Le retour du froid, une bonne nouvelle pour l'agriculture ?

par Maëlane LOAËC
Publié le 24 janvier 2023 à 17h55

Source : JT 20h WE

Éprouvées par des températures anormalement élevées ces dernières semaines, les cultures profitent désormais de la chute du mercure depuis quelques jours.
Le froid joue un rôle central dans le développement des plantes.
Mais il faudrait que cet épisode perdure plusieurs semaines encore pour s'épargner des dégâts au printemps, explique un spécialiste d'agroclimatologie.

Après des semaines de douceur exceptionnelle au plein cœur de l'hiver, jusqu'à une vingtaine de degrés dans le Sud de la France, le mercure chute enfin. Depuis quelques jours, des températures bien plus classiques pour la saison sont de retour. Une bonne nouvelle pour le développement des plantes, qui pâtissaient jusqu'alors de ce climat hors norme. Mais le risque de dégâts sur les cultures au printemps n'est pas pour autant écarté, explique à TF1info Serge Zaka, docteur et consultant en agroclimatologie. 

En temps normal, quel rôle le froid joue-t-il dans la croissance des végétaux ?

Le froid permet un repos végétatif pour la plante, qui met sa croissance en pause. Pour obtenir une floraison optimale, il est par exemple nécessaire qu'un pommier passe entre 500 et 1500 heures avec des températures en dessous des neuf degrés, selon les variétés. Lorsqu'il atteint ce cumul d'heures de froid, appelé la vernalisation, il peut commencer à fleurir.

Or, nous avons assisté entre mi-décembre et mi-janvier à la période la plus douce jamais observée. Certaines variétés à la floraison précoce, qui avaient déjà atteint leur cumul de froid nécessaire, ont commencé à ouvrir leurs bourgeons, qui risquent maintenant d'être détruits en cas de gel au printemps. Le bourgeon protège en effet les futures fleurs et les fruits qu'elles produiront : quand il est fermé, la plante peut résister jusqu'à -15 degrés, mais lorsqu'il commence à se réveiller, ce seuil passe à -8 ou -9 degrés, puis à zéro dès qu'il s'ouvre complètement. 

Quant aux variétés au bourgeonnement plus tardif, les périodes de froid n'étaient plus assez longues pour elles, ce qui empêche une floraison optimale. Tous ces dérèglements impliquent des productions et des revenus en moins pour les agriculteurs, pouvant tourner à la catastrophe, comme ce fut le cas les deux années précédentes.

Le retour du froid ces derniers jours est donc salvateur ?

Cet épisode permet en effet de revenir à un cycle plus habituel. Cela répond aux besoins des végétaux qui nécessitent beaucoup de froid : leur floraison devrait être favorisée au printemps. Quant à ceux qui fleurissent de manière précoce, les basses températures vont arrêter leur croissance et empêcher que les bourgeons n'éclosent trop vite. En revanche, le gel va faire mourir les fleurs de ceux qui ont déjà entamé leur floraison, qui restent heureusement minoritaires en France.

Le froid permet aussi de réguler les populations de parasites qui attaquent les plantes, en les tuant grâce au gel. Mais lorsque l'hiver est trop doux, les maladies risquent d'exploser au printemps, par exemple la rouille brune pour le blé ou la jaunisse pour les betteraves.

On ne perdra pas l'avance que l'on prend actuellement, mais cet épisode de froid ne garantit pas que l'on soit sorti d'affaires.
Serge Zaka, docteur et consultant en agroclimatologie

La baisse des températures est-elle de bon augure pour les mois à venir ? 

Tout se jouera à partir du mois de février, il est encore trop tôt pour pouvoir affirmer quoi que ce soit. On ne perdra pas l'avance que l'on prend actuellement, mais cet épisode de froid ne garantit pas que l'on soit sorti d'affaires. Si une très forte douceur nous attend le mois prochain, les végétaux vont encore plus réagir qu'en décembre et en janvier, parce que la durée du jour est plus longue. Il faudrait que les basses températures se maintiennent jusqu'à mars, mais l'an passé, des cycles de froid compensés ensuite par de la douceur se sont répétés.

De manière générale, les scientifiques mettent en garde depuis une vingtaine d'années face à l'accroissement du risque de dégâts dus au gel au printemps. Ce risque augmente de 60% sous l'effet du changement climatique, d'après une étude de 2021 du World Weather Attribution (WWA). Paradoxalement, cette probabilité n'est pas liée au gel lui-même mais à la douceur en hiver, de plus en plus présente. À l'avenir, les gelées en avril seront moins nombreuses, mais les végétaux seront beaucoup plus développés à ce moment-là de l'année, entraînant d'importants dégâts. Cela ne signifie pas qu'il faut attendre des pertes monstrueuses tous les ans, mais dès qu'une descente d'air froid succèdera à une douceur hivernale, les conséquences seront bien plus importantes qu'avant.


Maëlane LOAËC

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