Le domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, a été attaqué pendant la nuit par une voiture bélier, qui a ensuite été incendiée.Depuis le début des violences urbaines qui ébranlent depuis plusieurs jours de nombreuses villes françaises, les maires se retrouvent directement confrontés à cette brutalité.Certains d'entre eux sont même personnellement visés par des agressions et dégradations.
"Cette nuit, un cap a été franchi dans l'horreur et l'ignominie." Tôt ce dimanche matin, le maire LR de L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, a réagi à vif dans un court communiqué, après qu'un groupe d'individus ont attaqué son domicile dans la nuit à la voiture bélier. Le véhicule a été projeté contre le portail de la propriété de Vincent Jeanbrun, avant d'être incendié. L'édile se trouvait à la mairie, mais sa femme et ses enfants "dormaient" alors à l'intérieur de la maison. Si l'attaque est particulièrement violente, ce n'est pas la première fois que des élus sont pris pour cible depuis le début des violences urbaines, qui secouent la France depuis la mort d'un adolescent de 17 ans tué par un policier mardi à Nanterre, lors d'un contrôle routier.
À L'Haÿ-les-Roses, c'est vers 1h30 que le véhicule bélier s'est élancé dans la propriété du maire avant d'être incendié, réveillant son épouse et ses deux enfants de cinq et sept ans. Il semble avoir été "stoppé net par un muret", sans atteindre la maison, a expliqué ce dimanche matin Stéphane Hardouin, procureur de la République de Créteil. Les enquêteurs présument que le véhicule a été "lancé pour brûler le pavillon". En prenant la fuite, la famille de l'élu a été ciblée par des tirs de mortiers d'artifice. Sa femme a été touchée à la jambe, une "blessure assez sérieuse" puisque son "tibia serait cassé", a relevé Stéphane Hardouin. Une enquête a été ouverte pour tentative d'assassinat et la police judiciaire saisie. Vincent Jeanbrun, par ailleurs porte-parole de LR, a fustigé de son côté "une tentative d'assassinat d'une lâcheté inqualifiable".
Invité du 13H de TF1, David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l'Association des Maires de France (AMF), a condamné ces agissements et salué un "excellent et courageux maire". Appelant à "faire respecter la République", il a invité à un rassemblement devant toutes les mairies lundi à 12h, en signe de soutien aux élus touchés.
Attaque physique, véhicules incendiés, maison ravagée...
Samedi, Vincent Jeanbrun livrait déjà ses inquiétudes sur LCI, confiant avoir fait l'objet de menaces et avoir eu "peur pour la première fois de (sa) vie" pour ses proches depuis le début de ces violences urbaines, sans pouvoir alors imaginer la nuit qui l'attendait. L'édile avait notamment évoqué l'agression subie par l'une de ses "collègues", la maire de Pontoise, dans le Val-d'Oise. Stéphanie Von Euw (Libres !) a en effet affirmé vendredi sur Europe 1 que des individus l'avaient violemment attaquée la veille, alors qu'elle se trouvait à bord de sa voiture, après avoir constaté les dégâts de l'incendie d'un théâtre. "À ce moment-là, ils m’ont reconnue", a-t-elle raconté à la radio. "J'ai eu le droit aux feux d'artifice, c'est le cas de le dire."
Je les ai entendus dire : 'C’est la maire, c’est la maire, on va se la faire'
Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise
Selon elle, son véhicule s'est retrouvé sous une pluie de tirs de mortiers. "La voiture a été littéralement bombardée. (...) Ensuite, deux émeutiers ont sauté sur la voiture et ont commencé à la cabosser. Je les ai entendus dire : 'C’est la maire, c’est la maire, on va se la faire'", a-t-elle déroulé, dénonçant "une volonté de faire mal, très mal, et pas seulement de détruire". Stéphanie Von Euw a finalement réussi à se dégager en "marche arrière", mais elle ne s'en est pas sortie indemne : selon Actu.fr, elle souffre désormais d'acouphènes à l'oreille droite et a eu la cheville droite légèrement brûlée, même si la municipalité a assuré qu'elle "se porte bien". L'élue a annoncé vouloir déposer plainte, d'après Le Parisien.
