Selon son avocat, Joël Guerriau, mis en examen pour avoir drogué une députée à son insu, compte faire son "possible" pour "remplir son mandat parlementaire".Toutefois, le président du Sénat Gérard Larcher l'invite ce lundi à se "mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur".S'il décidait de revenir siéger au palais du Luxembourg, Joël Guerriau le pourrait-il ?
Il a été mis en examen vendredi dernier, soupçonné d'avoir drogué une députée à son insu en vue de l'agresser sexuellement. Le lendemain, le sénateur Joël Guerriau a été suspendu par son parti Horizons, qui a également fait savoir qu'il allait entamer "une procédure disciplinaire pouvant conduire à une exclusion définitive" ; et il a été suspendu par le groupe Les Indépendants au sein duquel il siège au Sénat, là aussi avec une exclusion possible à l'issue d'une procédure disciplinaire. En attendant une quelconque décision, pourra-t-il tout de même revenir siéger au palais du Luxembourg ?
Son avocat a laissé entendre que c'était son intention. "Il n'a pas été interdit d'accès au Sénat. Il n'a pas été interdit de continuer à être sénateur et de remplir son mandat parlementaire. Donc, il fera ce qu'il pourra faire dans la mesure du possible", a déclaré Me Rémi-Pierre Drai samedi à France Bleu. "Il continue ses fonctions et puisqu'il est suspendu par son parti, il continuera sans étiquette le temps de prouver son innocence", a-t-il ajouté.
Il revient désormais à M. Joël Guerriau de prendre ses responsabilités."
Gérard Larcher
Le communiqué envoyé ce lundi par le président du Sénat confirme la possibilité d'un retour. Dans ce texte, Gérard Larcher invite Joël Guerriau "à démissionner de ses fonctions de secrétaire au Bureau du Sénat et de vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu’à se mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur". "Il revient désormais à M. Joël Guerriau de prendre ses responsabilités, le temps que la justice et les services de police puissent éclaircir les faits", poursuit le sénateur LR, laissant entendre que d'ici-là, rien ne peut empêcher Joël Guerriau de remettre les pieds au palais du Luxembourg.
En effet, dans le règlement du Parlement, rien ne l'empêche de fréquenter la chambre haute, une mise en examen n'ayant aucune conséquence et ne valant pas exclusion. Le règlement ne fait état que de sanctions pour des faits disciplinaires survenus dans l'hémicycle, par exemple pour provocation d'une "scène tumultueuse" ou "injures, provocations ou menaces" envers des collègues. Au chapitre 25, il est aussi rappelé les "obligations déontologiques" auxquelles doivent se soumettre les parlementaires, mais il est ici question de conflit d'intérêts, de respect du principe de laïcité ou de probité.
Une immunité parlementaire protectrice
Joël Guerriau pourrait-il bénéficier de son immunité parlementaire ? Sur le site de l'institution, on lit que "le sénateur ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau du Sénat", sauf "en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive". Or selon la présidence du Sénat, "il ne bénéficie pas de l’immunité parlementaire car il a été mis en cause en situation de flagrance". Donc en attendant un jugement ou une décision de justice, Joël Guerriau peut tout à fait siéger au Sénat.
Même condamné, Joël Guerriau pourrait revenir siéger, à moins qu'une peine d'inéligibilité ne soit prononcée contre lui. "Seule la justice pourrait, le cas échéant, le démettre de son mandat parlementaire, à l’issue de la procédure pénale", confirme Gérard Larcher dans son communiqué. Selon l'article LO 296 du code électoral, si une peine d’inéligibilité définitive est prononcée à l'encontre d'un parlementaire en cours de mandat pour des faits postérieurs à son élection, elle entraîne sa déchéance de plein droit. Cette dernière doit ensuite être constatée par le Conseil constitutionnel, qui acte la déchéance de mandat, comme cela avait été le cas pour Gaston Flosse en 2014.
Un retour parmi les non-inscrits ?
Si actuellement un potentiel retour du sénateur de Loire-Atlantique ne peut pas être empêché d'un point de vue légal, il peut en revanche être contesté d'un point de vue moral - il y a fort à parier que beaucoup de ses collègues parlementaires s'en émouvront. En prévention, la décision qui a été prise par son groupe parlementaire de le suspendre immédiatement aura pour effet de lui enlever du poids politique. Joël Guerriau devra en effet siéger parmi les non-inscrits. Or, ces derniers ont moins de temps de parole dans l'hémicycle et lors des travaux en commission. Le cas s'était présenté il y a quelques mois avec Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales. Exclu pour quatre mois de son groupe, il avait siégé plusieurs mois avec les députés non-inscrits.