Des températures plus que douces sont enregistrées en France en ce mois d'octobre.Si ce mercure particulièrement clément fait le bonheur de certains, il a d'ores et déjà des conséquences notables sur les écosystèmes.Le 20H de TF1 se penche sur cette nature déboussolée.
Ce mois d'octobre est bien parti pour être le plus chaud jamais enregistré en France, depuis le début des relevés en 1900. Ces dernières semaines, la température a été particulièrement (et inhabituellement) haute dans l'Hexagone. En moyenne, le mercure a excédé de trois degrés et demi les normales de saison. "C’est du jamais vu sur une période aussi longue", souligne Evelyne Dhéliat, la cheffe du service météo de TF1 et LCI. Localement, de nombreux records, y compris la nuit, sont tombés. Mardi encore, les 27 degrés ont été atteints à Tarbes et à Marseille - soit sept à huit degrés de plus que les normales. Il faisait aussi 23°C à Clermont ou encore 21°C à Strasbourg. Ce phénomène, vraisemblablement lié au réchauffement climatique, produit d'ores et déjà des effets sur la nature.
Des cours d'eau toujours à un niveau inquiétant
Après les fortes chaleurs estivales, les réserves d'eau en France métropolitaine se sont significativement amoindries. Problème, alors qu'elles profitent habituellement de l'automne et de l'hiver pour faire le plein, elles n'ont, pour l'heure, pas pu véritablement se régénérer. À l'heure actuelle, une trentaine de départements subissent toujours une situation de crise, comme le rapporte le site Propluvia. À ce titre, les prélèvements non-prioritaires, y compris à des fins agricoles, sont arrêtés. Plusieurs dizaines d'autres demeurent également en alerte renforcée. Et de nombreux lacs et cours d'eau restent à un niveau anormalement bas.
Le cycle de la faune perturbé
Dans le sud de l'Hexagone, le chant des cigales se fait encore entendre en ce mois d'octobre. Une rareté. "C'est la première fois que l'on entend les cigales au mois d'octobre et bientôt novembre", confirme une habitante, interrogée par TF1, dans la vidéo du 20H à retrouver en tête de cet article. Avec un été très chaud, les larves ont attendu ces conditions plus favorables pour opérer leur mue. "C'est surprenant et inquiétant, surtout. Ça ne me paraît pas très bon signe", estime un autre riverain. "C'est un phénomène dû au réchauffement climatique, sans doute", lance-t-il encore.
Certains oiseaux perdent aussi leurs repères. Les martinets, par exemple, auraient dû migrer vers l’Afrique en juillet dernier. Or la ligue de protection des oiseaux (LPO) constate qu’ils sont toujours là, au risque de mourir de faim à la première vague de froid. "Il y a pleins d'espèces très spécialistes qui vont partir plus tardivement. Elles n'auront pas forcément le temps de reprendre l'énergie nécessaire pour aborder le printemps dans de bonnes conditions et se reproduire" normalement, alerte Cédric Marteau, directeur du pôle protection de la nature de la LPO. D'autres espèces, qui accumulent habituellement des réserves en vue d'une migration plus tardive, peuvent également être déstabilisées par ces températures - qui constituent l'un de leurs principaux indicateurs - anormales.
Autre élément étrange, certaines vaches sont nourries... avec des branches d'arbres. Avec la sécheresse, les champs ont beau être vert, les pâturages manquent d'herbe. Alors pour éviter d'avoir à acheter du fourrage, quelques agriculteurs optent pour cette solution de fortune. Mais ce n'est, cette fois, pas forcément une mauvaise chose. "Le fait de donner de la feuille de fresnes permet d'avoir des animaux en bien meilleure santé puisqu'ils continuent de consommer un fourrage frais, qui contient des vitamines", Jean-François Bailleau, éleveur de bovins à Saint-Chély-d'Aubrac (Aveyron).
La flore et les arbres fruitiers décalés
Les fleurs d'été sont toujours vivaces grâce à la douceur de ce mois d'octobre. "Il fait trop chaud. on a des plantes qui sont en fleurs qui ne devrait pas l'être. [...] Les feuilles ne jaunissent pas, ne tombent pas", déplore Jérémy Redelsperger, paysagiste à Mozac (Puy-de-dôme). "On devrait plutôt avoir un décor rouge, jaune... une forêt magnifique automnale. Mais là, malheureusement, nos forêts sont toutes vertes", continue-t-il.
Les bourgeons d'autres arbres, supposés sombrer à l'automne dans une longue léthargie, s'apprêtent même à éclore. C'est par exemple le cas des noisetiers dans le Limousin. "Il y a des conditions qui correspondent au printemps. Le bourgeon devrait être tout marron, protégé par cette cuticule qui le préserve. Mais, là, on voit qu'il y a du vert", s'inquiète Jean-Jacques Rabache, directeur de l’Association Limousin Nature Environnement. Des feuilles vertes qui ne supporteront pas les premiers gels. "Là, actuellement, ses réserves sont en train de s’épuiser parce que l'arbre continue à les exploiter pour pouvoir essayer un petit peu de refaire des feuilles, voire peut-être des fleurs. Et au printemps, il n’aura plus ces réserves", ajoute-t-il.
Dans le sud de la France, tomates, aubergines et poivrons sont encore récoltés à une époque, où en temps habituel, tout ou presque serait déjà arraché. "Les tomates, celles de France, on ne devrait plus en avoir et là, on en a toujours", affirme à TF1 Catalina Mourinho, vendeuse chez le primeur "1,2,3 Tomate", à Biarritz. Sur certains étals, des fraises sont même encore vendues. En outre, les légumes d'hiver subissent de plein fouet cette conjoncture défavorable. "Le problème, c'est qu'on a un calibre qui va être inférieur car ils ont manqué d'eau cet été. Donc le produit va être beaucoup plus petit, moins homogène et moins beau sur les étals", détaille Orianne Grelet, maraichère à Gerzat (Puy-de-Dôme).
La situation pourrait encore se dégrader...
Si un épisode de redoux à cette période de l'année n'est, en soi, pas une anomalie, sa durée, elle, est davantage problématique. "On s’aperçoit au fil des années et notamment ces derniers temps que les périodes de canicule sont de plus en plus précoces, mais aussi de plus en plus tardives. Cette période de chaleur exceptionnelle à retardement, même si ce n’est pas une canicule à proprement dit, s’inscrit dans cette tendance", indique Evelyne Dhéliat.
Si elle venait à se réitérer fréquemment, cette période de chaleur pourrait mettre en danger de nombreux animaux. "Le vivant est capable d’encaisser ce redoux-là, mais la récurrence en période automnale pourrait mettre à mal de nombreuses espèces, et pourrait entraîner leur désynchronisation avec les saisons", met en avant Thierry Offre, climatologue chez Météo-France, dans les colonnes de Reporterre. Que ce soit en termes de migration, de préparation à l'hibernation ou d'hibernation en tant que telle, les conséquences pourraient être dramatiques.