Épisode 21 - James Frey : "Les gens qui se vantent de ne pas lire passent pour des imbéciles"

Publié le 21 août 2019 à 15h55, mis à jour le 23 novembre 2020 à 16h32
Épisode 21 - James Frey : "Les gens qui se vantent de ne pas lire passent pour des imbéciles"
Source : Matt Jordan

RENCONTRE - Son nouveau roman, le très sulfureux "Katrina" (Flammarion), est l'un des événements incontournables de la rentrée littéraire. L’écrivain américain James Frey est l’invité du podcast "Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux", en version originale.

Et si, à l’heure où les réseaux sociaux vampirisent nos cerveaux, prendre le temps de lire un livre était devenu un acte de résistance ? Les Gens Qui Lisent Sont Plus Heureux, c’est un podcast consacré au plaisir de la lecture, sans aucun préjugé. Dans cet épisode, je vous propose un entretien exceptionnel avec James Frey, l’un des écrivains américains les plus controversés de sa génération. En 2003, ce natif de Cleveland a 34 ans lorsqu’il publie "Mille Morceaux", un véritable phénomène d’édition et de société. 

Présenté comme les mémoires d’un toxicomane repenti, dans un style brutal, percutant et sans concession, le livre vaut à son jeune auteur d’être invité sur le plateau de la célèbre Oprah Winfrey. Le hic, c’est qu’il a légèrement romancé son coup d’éclat littéraire. Pour ne pas dire beaucoup. La presse lui tombe dessus à bras raccourcis, le traite d’imposteur et il est obligé d’avouer la supercherie, en dépit de son indéniable talent d’écrivain qu’il confirme avec "Mon Cousin Léonard", "L.A. Story" et "Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom". 

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Ces dernières années, James Frey s’était consacré à la littérature jeunesse avec des sagas vendues à prix d’or au cinéma. Le truc, c’est qu’il n’était pas très heureux. Et que tôt ou tard, l’écrivain sulfureux des débuts devait refaire surface. C’est chose faite avec Katrina, une sorte de préquelle de "Mille Morceaux", drôle, tragique, sensuel, en libraires en France ce mercredi 21 août. C’est l’histoire de Jay, un écrivain à succès qui se remémore son séjour à Paris, lorsqu’il avait 20 ans, et sa rencontre avec un jeune mannequin qui va bouleverser son existence...

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Sur l’envie d’écrire un roman adulte

"Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom" est sorti en 2011 et j’ai fait d’autres choses entre temps. J’ai dirigé une société qui a publié 250 livres. On a fait des films, des séries, des jeux vidéo... Mais la vérité c’est qu’après mes quatre premiers livres, j’étais rincé. Ils se sont vendus à 25 millions d’exemplaires dans le monde, ils ont suscité beaucoup de controverses. Je pensais que j’étais arrivé au bout. Et puis il y a un an et demi, je me suis senti profondément déprimé. J’avais des pensées suicidaires. Je me suis rendu compte que je m’étais perdu. Et ça m’a amené à réfléchir à ce qui m’a poussé à écrire. Et au tout début de ma carrière, quand personne ne savait qui j’étais et que personne ne me lisait. Or tout a commencé ici, à Paris."

Sur le personnage de Katrina

"C’est une seule et même femme. Le livre est plutôt fidèle à celle qu’elle était. Elle était Norvégienne. Et comme dans le livre, je l’ai rencontrée devant "La porte de l’enfer", sur un banc du Musée Rodin. Est-ce qu’elle a changé ma vie ? Quand je suis arrivé à Paris, je rêvais d’avoir de grandes aventures avec les femmes. Des histoires un peu dingues comme celle entre Rimbaud et Verlaine. Je voulais tomber follement amoureux 50 fois ! Je faisais partie de ces gens qu’on appelle romantiques au sens où ils sont en quête d’amour, de douleur, de beauté, de souffrance, de mélancolie… Et j’ai trouvé tout ça avec elle."

Sur la vérité en littérature

"En littérature, comme en art en général, la vérité c’est ce qui vous fait ressentir quelque chose. Quand je m’assois pour écrire c’est tout ce qui m’intéresse. Peu importe que je change les faits, que je les manipule, que j’embellisse une chose ou qu’en j’en diminue une autre. Ça fait partie du processus de création. Beaucoup de choses dans "Katrina" sont vraies. D’autres non. Et ce que j’espère, c’est que vous ne puissiez pas faire la différence. C’est mon job. Mon job n’est pas d’écrire des documents factuels. Ou de vous dire quand je vous manipule et comment. Mon job, c’est de vous briser le cœur et d’allumer une petite lumière dans votre âme."

Sur les mauvaises critiques

"Les mauvaises critiquent ne me dérangent pas. Je dis toujours que mon but, c’est de polariser l’opinion. Je veux que les gens adorent ce que je fais ou qu’ils détestent. Mais je ne veux rien entre les deux. Je n’ai jamais été le chouchou des médias. Je n’essaie pas de les flatter et à vrai dire je me moque de ce qu’ils ont à dire sur mon travail. Parfois une mauvaise critique me fait rire. Moi ce que j’aime, c’est forcer le lecteur à avoir une opinion. Et à réagir. Qu’il ressente quelque chose. Même si ça ne fait pas du bien. Parce que je crois que c’est le rôle des livres et de l’art en général : faire ressentir des choses."

Sur les gens qui lisent…

"Je crois que les gens qui lisent sont plus heureux. Qu’ils sont plus intelligents. Plus sophistiqués. Plus ouverts au monde et à ceux qui les entourent. Vous savez, je lis des livres tous les jours. Je suis devenu écrivain parce que j’aimais ça et parce que j’ai lu un livre en particulier, Tropique du cancer de Henry Miller, qui a allumé une lumière en moi. Je ne peux pas imaginer une vie sans livres, sans mots, sans histoires. Sans les sentiments et les expériences que ça me procure."

… et sur les gens qui ne lisent pas

"Je connais des gens très malins qui ont beaucoup de succès dans les affaires à New York qui se vantent presque de ne pas lire. Lorsqu’on est suffisamment proches, je leur dis que c’est stupide et qu’ils passent en réalité pour des imbéciles. Des ignorants qui n’ont pas envie de comprendre la vie, le monde... Tout ce qui est et tout ce qui n’est pas ! Moi ça me paraît impensable de ne pas lire. Parce que ça me rend heureux. Comme ça me rend heureux d’écrire."


Jérôme VERMELIN

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