Verif'

A-t-on passé 60% du quinquennat sous le régime de l’état d’urgence ?

Publié le 22 mars 2022 à 19h33
Edouard Philippe, novembre 2017
Edouard Philippe, novembre 2017 - Source : GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Selon Jean-Luc Mélenchon, l’état d’urgence a été en place durant 60% du mandat d’Emmanuel Macron.
Si ses propos sont inexacts, la France a passé la moitié du temps sous un régime d’exception ces cinq dernières années.

Dimanche 20 mars place de la République, à Paris, Jean-Luc Mélenchon a défendu sa VIe République et dressé un bilan sévère du mandat d’Emmanuel Macron, qui s’achève prochainement. À ses yeux, "ce quinquennat aura été celui d'une dérive autoritaire". Le candidat de La France Insoumise (LFI) a pris l’exemple du temps passé sous un régime d’exception, instauré pour risque terroriste ou risque sanitaire. "En 72 mois, les Français en ont passé 44, soit 60%, sous le régime de l'état d'urgence", a-t-il dénoncé face à ses militants, évoquant "les éborgnés et les mains arrachées, la mort de Zineb Reddouane pendant les Gilets Jaunes". Mais qu’en est-il réellement ?  

Décompte trompeur

D’abord, l’affirmation de Jean-Luc Mélenchon est trompeuse : les 72 mois auxquels il se réfère correspondent à une période de six ans et non cinq, soit la durée du quinquennat. Le candidat intègre donc l’année 2016 dans son calcul pour renvoyer au bilan d’Emmanuel Macron. Il aurait été plus juste d’évoquer une période de 60 mois. Maintenant, que dire du temps passé sous un régime d’exception depuis que le candidat En Marche a accédé à la fonction présidentielle ? 

En mai 2017, au lendemain de l'élection, la France est sous le régime de l’état d’urgence, institué par la loi du 3 avril 1955 et voté dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 suite aux attentats terroristes de Paris. Fraichement élu, Emmanuel Macron promet devant le Congrès de sortir de ce régime à l’automne. C’est chose faite six mois plus tard, lorsque la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est promulguée le 30 octobre 2017. Bien que ce texte intègre au droit commun des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, les institutions sont de nouveau soumises à un régime normal.

L'imprévu Covid

C’est sans compter la pandémie, qui a bousculé la société et poussé le Parlement à adopter le 23 mars 2020 une loi d’urgence qui promulgue l’état d’urgence sanitaire. Le pays rebascule alors dans un régime d’exception, cette fois à caractère sanitaire. Il permet notamment à l’exécutif de prendre des mesures provisoires par ordonnance, et donc ne pas passer par la voie législative. C'est ainsi que le couvre-feu a pu être appliqué, décalé ou levé par le gouvernement ou encore que le port du masque a fait l'objet d'un nombre de mesures incalculables. Depuis, la France n’est jamais sortie de cet état d’exception. Des régimes transitoires ont pu être votés puis appliqués un temps, mais les députés et les sénateurs ont toujours fini par revenir à l’état d’urgence sanitaire en raison des vagues successives de l’épidémie. 

Ça a été le cas de juillet à octobre 2020. Et de nouveau depuis le 2 juin 2021, puisque le pays est soumis à un régime de sortie d’état d’urgence sanitaire. Celui-ci est prévu jusqu’au 31 juillet 2022 sous réserve que l’épidémie ait reflué sur le territoire. Cela fait donc deux ans, presque jour pour jour, que nous avons retrouvé un régime d’exception. Notons par ailleurs que les Outre-mer n’ont pas connu cet état d'urgence sanitaire aux mêmes périodes que l’Hexagone. En mai, la France aura passé 32 mois sous un régime d’exception ces cinq dernières années, soit la moitié du quinquennat d'Emmanuel Macron. Et non 44 mois, comme présenté par Jean-Luc Mélenchon. 

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Caroline QUEVRAIN

Tout
TF1 Info