Affaire Tapie : Eric Woerth mis en examen pour un avantage fiscal contesté

Publié le 5 juillet 2021 à 23h04
Eric Woerth, le 10 juin 2020, à l'Assemblée nationale
Eric Woerth, le 10 juin 2020, à l'Assemblée nationale

REBONDISSEMENT - L’ex-ministre du Budget a été placé en examen le vendredi 2 juillet, soupçonné d’avoir accordé un cadeau fiscal à Bernard Tapie dans le cadre de l’arbitrage de son litige avec le Crédit Lyonnais.

Les faits remontent à 2009 : l'ex-ministre du Budget Éric Woerth a été mis en examen vendredi 2 juillet, accusé d’avoir accordé un coup de pouce fiscal à l’homme d’affaires Bernard Tapie, après l'arbitrage controversé de son conflit avec le Crédit Lyonnais, a appris l’AFP auprès de son avocat, confirmant une information du Parisien

Agé de 65 ans et président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, le député LR de l’Oise est ainsi soupçonné de “concussion”, infraction dans l'exercice d'une fonction publique, par la Cour de justice de la République (CJR), la seule instance habilitée à examiner les responsabilités pénales de membres du gouvernement au cours de leur mandat. 

Dans le cadre de l'arbitrage, rendu en 2008 et annulé depuis au civil, Bernard Tapie s'était vu accorder 403 millions d'euros pour solder son litige avec le Crédit lyonnais concernant la vente d'Adidas. Une partie de l'argent a été versée à Groupe Bernard Tapie (GBT), une des holdings de l'ancien président de l'Olympique de Marseille.

Pour l'administration fiscale, l'argent versé à GBT devait être taxé au titre de l'impôt sur les sociétés (33,3%), mais le camp Tapie demandait l'application du régime, beaucoup plus favorable, des plus-values (1,67%). Finalement, dans une lettre du 2 avril 2009, le cabinet ministériel d'Éric Woerth avait décidé de taxer deux tiers de l'indemnité à 1,67% et un tiers à 33,3%.

En 2016, une information pour “concussion” avait déjà été ouverte par le parquet de Paris, après que le procureur général auprès de la Cour des comptes, Gilles Johanet, ait accusé Éric Woerth d’avoir accordé à Bernard Tapie une “exonération fiscale”. Une source proche du dossier avait relevé à l'époque que la solution proposée par l'administration fiscale aurait entraîné un paiement de l'impôt de 100 millions d'euros et que GBT avait payé en définitive 11 millions d'euros.

L'avocat d'Éric Woerth espère un "non-lieu"

"Je suis convaincu qu'on obtiendra un non-lieu ou, mieux, un abandon de cette mise en examen quand la Cour aura pris connaissance des documents que nous avons, qui sont nombreux et qui démontrent qu'aucun avantage illicite n'a été accordé à M. Tapie", a réagi auprès de l'AFP son avocat Jean-Yves Le Borgne.  

"Nous parlons en 2008 d'une compensation d'une perte qui remonte à 1994-1995. Entre les deux dates, le régime fiscal a changé. La question est : quel est celui le plus légitime à adopter ? Celui de 1995 au moment du dommage ou celui de 2008 au moment où on répare ce dommage ?", a-t-il ajouté.

Menacé par un autre procès dans l'affaire du financement lybien de la campagne de Nicolas Sarkozy

En plus de l'affaire Tapie, une autre menace de procès pèse sur Éric Woerth : ancien trésorier de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy, il est mis en examen depuis 2018 pour "financement illégal de campagne électorale", dans l'enquête sur les soupçons de financement libyen de cette élection.

Quant à Bernard Tapie, son procès en appel sur les accusations d'escroquerie dans l'arbitrage s'est conclu début juin à Paris et la cour doit rendre sa décision le 6 octobre pour lui et cinq autres prévenus. Le parquet général a requis cinq ans d'emprisonnement avec sursis contre l'homme d'affaires. Atteint par une récidive de son cancer, il n'a pas assisté aux derniers jours d'audience, sans être représenté non plus par ses avocats qui protestaient contre le refus de repousser le procès.

Déjà poursuivi par la justice à plusieurs reprises mais jamais condamné jusqu'ici, Éric Woerth de son côté a déjà fait l'objet d'une enquête de la CJR pour la vente controversée de l'hippodrome de Compiègne (Oise) en 2010. Soupçonné de "prise illégale d'intérêts", l'ancien maire de Chantilly (1995-2017) avait obtenu un non-lieu fin 2014 dans ce dossier. Il a par ailleurs été relaxé en 2015 de plusieurs accusations dans l'affaire Bettencourt.


La rédaction de TF1info (avec AFP)

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