Plusieurs autres maires ont été directement pris à partie pendant les violences. La nuit dernière, le véhicule de fonction du maire de La Riche, près de Tours en Indre-et-Loire, a subi un début d'incendie, a appris l'AFP de source policière. Dans le même secteur, le véhicule de l'édile DVD de Saint-Pierre-des-Corps avait aussi été pris pour cible quelques jours plus tôt. Dans une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux dans la nuit de jeudi à vendredi, à retrouver en tête d'article, on aperçoit Emmanuel François se diriger impuissant vers sa voiture en flammes, tandis que plusieurs individus l'entourent et l'insultent, et que l'un d'entre eux saute même sur le pare-brise. Dans le département voisin du Maine-et-Loire, à Cholet, le maire Gilles Bourdouleix (DVD) a affirmé sur Twitter que son précédent domicile avait été "saccagé". "Tout a été détruit gratuitement", a-t-il fustigé.
"La fin d'un état de grâce"
Du côté de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, le maire LR Boris Ravignon a quant à lui essuyé des jets de bouteilles dans la nuit de vendredi à samedi, alors qu'il tentait d'éteindre un feu de poubelles, avec plusieurs autres élus. Aucun d'entre eux n'a été blessé, mais l'édile a porté plainte. Invité ce dimanche matin sur LCI, il a affirmé n'avoir jamais été agressé avant cet évènement. "Les maires ont été longtemps protégés de l'insécurité par leur statut, mais ce que nous vivons aujourd'hui c'est la fin de cet état de grâce", a-t-il analysé dans la vidéo ci-dessous. Revenant sur l'attaque contre le domicile de l'édile de l'Haÿ-les-Roses, il a aussi reconnu que celle-ci lui faisait "froid dans le dos". "On vit dans nos villes, beaucoup d'habitants savent à quel endroit nous vivons, avec notre famille et nos enfants. Voir que ces informations-là peuvent servir à tenter de porter atteinte à la vie de ses proches, c'est terriblement inquiétant et effrayant", a-t-il lâché.
Au-delà des atteintes directes contre des maires, leurs proches ou leurs propriétés, c'est aussi le symbole de leurs fonctions qui a été pris pour cible, à savoir les mairies. Au total, "147 mairies ou bâtiments municipaux ont été attaqués ces dernières heures, une première dans l'histoire du pays", a insisté sur TF1 David Lisnard.
Dans le Val-d'Oise, la mairie de Persan a été incendiée dans la nuit de vendredi à samedi. Dans le même département, du côté de Sannois, le maire DVD Bernard Jamet s'est lui-même interposé devant l'entrée de la mairie pour empêcher de jeunes individus de s'en prendre au bâtiment. Planté devant l'édifice, l'élu a évité de justesse des tirs de mortiers qui explosaient à quelques mètres de là. "J’ai crié très fort : Pas la mairie, pas la mairie ! J’ai bousculé un jeune. Un autre a dit 'C’est le maire !'. Ça a déclenché une envolée de moineaux, et la police est arrivée", a-t-il raconté au Parisien. "Clairement, si je ne suis pas là à ce moment-là, la mairie brûle. Il s’en est fallu de quelques secondes."
En réponse, le gouvernement affirme être à l'écoute des élus, et a apporté son soutien à l'édile de L'Haÿ-les-Roses. "Aucun maire ne sera laissé seul", a assuré la Première ministre Elisabeth Borne venue sur place, aux côtés du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. De très nombreuses personnalités politiques de l'opposition ont également adressé un message de soutien à l'élu après l'attaque de son domicile. Depuis plusieurs mois déjà, le fléau des violences contre les élus a été mis en lumière, suite à la démission en mai de l'édile de Saint-Brévin-les-Pins, en Loire-Atlantique, après l'incendie de son domicile.