17 ans, entrées dans la prostitution de plus en plus tôt : entre 14 et 15 ans pour plus de la moitié d'entre elles.


Virginie FAUROUX | Reportage TF1 Maurine Bajac, Quentin Danjou

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