Affaire Fillon : "Le résultat de l'élection a peut-être été faussé", estime Brice Hortefeux

Publié le 19 juin 2020 à 10h41, mis à jour le 19 juin 2020 à 10h47

Source : TF1 Info

INTERVIEW - Invité politique d'Elizabeth Martichoux vendredi 19 juin, Brice Hortefeux, député européen LR et ancien ministre de l'Intérieur, est revenu sur les déclarations de l’ancienne procureure financière affirmant avoir subi des "pressions" de sa hiérarchie dans la conduite de l'enquête sur l'affaire Fillon.

Coup de tonnerre après les déclarations de Eliane Houlette, ancienne cheffe du parquet national financier (PNF), entendue le 10 juin par la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance de la justice, disant avoir subi des "pressions" de sa hiérarchie dans la conduite de l'enquête sur l'affaire Fillon. "Le plus difficile (...) a été de gérer en même temps la pression des journalistes - mais ça on peut s'en dégager - (...) et surtout la pression du parquet général", a déclaré l'ex-procureure, partie à la retraite en juin 2019. 

Face à ces propos, Brice Hortefeux, invité politique d'Elizabeth Martichoux ce vendredi 19 juin, ne masque pas sa "stupéfaction, pour deux raisons" : "Eliane Houlette dit le contraire de ce qu’elle déclarait y a un an [NDLR. "Je n’ai subi aucune pression", affirmait-elle alors dans les colonnes de Marianne le 20 juin 2019] et l'on faisait remonter quotidiennement des dizaines d’informations concernant la procédure en cours. Était-ce un suivi personnel ou un suivi politique de sa hiérarchie ? Je n’en sais rien même si je peux avoir une idée." Ce que Brice Hortefeux déplore, c'est la conséquence délétère sur un débat présidentiel qu'il juge "escamoté" et "peut-être un résultat électoral faussé". "L’addition est lourde" lance-t-il. 

Une élection présidentielle "volée à la droite" selon Brice Hortefeux

Comme le souligne l'eurodéputé et ancien ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy, les propos de Eliane Houlette tranchent effectivement avec ceux tenus dans Marianne l'an passé : "Je peux vous certifier qu’en cinq ans et demi, je n’ai jamais subi aucune pression. Ni reçu aucune consigne. Ni de Christiane Taubira, ni de Jean-Jacques Urvoas, ni de Nicole Belloubet. Pas plus de la Chancellerie, ou du parquet général", affirmait-elle alors. Aussi, comment expliquer ce changement de version ? "Parce qu’elle est plus libre, à la retraite", juge Brice Hortefeux. "Peut-être parce qu’elle fait des déclarations sous serment devant une commission parlementaire."

L'affaire Fillon "n’est pas une enquête banale, c’est une enquête sensible aux conséquences politiques majeures", poursuit-il. "Il y avait des arrière-pensées très politiques. Il faut distinguer le principe de la dérive". Et si les pressions quotidiennes évoquées par l'ancienne procureure sont avérées, "il y a une dérive du fonctionnement", précise l'ancien ministre de l'Intérieur. "Ceux qui soupçonnaient" que la mise en examen avait été ordonnée par le pouvoir politique "voient aujourd'hui (leurs) sentiments confortés par les déclarations de Mme Houlette", a-t-il ajouté. "Il faut donc que la lumière soit faite".

Subsiste une question : d’où peuvent venir ces pressions ? "A ce stade, on n’en sait rien", lance Brice Hortefeux. "Je ne peux affirmer des choses sur lesquelles je n’ai pas de certitude (...) Aujourd’hui, ce que l’on est en droit d’attendre, c’est la vérité." François Hollande, alors chef de l'Etat, a-t-il pu intervenir ? "C’est une question que tout le monde s’est posé lorsque cette affaire est survenue" poursuit-il. "Aujourd’hui, plus rien ne m’étonne. Si on va jusqu’au bout, on le saura."

Cette enquête, lancée en pleine campagne présidentielle, avait empoisonné la candidature de François Fillon à l'Elysée et conduit au printemps 2020 à son procès en correctionnelle aux côtés notamment de son épouse Penelope. Le jugement est attendu le 29 juin et pas sûr que ces déclarations changent la donne : "Le délibéré est vraisemblablement déjà rédigé, ces déclarations n’auront pas de conséquence sur le jugement mais elles constituent un élément nouveau, cela doit ouvrir la porte sur de nouvelles investigations." Reste que cette affaire Fillon a, selon lui, pesé lourd sur l’élection politique : "Je ne pense pas qu'elle a été volée à la droite, j’en suis convaincu. Au-delà même du résultat, il y a eu un résultat présidentiel escamoté car on n’a pas parlé des vrais sujets, tout était centré sur cette affaire et il a été impossible pour François Fillon de présenter son programme."


Romain LE VERN

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