PODCAST PASCAL PERRI - Les grandes libertés sont-elles en sursis ?

Publié le 18 septembre 2019 à 9h34
PODCAST PASCAL PERRI - Les grandes libertés sont-elles en sursis ?

Et si le meilleur cours d'éco de France était un podcast ? Chaque semaine Pascal Perri vous propose de plonger dans un sujet, avec un objectif, et un seul : que vous le COM-PRE-NIEZ.

"Il faut sauver le monde libre" nous dit l’essayiste Mathieu Laine dans son dernier livre paru chez Plon. Le titre de l’ouvrage est volontairement accrocheur. Le monde libre serait menacé. Nos libertés aussi ? En partie oui et vous allez voir que des signaux inquiétants apparaissent pour ceux qui veulent bien se donner la peine d’aller au delà des apparences. 

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En France et dans les grandes démocraties, nous vivons libres souvent sans nous interroger sur l’origine de ces libertés. Elles sont un peu comme l’air que nous respirons. Les grandes libertés dont les libertés économiques sont pourtant récentes dans notre histoire humaine, elles ont à peine deux siècles et encore pas dans tous les pays du monde : la liberté, c’est la possibilité d’entreprendre, d’acquérir des biens, d’en jouir, de les céder et c’est aussi la garantie du droit. Le débat sur les libertés est ancien. Nous le redécouvrons et ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’il ressurgisse dans une société où le manque de liberté ne se pose pas ! 

Benjamin Constant rappelle que sans la population d’esclaves d’Athènes, 20 000 Athéniens n’auraient pas pu délibérer librement chaque jour sur la place publique. Emmanuel Kant, philosophe de la raison nous dit que la liberté n’est ni une affaire de volonté, ni une affaire de pouvoir mais une affaire de raison. Au fond, la liberté comporte un prix qu’il faut accepter de payer, celui de la responsabilité. Pas de liberté sans responsabilité sous jacente, pas de liberté sans raison. Or la question de la raison et donc du raisonnement se pose aujourd’hui dans une société qui réagit plus souvent aux stimuli des passions et des émotions que du raisonnement. 

Prenons 1 exemple du quotidien sur le couple liberté-responsabilité

a) En France, nous avons de droit de fumer dans les espaces publics. Aux Etats Unis, au Japon, en Australie ou en Nouvelle Zélande, il est interdit de fumer dans certaines villes hors des zones balisées Qu’avons nous fait de cette liberté ? Beaucoup de fumeurs en ont abusé, en abandonnant leurs mégots dans l’espace public, au mépris de son intégrité et au mépris du confort de tous les autres. Certains trottoirs sont d’une saleté repoussante. Aussi, le fait de jeter un mégot de cigarette sur la voie publique est désormais puni d’une amende de 68 euros. 

Vous trouverez toujours des gens pour contester la règle ou pour estimer qu’elle est attentatoire à leur liberté. Elle est pourtant fondée. En France, nous sommes libres de fumer dans l’espace public mais la contrepartie est qu’il faut respecter le bien commun, ce que les Anglo-Saxons appellent un Common, ni tout à fait une propriété individuelle, ni tout à fait un bien collectif. Liberté et responsabilité vont ensemble. L’une n’a aucun avenir sans l’autre car dans cet exemple comme dans d’autres cas, les vrais ennemis de la liberté sont ceux qui en abusent. Cette règle trouve son prolongement dans le principe du pollueur payeur. Les fleuves et les rivières sont des biens communs. Ceux qui en abusent en menaçant l’intégrité du bien commun sont tenus de réparer les dégradations qu’ils imposent à tous les autres. Nulle entrave à la liberté, l’utilisation d’un bien commun doit être raisonnable.  

Quand vous voyez un fumeur jeter son mégot sur la voie publique, rappelez lui qu’il faut 200 litres d’eau pour éliminer totalement la trace de son geste et demandez lui s’il ferait la même chose chez lui, rappelez lui aussi que l’eau n’est pas une marchandise mais un produit de nécessité vitale ? Les mesures contraignantes qui visent à entretenir les civilités et à rendre efficace l’espace public ne sont pas des limites à nos libertés, elles sont au contraire la condition des libertés relatives dont nous jouissons tous ensemble et depuis longtemps. Ne confondons pas liberté et anarchie. Conclusion intermédiaire : nos libertés personnelles ne peuvent s’exercer que dans un cadre collectif, elles sont donc par conséquent limitées. Sur un plan plus économique, la collectivité ne peut pas accepter de régler la facture des anomalies de comportement de quelques uns. L’exerce irresponsable de la liberté condamne les libertés. Les surveiller et les encadrer est ici une règle de bonne gestion du cadre collectif. 

