À LA LOUPE – Relayée par de nombreux médias français et internationaux, cette température record n'a en réalité pas été enregistrée par une station météo fiable. Ce qui n'empêche pas le réchauffement climatique de sévir en Antarctique.
Du Royaume-Uni à l'Australie, de la Norvège au Chili, en passant par le Nigéria ou le Japon, les médias ont relayé dans le monde entier l'annonce d'un record de température en Antarctique le 13 février. En France aussi, de nombreuses publications - y compris LCI - ont partagé les conclusions de Carlos Schaefer, ce scientifique brésilien spécialiste du permafrost.
Ce dernier affirme - avec son équipe de chercheurs - avoir enregistré une température supérieure à 20 degrés, une première à l'échelle du continent le plus méridional du globe. "Nous n'avons jamais vu une température aussi élevée en Antarctique", a-t-il affirmé.
La fiabilité des mesures remises en question
Les conclusions de Schaefer ont été partagées par la jeune activiste Greta Thunberg ce qui a contribué à leurs diffusions, sans que les données présentées par l'équipe brésilienne ne soient remises en cause. Quelques voix discordantes se sont pourtant élevées, d'aucuns criant même à la fake news. C'est le cas de la page Facebook "Géoclimat", dont l'administrateur a publié un long message pour dénoncer un "record" qui n'en serait pas un.
L'auteur explique ainsi qu'après vérification, "auprès des services météo officiels […] il n’existe en réalité aucune station brésilienne sur l’île Seymour", où a été captée le fameux pic de température à 20,75°C". Les données, explique-t-il, ne peuvent donc pas provenir d'une station "officielle". Par ailleurs, il indique que les mesures ont été réalisées "dans des conditions de mesure non conformes aux normes internationales".
Sur l'île Seymour, à l'extrême ouest de la péninsule Antarctique, une seule station est en effet recensée : celle de Marambio. Elle est gérée par des services de météorologie argentins et n'est pas utilisées par le Brésil. Les relevés des chercheurs ont donc été réalisés avec leur propre matériel. Il s'agit ici de mesures prises dans le cadre de travaux mesurant l'impact du changement climatique sur le permafrost. Contacté par LCI, le gestionnaire de la page Géoclimat note "une différence de près de 4°C entre la température maximale relevée ce jour-là par le capteur brésilien […] et celle relevée par la station officielle de Marambo".
Informée du potentiel record de température, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) a publié un communiqué pour juger "prématurées" les conclusions relayées dans les médias. Avant toute validation, cet organisme de référence au niveau international indique devoir analyser les données relatives à ces travaux : "l'emplacement, le type d'équipement utilisé, les pratiques de mesure, l'étalonnage des instruments, etc.".
Des relevés non conventionnels
À l'origine de la publication de Géoclimat, un certain Max Herrera, qui a transmis une série d'informations avant d'apporter des précisions supplémentaires dans les commentaires. Visiblement très remonté, il dénonce lui aussi ce "non-sujet" et rapporte les propos d'un scientifique brésilien proche des chercheurs qui ont réalisés les relevés. L'homme en question, Jefferson C. Simões, estime que"la température officielle est celle de la station météorologique argentine", et donc nettement inférieure à 20 degrés. Il poursuit et note que "la température mesurée par les Brésiliens ne l'a pas été dans une station météorologique, mais par un capteur. Il convient donc de ne pas parler d'un record car la captation a été réalisée à 1 mètre du sol et non à 2 mètres (ce qui est la norme internationale)."
Cette déclaration n'apparaît nulle part en ligne, et pour cause : contacté, Maximilian "Max" Herrera, qui se présente comme "climatologue depuis 1992", indique que c'est le chercheur en personne qui lui a apporté ces éléments, après qu'il l'a contacté. Herrera, qui ne semble appartenir à aucun organisme de recherche officiel mais compile depuis de longues années des données météorologiques, explique également avoir contacté les scientifiques de la base "officielle" de Marambo. LCI a pu consulter l'échange d'email entre Maximilian Herrera et le Brésilien Jefferson C. Simões, dans lequel ce dernier confirme bien le manque de fiabilité des données récoltées par ses confrères.
S'il semble trompeur d'évoquer une température de 20 degrés atteinte en Antarctique, il faut rappeler que les effets du changement climatiques s'y observent tout autant qu'ailleurs dans le monde. La fonte des glaces, notamment, inquiète les chercheurs : " On va vraiment vers une hausse du niveau des mers significative", déclarait à la RTBF le climatologue belge Xavier Fettweis, analysant un rapport du Giec. "Tous les modèles du climat qui avaient été utilisés par le GIEC en 2013 sous-estimaient la fonte de la biosphère." Il y a quelques jours, des images satellite ont par ailleurs montré le détachement d'un immense iceberg, dont la taille est proche de celle de Malte.
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