Les présidents de la République à la télévision : chacun son style pour s'adresser aux Français

Publié le 13 décembre 2021 à 18h23, mis à jour le 15 décembre 2021 à 8h33
Valéry Giscard d'Estaing lors d'une conférence de presse en 1980

Valéry Giscard d'Estaing lors d'une conférence de presse en 1980

Source : AFP

HISTOIRE - Mercredi sur TF1 et LCI (21h05), Emmanuel Macron se livre à un exercice de télévision inédit. Avant lui, ses prédécesseurs ont tous essayé de tirer parti de ce puissant média, en faisant preuve d'imagination mais avec plus ou moins de succès.

Ce mercredi soir sur TF1 et LCI à 21h05, Emmanuel Macron se livrera à un exercice inédit pour un Président de la Ve République. Dans une émission enregistrée, il "répondra aux questions que se posent les Français", s'exprimera "sur la manière dont il a vécu son quinquennat" et "sa vision de l'avenir"

Avant lui, d'autres chefs de l'Etat ont essayé de tirer parti de la télévision dans le cadre de leur exercice, et ont rivalisé d'imagination pour séduire les Français.

Si le général de Gaulle c’est d’abord la radio et les appels qu’il passe aux Français depuis Londres au cours de la Seconde Guerre mondiale, le mandat du premier Président de la Ve République est marqué par l’essor de la télévision. Le chef de l’Etat va s’en servir pour mettre en avant son action et se rapprocher des Français, bien aidé en cela par la Radiodiffusion Télévision Française (RTF) placée sous le contrôle du gouvernement. 

Il apprend à maîtriser l’exercice de l’allocution télévisée, soignant sa voix, sa gestuelle, se débarrassant de ses notes pour s’adresser directement à la caméra. De janvier 1959 à novembre 1965 il est intervenu officiellement 41 fois, dont 12 dans le cadre de conférences de presse. Il a appris très vite à maîtriser l’instrument, à parler aux Français "les yeux dans les yeux, sans papier et sans lunettes" pour reprendre ses propres mots, lit-on dans Image, politique et communication sous la Cinquième République de Christian Delporte. C’est le général de Gaulle qui instaure la tradition des vœux télévisés, toujours en vigueur aujourd’hui. 

Giscard d'Estaing : des interviews "au coin du feu"

Georges Pompidou s’entraîne aux exercices télévisés à son entrée à Matignon en 1962. Il reste longtemps mal à l’aise, donnant l’air de réciter son texte ou ne sachant pas quoi faire de ses mains, mais il sait quelle place a pris ce média chez les Français, et l'importance de le maîtriser. En la matière, son successeur est devenu un maître. Valéry Giscard d'Estaing se sert de ce média pour servir son image de président moderne, apparaissant en vêtements décontractés, s'invitant à dîner chez les Français, ou se laissant filmer en train de jouer de l'accordéon ou de participer à un match de football. Il ouvre l'Elysée aux journalistes, qui viennent l'interroger "au coin du feu"

En février 1977, il est le premier à répondre en direct à la télévision aux questions des Français dans l'émission Les Dossiers de l'écran. C'est sous son mandat que les débats politiques se multiplient, celui de 1974 entre Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand étant le point d'orgue de la campagne présidentielle, avant la revanche de 1981. Enfin, la vidéo la plus célèbre du Président est sans conteste son "au revoir" à la Nation en 1981 et le long plan séquence qui le voit pousser sa chaise, se lever de son bureau et se diriger vers la sortie.

Il laisse sa place à François Mitterrand, qui a appris à maîtriser l'outil et "les yeux noirs" des caméras, qu'au milieu des années 60 il perçoit comme un moyen de propagande gaulliste. "Au fil des ans, Mitterrand a appris à se mettre en condition comme un acteur pour faire passer une partition personnelle forte et sincère, notamment au sujet de la peine de mort" dans l'émission Cartes sur table en 1981, a raconté le réalisateur Serge Moati dans un documentaire intitulé Mitterrand et la télévision. 

Il devient maître dans l'art de débattre. En 1981, oubliés les "vous n'avez pas le monopole du cœur" et "vous êtes un homme du passé" de Giscard, à qui il rétorque "c’est quand même ennuyeux que dans l’intervalle vous soyez devenu l’homme du passif". En 1988 face à Jacques Chirac, il gagne encore des points en lui servant du "monsieur le Premier ministre"

Vers la politique spectacle

Jacques Chirac et la télévision, cela n'a pas toujours été synonyme de succès et de grande histoire d'amour. C'est par ce biais qu'il annonce la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997, sûrement sa plus grande erreur politique, ou qu'il acte son désamour avec Nicolas Sarkozy, déclarant : "Je décide, il exécute". Mais les séquences cultes du Président à la télévision sont filmées hors interventions officielles : lorsqu'il s'énerve en anglais avec les services de sécurité du pays censé le protéger à Jérusalem, qu'il s'emmêle les pinceaux entre la coupe du monde et la coupe de France après le sacre des Bleus en 1998, ou qu'il se prend à flirter avec la députée Sophie Dessus sous les yeux de sa femme Bernadette Chirac. 

La mise en scène et la politique spectacle, Nicolas Sarkozy en est friand. Les séquences les plus célèbres du Président sont elles aussi tournées sur le terrain, chacune de ses sorties étant désormais suivies par des hordes de caméras, information en continu oblige. Toutefois il ne manque pas d'organiser des entretiens en tête-à-tête avec un ou plusieurs journalistes, et il aime participer à des émissions où des Français jouent les intervieweurs. Plus le nombre de chaines de télévision croît, plus ces émissions présidentielles sont fréquentes. Toutes veulent profiter des bonnes audiences de ces interventions présidentielles. Le 29 janvier 2012, alors qu'il ne s'est pas encore déclaré candidat à sa réélection, l'un de ses entretiens est diffusé en simultané sur huit chaînes différentes. Pendant une heure et quart, ce dimanche soir, quatre intervieweurs se succèdent pour l'interroger sur des thèmes économiques.

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En "Président normal", François Hollande se fait un peu plus rare à la télévision, où il est souvent maladroit. C'est notamment sur TF1, en septembre 2012, qu'il juge que le gouvernement doit "inverser la courbe du chômage", et qu'il pousse tous les commentateurs à regarder ces indicateurs tout au long de son mandat. Comme son prédécesseur il s'adonne lui aussi aux questions-réponses avec les Français. Son intervention la plus célèbre restera certainement celle de décembre 2016 où il annonce qu'il ne briguera pas un second mandat et ne sera pas candidat à sa propre succession, laissant le champ libre à un certain Emmanuel Macron. 

Malgré lui, à cause de la crise sanitaire, l'actuel chef de l'Etat restera comme l'un des champions des allocutions télévisées. Le 9 novembre dernier, il a prononcé sa 9e allocution en 21 mois. Alors pour ne pas lasser les Français et renouveler l'exercice, il s'adonnera à un format inédit ce mercredi soir sur TF1 et LCI. 


Justine FAURE

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