"Balkanython" : l'appel aux dons pour Patrick Balkany "potentiellement illégal" selon un avocat

par Matthieu JUBLIN
Publié le 6 novembre 2019 à 18h22, mis à jour le 6 novembre 2019 à 19h41

Source : La matinale

SOLIDARITÉ - Détenu depuis sa double condamnation en première instance, le maire de Levallois (Hauts-de-Seine) demande sa remise en liberté. Mais l'association qui s'est créée pour récupérer des dons afin de financer ses "frais" de justice, notamment sa caution de 500.000 euros, pourrait être illégale, selon un avocat.

Un demi-million pour sortir de prison, et un débat juridique inattendu : ce sont les ingrédients du "Balkanython", la cagnotte mise en place pour payer la caution de Patrick Balkany, dont le surnom rappelle le "Sarkothon" lancé en 2013 pour renflouer l'UMP. Cette fois, il s'agit pour le maire de Levallois (Hauts-de-Seine) de payer sa caution afin d'être remis en liberté après sa condamnation à 4 ans de prison pour fraude fiscale avec incarcération immédiate en septembre, puis à 5 ans de prison pour blanchiment aggravé avec un nouveau mandat de dépôt le 18 octobre.

À l'origine du "Balkanython"

Pour sortir de la prison de la Santé où il est détenu depuis le 13 septembre, l'édile de 71 ans doit bénéficier de deux décisions de remise en liberté de la part de la cour d'appel de Paris, correspondant à chacune de ses deux condamnations. Il a obtenu la première le 28 octobre et sera fixé sur la seconde mercredi 13 novembre, après avoir plaidé sa cause ce mardi devant les juges.

Si la cour décide de libérer Patrick Balkany, en vue de son procès en appel, du 11 au 18 décembre 2019, elle a cependant fixé plusieurs conditions pour son placement sous contrôle judiciaire : ne pas quitter territoire, ne pas se rendre à Paris et, entres autres, dans les Hauts-de-Seine, fixer sa résidence à Giverny (Eure), pointer une fois par semaine à la gendarmerie, remettre son passeport. Et, surtout, verser une caution de 500.000 euros.

Le problème, affirme Patrick Balkany, c'est qu'il n'a "plus un rond" pour payer cette caution. "Je crains que malgré la brillante plaidoirie de mon avocat, je sois obligé de rester au trou, car je ne vois pas comment réunir cet argent", a-t-il ajouté devant les juges ce mardi. Ce n'est pas du goût de certains Levalloisiens, qui ont déposé lundi 4 novembre les statuts d'une association à la préfecture. Nommée "Association de Soutien à Patrick Balkany", celle-ci "a pour objet de permettre à Patrick Balkany de s'acquitter des frais auxquels il doit faire face dans le cadre des procédures judiciaires dont il est l'objet et notamment des cautions qui permettront sa sortie de détention", selon ses statuts consultés par LCI.

Un problème de statuts ?

C'est Isabelle Balkany qui a annoncé elle-même le 5 novembre la création de cet lancé un appel aux dons. "Avec notre accord, des Levalloisiens ont déposé une association de soutien pour acquitter la caution de Patrick", a-t-elle déclaré sur BFMTV, après avoir constaté le lancement de "cagnottes Leetchi dans tous les sens". Sauf que les statuts de l'association pourraient poser de nouveaux problèmes judiciaires. Explications.

Selon plusieurs avocats contactés par LCI, il est légal d'effectuer un appel aux dons afin de payer la caution d'un tiers. En revanche, l'article 40 de la loi de 1881 "interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement".

Pour l'avocat Thierry Vallat, "un appel aux dons pour payer une caution n'est pas puni par la loi, et c'est d'ailleurs une pratique déjà vue". Le problème, selon lui, c'est que "l'objet social de l'Association de soutien à Patrick Balkany est plus large". Effectivement, cet objet est de permettre au maire de Levallois de "s'acquitter des frais (...) et notamment des cautions". "Si on parle de tous les frais de justice, ça semble très large et donc potentiellement illégal, poursuit l'avocat. D'ailleurs, le terme 'frais' figure en toutes lettres dans l'article 40." Les responsables de l'association prennent donc, selon Me Vallat, "un gros risque", tout comme Isabelle Balkany, qui a évoqué publiquement cet appel aux dons, conclut-t-il.

Dans Le Parisien, l'avocat Anthony Bem va même plus loin en estimant que "les termes de la loi sont suffisamment larges pour que le paiement d'une caution entre dans la catégorie des frais". Pourtant, Isabelle Balkany indique dans le quotidien s'être "entretenue avec des juristes, qui ont validé le principe" de cette cagnotte. Contacté par LCI, le président de l'Association de soutien à Patrick Balkany n'a pas répondu à cette heure.

VIDÉO - L'humeur de Beaugrand : Une cagnotte pour Patrick BalkanySource : La matinale

Ce qui est sûr, c'est que d'autres personnalités ont déjà été condamnées pour avoir lancé des appels aux dons frauduleux. C'est le cas des polémistes Dieudonné et Alain Soral, qui avaient écopé de plusieurs milliers d'euros d'amende en 2015 pour avoir réclamé de l'argent afin de payer des amendes auxquels ils avaient été condamnés pour incitation à la haine.

L'affaire du "Balkanython" n'est pas non plus sans rappeler la cagnotte lancée pour soutenir l'ex-boxeur Christophe Dettinger, dont le but était "de soutenir sa famille et de lui montrer la solidarité du peuple des Gilets jaunes". Ce dernier avait été condamné à 1 an de prison ferme en février 2019 pour avoir frappé des forces de l'ordre, et porte désormais un bracelet électronique. Quant à sa cagnotte, qui avait atteint 145.000 euros en 48 heures, elle est toujours bloquée par la plateforme Leetchi, et son sort doit faire l'objet d'une audience judiciaire le 9 décembre 2019.


Matthieu JUBLIN

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