ENVIRONNEMENT - Les députés ont rejeté lundi soir un amendement soutenu par le ministre de la Transition écologique visant à inscrire l'interdiction du glyphosate dans la loi Agriculture et alimentation. Si ce texte prévoit quelques avancées sur les pesticides, il s'agit là un nouveau coup dur pour Nicolas Hulot, toujours plus sous pression.
C'est un dossier dans lequel Nicolas Hulot s'est engagé fortement ces derniers mois, quitte à faire entendre ses désaccords avec Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture. Dans la nuit de lundi à mardi, les députés ont rejeté par 63 voix contre 20 l'amendement qu'il soutenait, prévoyant d'adjoindre à la loi Agriculture et alimentation l'interdiction du glyphosate à partir de 2021 en France.
Le glyphosate, cet herbicide dont les composants ont été jugés cancérogènes par l'Organisation mondiale de la santé, et dont l'Union européenne a prolongé l'autorisation pour 5 ans, ne sera donc pas inscrit dans la loi. Mardi sur France Info, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a toutefois assuré que l'engagement pris par Emmanuel Macron lui-même de sortir du glyphosate d'ici trois ans était "clair" et qu'il serait respecté, malgré sa non-inscription dans la loi. Le temps, pour le gouvernement, de trouver une "alternative" à ce produit controversé pour les agriculteurs. Pour l'heure, Stéphane Travert, à la manœuvre, a simplement annoncé une "mission de suivi"...
"Il ne se passera rien"
Le coup est rude pour Nicolas Hulot, qui prévenait ainsi, le 18 mai : "si l'on ne se fixe pas ces points d'étapes, je sais très bien qu'il ne se passera rien". Si le ministre a obtenu plusieurs avancées concrètes dans la loi votée, comme l'interdiction des ristournes et rabais sur la vente de pesticides (article 14, dont la FNSEA, principal syndicat agricole, réclamait le rejet), le cas du glyphosate risque de laisser politiquement des traces.
"Cela ne minimise pas les autres avancées obtenues, mais c'est un rendez-vous manqué", a reconnu sur LCI le député LREM de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot qui soutenait l'amendement rejeté par la majorité. D'autant que le ministre de la Transition écologique avait déjà dû reculer, en février, en envisageant des "exceptions" pour les agriculteurs en cas d'interdiction du glyphosate.
Le bras de fer entre Nicolas Hulot et Stéphane Travert, malgré les dénégations des intéressés, a commencé dès l'automne dernier, se cristallisant autour des Etats généraux de l'alimentation qui ont précédé la loi actuellement débattue. Des rumeurs de démission, démenties par l'intéressé, avaient même circulé lorsque l'ancien animateur d'Ushuaïa avait boudé la clôture des Etats généraux, fin décembre.
Sous pression
S'il a pu annoncer quelques engagements forts depuis le début du quinquennat (fin des véhicules à essence d'ici 2040, interdiction de l'exploitation des gaz de schiste...), Nicolas Hulot, qui vient de lancer son plan biodiversité, peine à faire valoir son bilan au ministère. D'autant qu'il risque de se retrouver à nouveau aux cœur de nouvelles tensions au sein de la majorité.
La loi "portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique" (Elan), qui doit être débattue à son tour à l'Assemblée nationale, a été "enrichie" mi-mai d'un amendement de la majorité qui créerait, selon ses détracteurs, une brèche dans l'emblématique loi Littoral, qui protège les côtes françaises contre l'urbanisation depuis 1986. Une loi défendue bec et ongle par Nicolas Hulot.
L'amendement en question, qui doit être examinée ce week-end, prévoit de pouvoir densifier certains hameaux au-delà des 100 mètres de côte sanctuarisés, afin de répondre aux préoccupations d'élus locaux dont les administrés se sont vus interdire par le juge de construire sur des terrains qu'ils avaient acquis. "L'amendement vise à renforcer la densification et à lutter contre l'étalement urbain. Nous allons, contrairement à ce qui est affirmé, conforter la loi littoral", assure à LCI le député LaREM des Landes Lionel Causse. Pas de quoi s'inquiéter, donc, pour Nicolas Hulot ?
L'heure du bilan
Le ministre de la Transition a indiqué, mi-mai, qu'il "ferait son évaluation cet été", et ainsi juger de sa place au sein de l'exécutif. Une position que partage Matthieu Orphelin, pour qui le gouvernement doit donner "plus de signaux sur l'écologie". "Nicolas Hulot a bien raison de dire que cet été est le bon moment pour le bilan", a expliqué le député à LCI. "La loi agriculture, le plan pollution et la loi mobilités seront passés. On aura tout pour répondre à la seule question qui compte : sommes-nous à la hauteur ?"
Une façon de mettre un nouveau coup de pression sur Emmanuel Macron avant de prendre une décision qui serait lourde de conséquences. Le dernier coup de poker de Nicolas Hulot au gouvernement.
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