INTERVIEW – En à peine 24h, la publication et la diffusion de vidéos à caractère sexuel ont poussé le candidat Benjamin Griveaux vers la sortie. La faute aux réseaux sociaux ? Véronique Reille-Soult, directrice générale de Dentsu consulting, analyse le phénomène.
Le jour de sa chute restera aussi, pour Benjamin Griveaux, le jour d'une notoriété jamais atteinte sur les réseaux sociaux. Ce vendredi, le hashtag "Griveaux" était une des tendances mondiales sur Twitter. Les vidéos au coeur de l'affaire avaient pourtant été mises en ligne il y a plusieurs jours par l’activiste russe Piotr Pavlenski. Mais leur visibilité a - elle - brusquement bondi lorsqu'elles ont été relayées sur twitter jeudi en fin de journée. En cause, notamment, le député anciennement LaREM Joachim Son-Forget qui posta ce message : "J’espère que ces vidéos sexuelles affligeantes incriminant Benjamin Griveaux et une jeune femme seront démenties par l’intéressé et son équipe car une telle diffamation serait extrêmement grave dans la campagne pour Paris".
C’est là que l’affaire, strictement personnelle, est devenue incontrôlable rendant inévitable le renoncement du candidat Griveaux. Alors, la faute aux réseaux sociaux ? Pas si simple pour Véronique Reille-Soult, directrice générale de Dentsu Consulting et spécialiste de l’utilisation des réseaux sociaux.
LCI : Dans l’affaire Griveaux, tout est allé très vite : les vidéos ont commencé à être beaucoup relayées jeudi soir sur Twitter et ont conduit à son renoncement vendredi matin, seulement quelques heures plus tard. Comment expliquer cette rapidité dans la tournure des événements ? Quel rôle y ont joué les réseaux sociaux ?
Véronique Reille-Soult : Pour vous donner une idée, depuis aujourd’hui minuit jusqu’à 16h30, Benjamin Griveaux a fait l’objet de 153.600 mentions sur l’ensemble des réseaux sociaux : Twitter, Facebook, Whatsapp… C’est ce qu’on appelle une énorme vague. En comparaison, dans la journée, Anne Hidalgo a fait l’objet de 6.000 mentions, Rachida Dati 5.000.
Or, ce n’est pas la faute des réseaux sociaux. Les crises ne naissent que très rarement en ligne. Celle-ci n’est pas née en ligne, c’est un sujet personnel. En revanche, elle se développe en ligne car les réseaux sociaux sont un accélérateur, un amplificateur. Ils sont devenus un outil de communication, de mobilisation mais aussi de déstabilisation.
LCI : Un candidat LaREM s’est inquiété du voyeurisme des réseaux sociaux et de la disparition de la notion de vie privée des responsables politiques. La séparation vie privée/vie publique semble brouillée par l’utilisation faite des réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ?
On peut crier au complot, mais la réalité c’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus de secret lorsque vous êtes politique ou dirigeant, lorsque vous êtes un leader d’opinion. Vous devez être transparent et responsable : c’est une affaire de cohérence. Vous ne pouvez pas avoir d’un côté une belle histoire, être Monsieur la vertu, et ne pas vous comporter de la même façon.
Selon moi, il y a un sujet avant/après. L’avant, c’est la réalité : vous ne pouvez plus qu’être dans la transparence et dans la responsabilité. L’après, c’est lorsque le fait est donné sur les réseaux sociaux, qui sont donc un amplificateur incroyable que vous ne pouvez plus du tout maîtriser. Et il faut accepter ne pas pouvoir tout maîtriser.
Alors, est-ce que les réseaux sociaux donnent le tempo ? En politique, prenez l’exemple de Donald Trump. Il démontre ce qu’on peut faire sur les réseaux sociaux et comment on peut s’affranchir de la réalité.
LCI : Peut-on parler d’"américanisation" de la vie politique ?
C’est une expression qui ne veut rien dire. L’américanisation de la vie politique, ce serait de pouvoir acheter des clips pour dire du mal de ses voisins. Ou ce serait Emmanuel Macron qui se met à tweeter à 5h du matin devant sa télévision. C’est ça, l’américanisation de la vie politique. La responsabilisation et la complexité de la vie politique, oui, pas son américanisation.
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info