PODCAST - Elle a rompu avec son métier, son mari et son milieu aisé pour assumer son envie d'écrire et son attirance pour les femmes. Deux ans après le percutant "Play Boy", Constance Debré raconte les conséquences de sa quête de liberté dans "Love Me Tender" (Flammarion), un roman aussi énergique que poignant. Elle est l’invitée du podcast Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux.
Si je vous dis "Love Me Tender", vous pensez forcément à la ballade langoureuse d’Elvis Presley. Le nouveau roman de Constance Debré qui vient de paraître chez Flammarion a le même titre, mais c’est une mélodie plus rock qu’elle propose. Un chant de révolte, à la fois intimiste et universel.
"Love Me Tender" est la suite directe de "Play Boy", paru en 2018. Un livre dans lequel la petite fille de Michel Debré, l’un des fondateurs de la Ve République, racontait sa rupture avec la grande bourgeoisie dans laquelle elle a grandi. Avec le métier d’avocat pénaliste, qu’elle a exercé pendant plusieurs années afin de se consacrer à l’écriture. Mais aussi avec le père de son fils pour vivre pleinement son homosexualité.
Ce roman explore les conséquences directes de cette nouvelle vie. Privée de son fils par son ex-mari, Constance se débat avec l’hypocrisie de la société, le chagrin qui la guette et les histoires d’amour sans lendemain. Le style est brut, dépouillé, sans concession. C’est un roman à l’énergie dévorante dont je suis allé discuter avec son héroïne, chez son éditeur, par une après-midi d’orage…
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Sur le message de "Love Me Tender"
"Je voulais faire ressentir tous les sentiments qui traversent les pages, à la fois contradictoires et fluctuants. Que ça cogne à un endroit du cerveau du lecteur et qu’il se dise 'ah oui, ça c’est vrai'. Mais il n’y a pas de message ! Parce que ça n’existe pas les livres qui ont un message. Ou alors ils sont ratés. Si la littérature nous intéresse tous, c’est parce qu’elle nous dit ce qu’il y a de confus dans nos existences. On est traversé par des pulsions de tristesse, de colère, de joie, par cette confusion-même. C’est peut-être quelque chose qui doit être dit. Parce que ça ne va pas toujours très bien dans cette vie bizarre qu’on mène. Et peut-être que ce n’est pas grave… Mais il n’y a pas de message."
Sur son changement de vie
"On exagère certaines choses. Je n’ai pas changé de look, je me suis toujours habillée comme je m’habille aujourd’hui. Les cheveux courts, je les ai eu la moitié de ma vie. Mais il y a ce fantasme de la meuf en tailleur Chanel qui va finir avec des Docks et des tatouages... Quand à ma vie privée, oui j’ai été avocate, avec un mec et un enfant. C’était un peu plus dans les clous. Ce que je peux dire, c’est qu’à un moment, je me suis mise à ne plus vouloir être dans un bureau. Parce que c’est dur, et je crois que ça l’est pour tout le monde, même si j'aimais mon métier. Après, écrire c’est quand même l’une des activités humaines les plus intéressantes qui soit. Que par ailleurs ça s’accompagne d’une plus grande liberté dans l’organisation de mes journées n’est pas pour me déplaire !"
Sur son passé d’avocat pénaliste
"Il y a un vrai lien entre la littérature et le monde que j’ai vu quand je faisais ce métier. Je défendais des gens dont les vies étaient tragiques. Je trouvais ça beau même si le mot me paraît un peu obscène. Mais ça ne me manque pas. C’est quelque chose qui a eu du sens et que je suis contente d’avoir fait. C’est beau de défendre quelqu’un que tout le monde a déjà jugé et que tout le monde a déjà abandonné. Il y a ceux qui jugent et ceux qui défendent. Moi j’ai beaucoup de mal avec la position de juge. J’ai aussi aimé me battre contre la violence, celle de l’Etat et de la société, parce qu'elle m’a toujours répugnée. Mais aujourd’hui ça ne me manque pas. Parce que je pense que l’art, c’est plus important."
Sur son style brut et épuré
"Le style, c’est toujours le fruit d’une réflexion et de beaucoup de livres qu’on a lu. Mais à un moment il faut faire des choix. Je pense qu’il ne faut pas faire du joli. Que le beau est à l’opposé du joli. Que la langue écrite doit être la plus légère possible pour permettre d’accéder au sens, aux émotions. Elle ne doit pas être trop éloignée de l’oral même si c’est complètement travaillé. 98% de mon temps d’écriture est consacré à relire et corriger ce que j’ai écrit pendant les 2% restants. Il ne faut pas que ce soit trop appuyé, mais que ça saisisse. Que ce soit suffisamment léger pour que le lecteur ne s’arrête pas à la phrase mais passe à travers."
Sur les livres qui l’ont influencé
"Tout ce qu’on lit, à commencer par les livres qu’on lit enfant, tout comme les BD et les dessins animés, nous raconte l’histoire d’un héros qui va à l’aventure. Moi je suis peut-être restée bloquée à ce stade-là. Je ne cherche pas autre chose qu’à être un héros qui va à l’aventure. Je n’ai jamais ouvert un livre depuis que je sais lire sans y chercher un mode d’emploi de l’existence. Comment être un héros qui vit des aventures ? C’est tout ce que je cherche. Curieusement j’ai l’impression que pour moi ça passe par le fait d’être celui qui écrit le livre sur le héros qui va à l’aventure. Je suis à la fois le savant fou et le rat de laboratoire !"
Sur le bonheur que procure la lecture
"La question du bonheur ne m’intéresse pas. Ce qu’on doit être, ça c’est une vraie question. Être heureux, tant mieux si on l’est. Je pense que si on est à sa bonne place, on peut l’être un peu plus facilement. Mais ce n’est pas le but. Je pense que si on est malheureux, c’est le signe d’autre chose. C’est le signe qu’on n’est pas à la bonne place. En revanche peut-être que la lecture rend plus intelligent. Plus intelligent ça veut dire plus moral, ça veut dire plus libre. Capable de se décentrer, de s’oublier, de se mettre à la place de l’autre."
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