Cette situation est à distinguer des tentatives de remise en cause des libertés économiques de base. Elles sont attaquée en jouant sur nos peurs et sur notre culpabilité

Voilà l’explication. Un nouveau récit du monde nous est proposé, un récit apocalyptique qui accuse notre mode de vie : vous êtes coupable nous dit le message subliminal, votre mode de vie est criminel, votre modèle de société capitaliste est décadent. Ce récit du monde fait de l’homme le grand coupable de l’effondrement qui se profilerait et défend l’idée du bio centrisme, c’est-à-dire l’idée de l’égalité des espèces : humaine, animale, végétale. C’est la manifestation d’un nihilisme humain qui a le capitalisme et le marché en horreur. Honte à toi Homo economicus. Les tenants de ce discours avancent à pas de loup. Ce sont des écologistes radicaux, des altermondialistes, des décroissants, tous rassemblés dans leur haine du marché et de la consommation et dans le doute qu’ils expriment à l’égard du progrès et des hommes. Comme souvent, ils savent capter une petite partie de la vérité pour la détourner à leur profit.

Prenons deux exemples dans l’actualité économique récente

a) Depuis quelques mois, un discours simpliste frappe le transport aérien, symbole parmi les symboles de l’ouverture au monde, de la mondialisation et des échanges, autant de chose que les militants écologistes de la décroissance veulent combattre. Ils rêvent d’un monde dans lequel la liberté d’aller et venir serait très sévèrement encadrée voire limitée ; ils sont locavores, ils proposent des formules qui visent à abolir les grands empires, peut-être même l’Etat, institution au service de la bourgeoisie, ils combattent les multinationales… Les attaques contre le transport aérien sont des attaques contre la mondialisation, contre les échanges. Pourtant, c’est le libre commerce qui a permis le progrès et l’innovation. C’est grâce à lui que des centaines de millions d’hommes et de femmes sont sortis de la misère. L’avion est un coupable facile mais la vérité scientifique oblige à rappeler que dans ce secteur les motoristes ont fait d’immenses progrès et que désormais un passager ne consomme pas plus en avion qu’en voiture ! Que la consommation par tête a été diminuée de moitié en 20 ans, que l’avion soit le seul moyen de transport pertinent pour traverser les océans et parcourir des distances supérieures à 1000 km… 

> En lieu et place de la Honte de voler, un discours sérieux consisterait à évaluer le potentiel des complémentarités entre avion-train-voiture mais il est plus simple de se placer sur le mode accusatoire et de DÉSIGNER DES COUPABLES au terme de raisonnements simplistes. Vous verrez que ce mouvement prendra de l’ampleur. Demain, on montrera du doigt celles et ceux qui voudront prendre des vacances ou des weekends loin de chez eux. 

b) Deuxième terrain d’affrontement, le monde agricole. Dans le Tarn, un débat oppose quelques altermondialistes aux agriculteurs autour d’un nouveau projet de retenu d’eau. C’est une revendication permanente des agriculteurs notamment de la FNSEA que de retenir l’eau quand elle est abondante pour l’utiliser quand elle manque. Les écologistes ont trouvé là un terrain d’affrontement. Ils s’opposent (eux qui ne sont pas agriculteurs) à tous les projets-même les plus modestes- de retenues d’eau ou de création de réserves collinaires. Ils voudraient que les agriculteurs s’orientent vers des productions locales et vivrières, qu’ils abandonnent les grandes cultures comme le maïs. Pourquoi ? Parce qu’elles sont éligibles aux grands marchés et donc solubles dans le capitalisme. Derrière le débat sur l’utilisation de l’eau on découvre un autre enjeu qui est celui des modèles agricoles et des méthodes de culture. Commerce local contre commerce international, conventionnel contre Bio, petites exploitations contre grandes entreprises agricoles et agro alimentaires… Les activistes voudraient imposer un type de consommation naïvement fondé sur les échanges de proximité… Le conte de fée est agréable à entendre mais il provoquerait le retour des  pénuries et assignerait les producteurs à la misère. Pourquoi ? 

a) Même le GIEC peu suspect, nous dit que les productions locales ne seront jamais suffisantes pour nourrir tous les habitants de cette terre,

b) le localisme ne dégagerait pas un revenu suffisant pour les producteurs et nos agriculteurs disparaitraient pour la majorité d’entre eux. 

Dans ces deux cas que j’ai retenu, des injonctions très idéologiques voudraient limiter les libertés.

Nous sommes donc confrontés au débat sur l’opportunité du progrès. Le développement est-il vraiment un progrès ? La liberté est un bien précieux mal protégé. On dit parfois que la liberté profite aussi aux ennemis de la liberté. C’est vrai. Des visions totalitaires et totalisantes du monde voudraient réduire les grandes libertés : celle d’aller et venir, celle d’entreprendre, celle de posséder. Un certain paganisme renait derrière les mouvements écologistes, un mouvement qui conteste la place dominante de l’homme sur cette terre, un mouvement qui doute de sa capacité à la raison et à l’innovation. Le camp de Malthusiens se renforce. Les malthusiens sont les septiques, ceux qui préfèrent les ordres fermés aux ordres spontanés, ceux qui doutent de l’innovation et du progrès, de la capacité des hommes à dépasser les difficultés. Le débat sur l’opportunité de nos libertés est engagé. Nous entrons dans un monde binaire angoissant, le monde de « l’autorisé » et de « l’interdit ».  On peut faire la critique du progrès comme l’on fait certains philosophes du 20e siècle dont Jacques Ellul mais réduire les libertés, c’est oublier un peu vite que la contrainte est moins efficace que les incitations. Pas de progrès sans liberté, pas de liberté sans progrès. 


La rédaction de TF1info

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