ENQUÊTE TF1 - Police et gendarmerie : la grande démission

par E.R. A. Bourdaria, S. Petit, F. Petit
Publié le 3 juin 2023 à 22h37

Source : JT 20h WE

Depuis quatre ans, la police et la gendarmerie enregistrent une hausse constante des départs, selon la Cour des comptes.
Si certains ont décidé de changer drastiquement de carrière, d'autres ont préféré rester dans le domaine de la sécurité publique.
De leur côté, les directions relativisent les chiffres et assurent remplir leurs objectifs de recrutement.

Alors que 600 jeunes diplômés prêts à entamer leur carrière dans la police nationale ont été reçus par le ministre de l'Intérieur lui-même la semaine dernière dans la cour de la Préfecture de police de Paris, l'institution connaît en parallèle, comme la gendarmerie, une forte augmentation des démissions. 

De la police à la location de canoës

Fabien avait 22 ans quand il a rejoint les rangs de la police. "C'était un chouette moment de fierté et d'émotion pour toute la famille", se souvient-il. L'année dernière, il a décidé de tout quitter pour louer des canoës près de Carcassonne. Un changement de vie radical, très loin des commissariats. "La décision de partir, ça a été la plus dure de ma carrière, car c'est un idéal, une passion, de l'investissement", assure-t-il. 

Justement, c'est cette passion qui a disparu après 14 ans de carrière dans une brigade prestigieuse de lutte contre les stupéfiants. Il se dit notamment dégoûté par le manque de moyens des policiers et une charge de travail harassante. "Vu que les policiers sont déconnectés des attentes des citoyens, ça créé des tensions, des animosités, c'est des semaines qui peuvent osciller entre 40 et 80 heures en fonction de l'activité, et des conditions de travail qui sont assez compliquées, par exemple au commissariat on avait une voiture pour 23 enquêteurs, ça a été un package", explique l'ancien policier qui se dit "très content d'avoir quitté la police depuis". 

Un rapport pointe un "nombre de départs record", la police relativise

Cette perte de sens pousse de plus en plus d'agents à démissionner. Dans un rapport publié en avril dernier, la Cour des comptes évoque une hausse constante des départs depuis quatre ans qui s'élève à +33% dans les rangs de la police nationale, et à +25% dans ceux de la gendarmerie. 

"Le record du nombre de départs au sein de la police et de la gendarmerie a été battu en 2021, puis de nouveau dépassé en 2022, témoignant d’un phénomène de fond installé depuis la fin de la crise sanitaire" écrit-elle, déplorant une situation "sous-estimée depuis plusieurs années par les responsables de programme".

La direction générale de la police nationale relativise ces chiffres et affirme qu'il s'agit au global d'une part infime de ses effectifs. "On est loin d'un grand départ en police nationale, nous avons effectivement une légère hausse des départs mais qui correspond à 1% des personnels de la police nationale", assure Sonia Fibleuil, porte-parole de la police nationale, avant de poursuivre :"Par contre ça n'est pas un satisfecit, nous expliquons ces chiffres et nous sommes vigilants pour pouvoir toujours être attractifs."

Des agents reconvertis dans la sécurité publique

Si certains agents démissionnaires changent totalement de vie, comme Fabien, une partie ne quitte pas le secteur de la sécurité publique. C'est le cas des deux policiers municipaux engagés par la mairie de Neuville-en-Ferrain (Nord) qui sont des anciens gendarmes. 

Après huit ans de carrière, Geoffrey a quitté la gendarmerie à contrecœur après s'être vu refusé une demande de mutation. "Si elle avait été acceptée, je serais encore gendarme, sans aucun doute", assure-t-il.

Robert aussi adorait son métier de gendarme. Mais après 11 ans de vie en caserne il a été attiré par des horaires bien plus flexibles pour un salaire équivalent à celui qu'il avait en gendarmerie. "Les polices municipales sont en plein essor, elles se développent, on est bien équipés, les mairies nous considèrent bien et on nous donne de plus en plus de vraies missions de police secours", se réjouit l'agent de police.

Malgré la hausse des démissions, les directions de la gendarmerie et de la police nationale assurent remplir largement leur objectif de recrutement. D'ici à l'année prochaine, 8500 agents doivent rejoindre leurs rangs, notamment pour répondre aux défis sécuritaires de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques.


E.R. A. Bourdaria, S. Petit, F. Petit

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